Enfin, la direction de la culture de la wilaya d'Alger s'est décidée à réagir pour voler au secours de l'aqueduc de Aïn Zeboudja, au Val d'Hydra. On peut entrevoir l'ouvrage hydraulique datant de l'ère ottomane et classé monument national depuis janvier dernier seulement, derrière le mur de clôture entourant la résidence Chaabani, derrière le siège du ministère de l'Energie. On se demande d'ailleurs comment un site patrimonial a pu se trouver ravi aux regards et cerné par un mur d'enceinte et des villas sans qu'aucune autorité ne réagisse. Des riverains l'ont bien fait et la Tribune s'en était fait l'écho, il y a plus de cinq ans, en essayant d'attirer l'attention des autorités publiques sur ce patrimoine délaissé et menacé par le béton, mais rien n'a été fait jusqu'à aujourd'hui… mieux vaut tard que jamais, diraient les plus optimistes. Ainsi, l'ouvrage sera restauré prochainement. «Un bureau d'études a été désigné pour établir un diagnostic complet et faire l'état des lieux de cet édifice classé en janvier 2008, et une entreprise entamera incessamment les travaux d'urgence», a indiqué Kamel Righi, architecte à la direction de la culture d'Alger. «L'ensemble des parties de ce monument est actuellement en mauvais état de conservation», dira l'architecte, citant parmi ces dommages une large fissure parcourant le pan de la 7ème arche au niveau inférieur du côté nord-ouest ainsi qu'une autre fissure aussi importante que la précédente localisée entre la 13ème et la 14ème arche. «On remarque que des consolidations en béton ont été exécutées aux deux extrémités de la base inférieure du monument par l'entreprise Chaabani qui en a fait fortuitement la découverte lors de travaux de construction de la résidence», a ajouté M. Righi. S'agissant des travaux qui seront entrepris, l'architecte dira qu'ils «consisteront en des coutures sur les fissures et l'intervention en sous-œuvre pour stabiliser la structure», des travaux d'urgence en somme. Le classement de l'aqueduc, le plus important des 4 aqueducs construits au XVIIe siècle, permettra «de mettre en valeur son importance historique et archéologique en restaurant les parties touchées par la dégradation, de permettre sa protection et sa sauvegarde et de proposer ces lieux dans un projet touristique, culturel ou scientifique vu son emplacement et sa fonction durant l'ère ottomane», affirme-t-on. Mais il est difficile d'ajouter crédit à de telles assertions quand on voit la situation du site patrimonial qui est littéralement perdu au milieu de constructions modernes. On nourrira cependant un certain espoir en l'action et la volonté de la direction de la culture de la wilaya d'Alger qui a déjà fait montre d'une bonne réactivité quand la nécessité se faisait sentir. Il s'agira maintenant de faire preuve d'imagination et d'impliquer tous les responsables concernés pour redonner à l'aqueduc de Aïn Zeboudja son aura d'antan. Des décisions courageuses et nécessaires devront être prises si on entend le faire. On pourrait aussi étendre la réflexion à d'autres sites qui mériteraient d'être sauvés des griffes des pelleteuses et du cancer de béton. Nos pensées vont aux abattoirs d'Alger qui pourraient être aménagés et devenir un îlot culturel au milieu de cette débauche de verre et de béton qui l'encercle. Il y a d'autres sites encore, des fontaines, des places… H. G. Les 4 aqueducs d'Alger L'aqueduc de Aïn Zeboudja, considéré comme le plus ancien, et dont la construction aurait été supervisée par un maître fontainier -titre équivalent à celui d'architecte principal- nommé Ousta Moussa El Andaloussi, puisait ses eaux dans une source abondante située en avant de Dely Ibrahim. Il offrait un développement d'environ 12 kilomètres et recevait sur son parcours l'eau des sources de Hydra, contournait fort l'Empereur puis entrait dans la Casbah et desservait toute la partie septentrionale de la ville. Avant de pénétrer dans la médina par la Citadelle (Dar El Soltan) qu'il approvisionnait au passage, cet aqueduc alimentait quatre fontaines et la zone des Taggarins, tandis qu'à l'intérieur de la ville, il distribuait l'eau à quatorze fontaines. L'aqueduc de Aïn Zeboudja, construit durant la période 1619-1639, et dont le débit était de 734 400 litres par jour, représente un ouvrage d'art exceptionnel vu son architecture et le rôle important qu'il a joué, à l'époque ottomane, dans l'alimentation en eau potable de la ville à partir des sources naturelles. Les trois autres aqueducs de la même époque qui alimentaient la ville sont l'aqueduc d'El Hamma, à partir de la source d'El Hamma (sud d'Alger) et dont le débit était de 777 6000 litres/jour, l'aqueduc du Telemly, d'un débit de 561 600 qui puisait son eau dans une source située dans le quartier Mustapha supérieur (sud-ouest d'Alger) et l'aqueduc de Birtraria d'une capacité de 126 144 litres par jour, dont l'eau provenait d'une source de Frais Vallon (nord-ouest d'Alger).