L'Algérie «est bien placée» pour jouer un grand rôle économique dans la région durant cette conjoncture post-printemps arabe. C'est ce que pense M. Jean-Louis Reiffers, président du conseil scientifique du Forum euro-méditerranéen des instituts des sciences économiques (Femise), qui a animé, hier, une conférence sur le thème : «Quel modèle de coopération économique dans l'espace méditerranéen ?» M. Reiffers, en visite en Algérie sur invitation de l'Institut national des études stratégiques globales (Inesg), a évoqué les événements arabes sans ambages, assurant que l'élément déclencheur ne pourrait être réduit à une gifle d'un policier ou une colère passagère. Le professeur français, qui s'est attardé sur le climat qui prévaut dans la région, a mis l'accent sur les atouts économiques de l'Algérie qui pourraient la placer dans une position de leadership. En ce sens, il a assuré qu'il est le seul pays à ne pas connaître de difficultés financières avec un cadre macroéconomique sain. «L'Algérie est en position de dire ce qu'elle veut. Sa situation est saine avec une inflation faible, des ressources conséquentes et un système éducatif développé», a expliqué le conférencier, qui n'a pas hésité en outre à relever certaines failles, particulièrement en ce qui concerne l'enseignement. A ses yeux, «les innovateurs sont marginalisés en Algérie», et le pays n'accorde que peu d'importance à la recherche. C'est pourquoi, il a suggéré de revoir la politique de l'enseignement de manière à ouvrir les portes aux innovateurs et aux chercheurs, un des moteurs essentiels de l'économie et de la connaissance. Il s'est interrogé, au même titre, sur le fait de rencontrer d'éminents chercheurs à la tête des administrations alors que leur place, a-t-il dit, est dans les laboratoires. Pour lui, c'est une question de moyens et d'équipements mais aussi de considération sociale. Sur un autre plan, M. Reiffers a abordé le printemps arabe et ses conséquences sur la suite des événements. Estimant que la chose politique et l'économie sont des éléments indissociables, l'orateur fera remarquer que tous les pays de la région sont interpellés sur cinq questions cruciales. Il s'agit, énumère-t-il, des attentes démocratiques qui ne pourraient être satisfaites sans «un véritable débat national inclusif», la gouvernance et le changement des idées, le développement rural et l'indépendance alimentaire, l'emploi des jeunes ainsi que les équilibres régionaux. Outre l'impératif de répondre à ces questions, il considère aussi que toute négociation avec des pays étrangers, dans le cadre des accords d'associations, doit répondre préalablement aux questions citées. Il juge d'ailleurs que l'absence de ces paramètres dans les négociations fait que les accords soient souvent déséquilibrés.