Photo : S. Zoheïr Par Younès Djama «Ce qui se passe dans le monde arabe, ce n'est ni une révolte ni une colère, encore moins une grogne, mais c'est un mouvement historique. C'est un processus révolutionnaire, qui est en œuvre depuis plusieurs années, révolutionnaire pour la simple raison qu'il y a un rejet total du statu quo, un rejet des forces dominantes dans chaque région. Mais, depuis 6 mois, il (le processus, ndlr) a pris une autre dimension. C'est un processus révolutionnaire (…) porteur d'incertitudes. On ne sait pas ce qui va arriver. Et personne ne peut dire où peut aller son aboutissement.» C'est l'avis développé par le politologue et universitaire Rachid Tlemçani. S'exprimant hier à Alger, en marge de la conférence de presse consacrée à l'annonce de la tenue du Colloque «Le monde arabe en ébullition : révoltes ou révolutions ?» organisé dans le cadre de la 16e édition du Salon international du livre d'Alger, l'enseignant à l'université d'Alger III et membre du Conseil scientifique du colloque a estimé que cette région «est arrivée à un point très critique, soit elle va s'intégrer dans le monde globalisé du point de vue positif et, dans ce cas, elle aura son mot à dire, ou bien elle sera un simple enjeu pétrolier». Selon l'universitaire, le monde arabe connaît une réelle dynamique. Un des points forts de ce processus révolutionnaire, dit-il, la société arabe n'est plus figée. «Elle est parvenue à un stade historique, celui d'acteur dans les enjeux mondiaux. C'est pourquoi les puissances occidentales sont contre ces mouvements révolutionnaires. À défaut de les stopper, ces puissances essayent de les infiltrer de l'intérieur, afin de les canaliser et aussi pour réduire leur dimension politique et géopolitique.» «Ce qui se passe actuellement est capital pour l'avenir du monde arabe et l'histoire politique», relève-t-il. Quel rôle pour les forces extérieures ? «Historiquement parlant, le facteur étranger dans toute révolution a toujours joué un rôle ; mais la question qui se pose est : quel est son poids et quelle est sa dimension ? Même du temps de la Révolution algérienne, il y a eu des étrangers qui y ont participé (…) Donc, à mon avis, le facteur étranger est un fait ; reste à savoir s'il va dominer ou non.» «Dans le cas libyen, la question posée est la suivante : est-ce que l'OTAN va occuper ce pays ou non ? Tout l'enjeu est là. L'Algérie qui est une partie intégrante du monde arabe est associée à cette dynamique», assure le politologue. Tout en saluant la tenue de ce colloque, Fatma Ousseddik a estimé, toutefois, qu'il faudra porter un regard «vigilant» sur ce qui sera dit, à propos des évènements, par ces experts étrangers. Signalons que la Bibliothèque nationale du Hamma abrite, du 28 septembre au 2 octobre, un colloque autour du thème «Le monde arabe en ébullition : révoltes ou révolutions ?». Y prendront part des experts étrangers. Plusieurs conférences sont programmées, dont celle de l'ancien diplomate et académicien Lakhdar Brahimi. Ce dernier y traitera des fractures et continuités à travers l'histoire contemporaine des pays arabes. «Le but essentiel de ce colloque consiste à écouter les experts sur une question brûlante, en l'occurrence les révoltes arabes et les mouvements de contestation qui se déroulent actuellement et qui ont commencé il y a à peine six mois», affirme Rachid Tlemçani, membre du Conseil scientifique du colloque. A l'occasion de ce colloque, dit-il, «nous avons fait appel à des experts car, nous estimons qu'en tant qu'Algériens il est temps pour nous d'écouter les experts qui ont fait du terrain et qui connaissent assez bien la question ; il s'agit d'écouter leurs points de vue, et c'est à nous de confronter leurs hypothèses, leurs thèses et autres théories avec les nôtres, pour ensuite pouvoir réagir sur le terrain, parce que le monde est en ébullition.» Et le politologue d'ajouter : «Je pense que c'est une approche très intéressante de laisser parler les experts surtout les Anglo-Saxons qui sont connus pour leur travail de terrain. Je pense qu'il faut exploiter cette chance, puisque les autorités ont accepté de financer ce colloque.» La démarche des organisateurs a consisté non pas à présenter le point de vue des experts et académiciens sur la question mais, plutôt, à recueillir les analyses des académiciens et experts étrangers, dont l'activité porte, principalement, sur l'étude des phénomènes spécifiques au monde arabe. L'expertise algérienne n'a pas été laissée en reste. Outre la tâche de supervision académique confiée au Conseil scientifique, les présidences de séances du colloque ont été confiées à des académiciens et experts algériens avec pour mission de recueillir le maximum de données et d'analyses auprès des conférenciers étrangers. C'est d'ailleurs délibérément que l'expertise anglo-saxonne et les témoignages directs d'experts arabes ont été privilégiés par les organisateurs. A noter que le Conseil scientifique du colloque a confié sa présidence d'honneur à Lakhdar Brahimi, académicien écouté et diplomate chevronné. Rappelons enfin que le colloque est organisé par le Commissariat du 16e Sila, en partenariat avec l'Ecole nationale supérieure des sciences politiques.