Contesté par sa population, condamné par des pays arabes et en Occident, le président syrien Bachar Al Assad s'accroche plus que jamais au pouvoir. Comme tous les dictateurs arabes qui sont tombés depuis le 14 janvier dernier, Al Assad s'obstine à voir dans les contestataires «une poignée de fauteurs de troubles». Au moment même où le régime de Kadhafi, à l'agonie, est assiégé par la rébellion soutenue par l'Otan, Al Assad, lui, estime que le mouvement de contestation syrien devenu plus «violent ces dernières semaines, sera maîtrisé». Quel prix devront payer les Syriens pour se débarrasser d'un pouvoir aveugle qui n'hésite pas à utiliser les navires de guerre contre des manifestants désarmés ? Au moment où la communauté internationale ne cesse de s'élever contre la répression des manifestations dans son pays et les violations flagrantes des droits de l'Homme, Bachar Al Assad a annoncé dimanche 21 août 2011 au soir, dans le quatrième discours télévisé depuis le début des manifestations le 15 mars dernier, qu'il organiserait en février 2012 des élections législatives. Dans son intervention à la télévision d'Etat, Al Assad a reconnu que la solution de la crise qui secoue depuis cinq mois le pays devrait être politique. Un aveu qui ne lui permet pas, cependant, d'aller plus loin qu'une promesse de réformes constitutionnelles pour permettre à d'autres partis que le Baâth de se présenter. Bachar Al Assad ne manquera, cependant, pas de mettre en garde les Occidentaux contre toute velléité de recours à la force. Il mettra dans ce sillage en exergue la situation géopolitique de la Syrie et ses capacités militaires. Le président syrien a clairement expliqué aux détracteurs occidentaux et arabes qu'un scénario à la libyenne ne saurait être réédité en Syrie. Les nouvelles promesses d'ouverture politiques d'Al Assad, qui sont quasi identiques à celles qu'il a tenues en juin denier à l'occasion de sa dernière intervention télévisée, s'accordent à le dire tous les observateurs de la scène politique syrienne, s'avèrent être insuffisantes et tardives au vu du développement du mouvement de contestation. Cette annonce a, toutefois, circulé dans les couloirs de la session extraordinaire du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, réuni hier à Genève, à la demande de vingt-trois pays dont l'Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar et le Koweït pour examiner la question syrienne. Les Nations unies entendent mettre en place une commission d'enquête indépendante sur les exactions commises en Syrie depuis le 15 mars 2011. Selon l'ONU, pas moins de 2 000 morts seraient recensés parmi les manifestants. La réunion, comme le présentaient les observateurs, déboucherait, probablement, sur la publication d'un projet de résolution demandant de cesser immédiatement tous les actes de violence contre la population. Quant à l'opposition installée à l'étranger notamment le courant islamiste, rassemblée dimanche dernier à Istanbul, on a évoqué la création d'un Conseil national d'opposition pour préparer la transition démocratique. Une création qui ne semble nullement trouver le consensus souhaité dans les rangs des manifestants avant la rencontre d'Istanbul. Islamistes, jeunes démocrates et libéraux, opposants de gauche et Kurdes ont du mal à s'accorder. Les contestataires restent divisés quant à l'opportunité de créer, en ce moment, une instance représentative du peuple syrien. «Les appels de plusieurs congrès tenus à l'intérieur et à l'étranger, appelant à former des conseils de transition ou des gouvernements en exil, ont eu des répercussions néfastes et négatives sur la révolution syrienne», affirmait, dimanche, dans un communiqué l'instance générale de la révolution syrienne (SRGC). Cette coalition regroupe 44 groupes et comités de coordination qui animent depuis cinq mois la contestation à l'intérieur du pays. Cette mise au point intervient alors que des opposants islamistes entendaient inaugurer le «Conseil national» syrien composé de 115 à 150 membres, dont plus de la moitié sont à l'intérieur de la Syrie et le reste en exil. Si la SRGC soutient tout appel en faveur de l'unification de l'opposition syrienne à l'intérieur et à l'étranger, elle reste inflexible sur l'opportunité de créer une telle instance en ce moment précis de la lutte contre le régime en place. La SRGC affirme que l'intérêt national et l'intérêt de la révolution syrienne dictent le report de tout projet qui vise à représenter l'ensemble du peuple syrien tant qu'il n'y a pas d'accord entre les différentes composantes du peuple.Sur un plan externe, personne jusque-là n'a encore évoqué l'éventualité d'un recours à la force pour mettre fin à la répression sanglante de la contestation. Les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) ont, toutefois, réclamé cette semaine, pour la première fois, la démission de Bachar Al Assad. Plusieurs pays arabes ainsi que la Turquie ont également critiqué le régime Assad pour avoir envoyé en plein Ramadhan ses blindés et ses navires de guerre, pour réprimer les manifestants à Lattaquié. Les autorités syriennes ont expulsé les représentants de tous les médias étrangers depuis le début du soulèvement, si bien qu'il est très difficile de vérifier de source indépendante les informations émanant du terrain. Les seules sources d'information demeurent aujourd'hui les déclarations des ONG et des militants des droits de l'Homme ainsi que les images qui circulent sur le net. La délégation de l'ONU, arrivée à Damas, a pour mission officielle d'évaluer les besoins humanitaires de la population. Les Nations unies ont tenté, depuis le mois de mai, d'envoyer une mission humanitaire en Syrie. Il y a trois jours, Valerie Amos, secrétaire générale adjointe chargée des Affaires humanitaires de l'ONU, avait déclaré devant le Conseil de sécurité que cette visite devrait se renouveler et affirmé que la mission actuelle devrait avoir un accès sans entrave à l'ensemble du territoire syrien. Cette semaine, Bachar Al Assad avait assuré au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, que les opérations militaires et de maintien de l'ordre avaient cessé en Syrie. G. H.