Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Sorti de la zone de turbulences, le complexe sidérurgique d'El Hadjar se tourne résolument vers l'avenir avec la volonté de réaliser les business plan prévus et ainsi se mettre au même niveau que les autres sites du groupe ArcelorMittal. Le plan d'investissement de 500 millions d'euros adopté et soutenu par les pouvoirs publics qui ont mis dans la cagnotte 30% de ce montant par le biais du groupe Sider vise l'amélioration et le renouvellement de certains équipements destinés à la production de façon à porter les capacités du complexe à 2,4 millions de tonnes par an. Première phase Dans un premier temps, ce sont les équipements stratégiques existants (filière fonte) qui subiront une sorte de lifting qui donneront à l'usine les moyens de production nécessaires pour atteindre les 1,4 million de tonnes par an. Le haut fourneau N°2 qui sera remis en état, l'amélioration de la productivité et la mécanisation ainsi que la conduite process accompagnant cette opération permettront la production de 4 000 tonnes de fonte liquide par jour. Cet investissement coûtera 90 millions d'euros. L'agglomération N°2 sera à son tour remise à niveau avec des travaux de maintenance lourde et la rénovation totale de la cokerie à l'origine de bien des conflits entre syndicat et direction que coûteront 102 millions d'euros. Seconde phase Dans un second temps, c'est une véritable révolution que connaîtra le complexe puisque ses capacités seront presque doublées avec l'implantation d'une installation de réduction directe. Celle-ci à elle seule produira l'équivalent de toute la production du complexe avant son installation. La production totale oscillera autour de 2,4 millions de tonnes par an. Elle coûtera 300 millions d'euros. Un investissement lourd qui rassure les 6200 travailleurs du complexe quant à leur avenir surtout que les besoins en acier du marché national augmentent d'année en année avec les plans quinquennaux qui se suivent. Pacte social entre syndicat et employeur Ces prévisions de production ne peuvent être réalisées sans le concours du partenaire social représenté par le syndicat d'entreprise. Celui-ci, qui a à son actif des grèves à répétition, qui avaient par le passé menacé le devenir même du complexe sidérurgique et avaient amené les expatriés français à rentrer chez eux - officiellement pour concertation- a conduit à la signature au cours de l'année 2011 d'une sorte de pacte social avec l'employeur. Le recours à la grève comme moyen de revendication est mis en veilleuse en contrepartie d'augmentations salariales immédiates suivies par d'autres soumises, celles-là à des objectifs de production. Les travailleurs qui y ont librement souscrit se disent prêts à réaliser les objectifs fixés pour pouvoir accéder à ces augmentations. Le syndicat se trouve pris dans ce jeu verrouillé à telle enseigne que lors de la conférence de presse tenue mercredi 14 septembre, le Secrétaire général du syndicat ArcelorMittal d'Annaba, Smain Kouadria, avait déclaré qu'il ne pouvait pas appeler à la grève pour soutenir les 360 ouvriers de la Tuberie sans soudure (TSS) de Pipes and Tubes Algeria (filiale d'ArcelorMittal) menacés du fait de l'absence d'un plan de charge depuis 15 mois à moins de compromettre les objectifs de production liés aux augmentations de salaires. L'explosion de la demande de produits sidérurgiques Selon un rapport des douanes algériennes, boostée par les plans quinquennaux, la consommation de l'acier sur le marché algérien a connu une explosion depuis 2007. Elle est ainsi passée de 4 200 000 tonnes en 2007, à 4 800 000 tonnes en 2008 pour augmenter encore en 2009 avec 6 millions de tonnes et baisser en 2010 se stabilisant autour de 4 300 000 tonnes, une baisse due aux retards enregistrés lors du lancement du plan quinquennal. De cette consommation, le rond à béton représente, à lui seul 47 à 50% du marché total de l'acier, les tubes 18 à 23 %, le fer plat entre 15 et 17% et le fil machine 9,5 à 10%. Les importations dépassent les 10 milliards de dollars Le complexe sidérurgique d'El Hadjar ne couvrant que près de 30% des besoins exprimés, le reste est pris en charge par les importateurs privés, une manne financière qui se chiffre en milliards de dollars. Rien que pour les tubes, l'Algérie a importé entre 2007 et 2010 les quantités de 3 millions 770 252 tonnes de ce produit pour 9 278 492 240 dollars. Pour les produits longs et le fer plat, ce sont 2 345 028 tonnes qui ont été importés pour la coquette somme de 1 497 409 025 dollars. C'est dire l'importance de ce marché que se partagent 14 importateurs implantés à travers le pays. La préférence nationale ? A la trappe ! La part de marché du complexe sidérurgique est relativement modeste et parfois nulle comme c'est le cas de la TSS qui s'est retrouvée sans plan de charge depuis 15 mois alors que plus de 9 milliards de dollars sont dépensés pour importer des tubes de l'étranger ; le même type de tube avec les mêmes caractéristiques parfois meilleures au vu des investissements et des certifications dont la TSS est détentrice est fabriqué ici à Annaba. Et ce n'est pas la petite commande de 4000 tonnes émanant de la Sonelgaz qui va sauver cette entreprise dans la tourmente. La préférence nationale devrait prévaloir, la loi le prévoit, la réalité est tout autre.