Photo : M. Hacène Par Karima Mokrani Pour un premier jour de rentrée, c'est plutôt calme. Un calme plat, dirions-nous. Les enfants et les adolescents n'affichent pas le grand enthousiasme pour retourner à l'école ni les enseignants d'ailleurs, et les parents d'élèves ne se posent pas trop de questions en ce qui concerne le déroulement de cette nouvelle rentrée, la disponibilité du manuel et des trousseaux scolaires, etc.. Même les prix qui vont en croissance continue ne semblent pas les intriguer outre mesure. Tout se normalise, se banalise. Chacun fait face à la conjoncture avec les moyens du bord, convaincu que tout passera comme est passé tout le reste. Le seul à hausser le ton, bien plus fort que les syndicats qui brandissent la menace de grève -pour des revendications plus salariales que pédagogiques - est le ministre Boubekeur Benbouzid. C'est lui le promoteur de tous les projets lancés dans le cadre de la réforme et c'est aussi lui le responsable de leur aboutissement ou de leur échec. Le ministre est en colère. Seules 54 écoles primaires sur un ensemble de 240 programmées pour cette rentrée ont été réceptionnées. Aussi, seuls 120 CEM sur un total de 196 et 71 établissements du secondaire sur un ensemble de 120 étaient au rendez-vous. Les élèves de la région ouest d'Alger seront pénalisés plus que d'autres à cause du déficit en matière d'infrastructures. Les pouvoirs publics n'ont pas tenu leurs promesses de faire suivre l'opération de relogement par de nouvelles infrastructures éducatives de façon à assurer à chaque nouvel élève une place dans une école qui réponde aux normes. Le problème de la surcharge des classes se pose encore cette année et ce n'est pas le ministre qui niera ce fait puisque c'est lui-même qui évoque la question avec beaucoup de regret. M. Benbouzid endosse la responsabilité aux services de la wilaya d'Alger et certainement au ministre de l'Habitat, même s'il ne cite pas directement son camarade au sein du gouvernement. Une bonne manière de se dédouaner devant des parents d'élèves malheureusement blasés, désarmés et désabusés.Outre ce déficit en infrastructures scolaires qui reste tout de même le plus important, le plus inquiétant, il y a le réaménagement du volume horaire au profit des élèves du primaire. Rien n'est encore clair là-dessus. «Ils nous disent d'attendre que l'instruction arrive du ministère de l'Education nationale pour la mettre à exécution… Pour le moment, les cours seront assurés comme d'habitude, selon les horaires de l'année dernière», indique une mère de deux enfants scolarisés dans une école primaire à Ruisseau, dans la commune de Belouizdad (Alger). Elle vient raccompagner ses deux enfants à la maison. C'est l'heure du déjeuner. «Ils n'ont pas encore ouvert les cantines», confie-t-elle. Pourtant, le ministre n'a eu de cesse d'instruire les directeurs des établissements scolaires d'ouvrir ces cantines immédiatement après la rentrée. A Aïn Benian, un père de famille est déçu par la réponse d'un directeur d'établissement primaire, sans pourtant lui en vouloir, convaincu que la décision vient d'une autorité supérieure. Sa fille, âgée de cinq ans, n'a pas eu droit à une place dans le préscolaire. Et elle n'est pas la seule. Tous les autres, inscrits pourtant des mois avant la rentrée, étaient en quelque sorte «refoulés». «Il nous a dit qu'ils ont arrêté le préscolaire jusqu'à nouvel ordre. Il attend une instruction du ministère de tutelle pour pouvoir accepter les enfants. Je ne lui en veux pas, ce n'est pas de sa faute mais c'est très frustrant pour nous les parents et plus encore pour l'enfant. Nous attendons cette instruction ministérielle», rapporte-t-il. A la rue Belouizdad, les vendeurs «illégaux» des trousseaux scolaires sont boudés. C'est le mot. «Ils ne veulent pas que nous travaillions», dira un jeune d'une vingtaine d'années. «Pas même un client !!», s'étonne-t-il. Pourtant, soutient-ils, ces affaires sont les mêmes que celles des magasins et, de plus, moins chers. C'est vrai, poursuit-il, les prix des cahiers ont relativement augmenté à cause du papier mais «c'est moins cher chez nous… Pourquoi nous boudent-ils ?». Ce n'est pas la grande affluence, non plus, dans les magasins. Peut-être que les parents attendent que leurs enfants aient les listes complètes des affaires à acheter. Peut-être aussi qu'ils n'ont pas assez d'argent pour payer des charges en plus, après celles des vacances estivales, du Ramadhan et de l'Aïd.L'autre problème est que l'argent n'est pas disponible en quantités suffisantes dans les bureaux de poste. Il y a toujours manque de liquidités. En attendant que les choses s'améliorent, les parents d'élèves prennent leur mal en patience sans faire de bruit. Ce n'est pas le moment d'ajouter de l'huile sur le feu. C'est toute la rentrée sociale qui s'annonce rude.