C'est la deuxième fois en moins d'un an qu'un pays africain se retrouve avec deux présidents de la République. L'un est déclaré vainqueur par la Cour suprême et l'autre s'est autoproclamé «président élu», rejetant catégoriquement les résultats officiels qu'il a jugés trafiqués. Le 20 décembre dernier, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, a prêté serment pour entamer son second mandat présidentiel. Au même moment, l'éternel opposant Etienne Tshisekedi a prêté aussi serment chez lui à Minete, en présence de nombreuses personnalités de l'opposition. Cette cérémonie a tourné court puisque les forces de sécurité et les éléments de la garde républicaine ont bloqué tous les accès menant à la résidence de Tshisekedi. La République démocratique du Congo se retrouve ainsi dans une véritable impasse, semblable à celle qui avait marqué la Côte d'Ivoire au lendemain de la présidentielle de 2010, à la suite de laquelle ce pays s'est retrouvé avec deux chefs d'Etat, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. La seule différence qui existe entre la RDC et la Côte d'Ivoire c'est que la communauté internationale a pris position en faveur du candidat de l'opposition à Abidjan (Alassane Ouattara) l'aidant même militairement pour détrôner le président sortant Laurent Gbagbo, aujourd'hui en prison à La Haye, en attendant d'être jugé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. En RDC, Joseph Kabila, le président réélu, selon les résultats validés par la Cour suprême, a reçu le soutien de la communauté internationale qui semble le préférer à son rival Etienne Tshisekedi, considéré peut-être trop vieux (80 ans) pour diriger ce jeune pays de l'Afrique équatoriale, né à la fin du siècle dernier de l'éclatement de l'ancien Zaïre. Joseph Kabila est parmi les plus jeunes présidents du continent africain. Il a accédé au pouvoir au lendemain de l'assassinat de son père, l'ancien président Laurent Désiré Kabila, en janvier 2001, lors de la deuxième guerre du Congo. Mais il s'est fait élire le 27 novembre 2006, à l'issue de la première élection plurielle dans le pays. Joseph Kabila a fondé en 2002 le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie. Et c'est justement au nom de cet objectif de la reconstruction du pays qu'il a voulu briguer un autre quinquennat. Le soutien étranger à la victoire de Kabila s'est également fait par ce motif de la reconstruction de ce jeune pays qui a vécu sous les guerres successives et les millions de morts et de réfugiés durant plusieurs décennies. En dépit de cet appui indirect au président réélu, Etienne Tshisekedi ne perd pas espoir et reste convaincu que le peuple congolais est avec lui. Le vieux loup, comme l'appellent certains, n'est pas près d'abandonner son rêve de devenir un jour le président de la RDC. La présence de la Mission onusienne du maintien de la paix (Minesco) en RDC constitue peut-être un moyen de stabiliser le pays et d'éviter une nouvelle guerre civile qui serait fatale pour Kinshasa. L'Union pour la démocratie et le progrès social (UPDS) de Tshisekedi, soutenu par d'autres partis de l'opposition se tient prêt à une éventuelle guerre. Tshisekedi a indirectement menacé de recourir à la force, en appelant ses militants à se tenir prêts en cas de nécessité. A l'approche de l'annonce des résultats des législatives, scrutin tenu en même temps que la présidentielle, la tension est montée d'un cran, poussant à l'arrêt de l'opération du décompte des voix quelques jours avant les fêtes du nouvel an. L'opposition, à sa tête l'UPDS, a contesté les chiffres partiels d'une quarantaine de centres de compilation sur un total de 169 proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), dont des membres avaient été temporairement arrêtés par les forces gouvernementales à la veille de la présidentielle du 28 novembre 2011. La menace de l'Union européenne qui a émis des réserves sur la transparence des résultats de la présidentielle a contraint indirectement la Céni à suspendre l'opération de dépouillement qui a carrément fait appel aux experts américains et britanniques chargés de garantir la transparence du processus, selon la presse Congolaise. Les résultats des législatives qui doivent être annoncés le 13 janvier prochain pourraient être reportés, à cause de nombreuses plaintes déposées par plusieurs candidats parmi les 19 000 qui se disputent les 500 sièges de l'Assemblée, a rapporté le site électronique Afreeknews. «C'est un peu bizarre de faire venir ces experts seulement pour les législatives. Les deux élections se sont passées le même jour, dans les mêmes bureaux de vote. On ne peut pas dissocier les deux scrutins», a déclaré Albert Moleka de l'UPDS. Le camp d'Etienne Tshisekedi a appelé, en fait, ces experts à revoir aussi les résultats de la présidentielle mais cela prendra des semaines dans un pays en plein apprentissage du jeu démocratique comme dans la majorité des Etats du continent noir. Ces experts ont-ils entendu l'appel du vieil opposant ? La communauté internationale devrait-elle intervenir diplomatiquement pour refaire une nouvelle élection en RDC et financer la présidentielle ? Cela ne semblerait pas le cas mais aucune solution n'est encore proposée pour tenter de désamorcer une crise politique qui risque de virer vers l'affrontement armé. La situation n'est pas irréversible et les choses pourraient, par ailleurs, se retourner contre le président réélu dont l'entourage n'a pas cessé d'intimider certains partisans de l'opposition et de museler les médias. Un rapport d'une ONG locale a fait état de l'«escalade de la répression» contre les médias, depuis le déclenchement de la crise postélectorale. L'ONG Journaliste en danger (JED) a affirmé avoir «recensé et documenté au moins 160 cas d'atteintes diverses à la liberté de la presse dont près de la moitié enregistrés pendant la période électorale», d'octobre à décembre. «JED note avec une grande inquiétude que l'étau se resserre chaque jour un peu plus autour des médias à Kinshasa et en province», et a dénombré plusieurs «attaques armées contre des maisons de presse», déplorant «l'interdiction des émissions et la fermeture des médias proches de l'opposition», a noté encore le rapport publié fin décembre dernier. En attendant donc de trouver une issue favorable à la crise politique congolaise, les parties en conflit campent sur leur position. Le pire est en fait à craindre pour les jours et semaines à venir en RDC. Pourra-t-on éviter une nouvelle guerre sur le continent africain ? L. M.