Photo : M. Hacène De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad
Il ne suffit pas de s'enquérir de la situation des marins-pêcheurs de la côte kabyle pour évaluer la santé du secteur de la pêche dans la région. Une région pourtant dotée naturellement de belles opportunités halieutiques avec des ressources riches et variées qui ne demandent qu'à être exploitées pour satisfaire tout le monde, les gens du métier, l'économie locale et les consommateurs obligés souvent de se rabattre sur le poisson surgelé même à deux pas de la côte méditerranéenne dont la biomasse est convoitée par les armateurs du monde entier, notamment ceux du sud de la mer Méditerranée.Globalement, on se cache derrière l'idée que les métiers de la mer ne sont pas dans la tradition des populations locales pour justifier la léthargie qui domine dans ce secteur, alors qu'il suffit de jeter un coup d'œil sur, par exemple, la quantité et la qualité des infrastructures maritimes de la wilaya de Tizi Ouzou pour se rendre compte qu'on n'accorde qu'un intérêt minime à la pêche, à sa place dans l'économie locale et très peu de solutions pour les marins-pêcheurs. «Nous sommes soi-disant la vitrine des métiers de la mer, mais nous ne sommes guère satisfaits de notre situation parce que la profession est soumise à des pressions multiples allant des contraintes bureaucratiques et blocages pour la conception et la mise en œuvre des projets jusqu'aux entraves dans le travail de la pêche et la commercialisation de nos produits sur la marché local. Autant dire que nous vivons dans l'angoisse, l'incertitude, l'exploitation et la précarité sociale», nous déclarait récemment un ancien marin-pêcheur de la localité maritime d'Azeffoun, à une soixantaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou. Dans ce domaine, les nouveaux ports de Tigzirt et d'Azeffoun, considérés en Kabylie comme de gros investissements des deux dernières décennies, livrés après des retards énormes, ne répondent pas aux normes des métiers de la pêche, du commerce et même des sites de plaisance, selon des opérateurs économiques et des gens de la mer qui relèvent une conception approximative et bâclée des digues, des quais étroits, l'absence d'aménagements annexes mais et surtout l'ensablement des espaces d'accostage. «L'opération de désensablement des ports coûte très cher, on se demande si les concepteurs de ces projets de port ont pris conscience des anomalies des digues qui entravent une utilisation ordinaire de ces infrastructures qui ont absorbé des milliards», fait remarquer un autre marin-pêcheur de la même région. Des professionnels de la pêche et même des habitants de la Kabylie maritime tirent la sonnette d'alarme sur les dangers qui menacent l'activité et son environnement naturel. Ils citent, par exemple, la dégradation du milieu halieutique à cause des diverses pollutions que subit la mer avec la multiplication des décharges sauvages sur la côte, le non-traitement des eaux usées déversées dans la mer, la violation des pauses biologiques et les rejets produits par les matières phytosanitaires utilisées dans les cultures de saison tels les vignobles. La pêche dans les zones temporairement ou continuellement protégées est aussi mise en avant par des amoureux de la pêche et de la mer qui estiment que la biomasse est réellement en danger d'extinction. Pour rappel, la wilaya de Tizi Ouzou possède une façade maritime de 85 km (7 % de la côte du pays) avec une zone de pêche de près de 8 000 km2. Le potentiel halieutique est estimé à 69 000 t de poissons pélagiques. Un récent recensement fait ressortir l'activité d'un peu plus de 400 marins pour une flottille de 220 embarcations toutes dimensions comprises, selon des chiffres officiels. On se demande aussi pourquoi le chantier du port d'Azeffoun, qui a été retenu pour la construction et la réparation d'embarcations de pêche pour plusieurs wilayas du centre (Béjaïa, Boumerdès, Alger et Tizi Ouzou) par une société mixte algéro-coréenne, n'arrive toujours pas à prendre son envol.