«Je ne tire aucune fierté de faire partie de cette assemblée. Je serais, en revanche, fière d'appartenir à une Assemblée constituante.» Ce sont là les propos de Louisa Hanoune, en réponse à un confrère qui lui demandait ce qu'elle ressentait au premier jour de son entrée à l'APN. Ces propos sont toujours d'actualité, selon elle. Elle l'a répété hier lors de la conférence de presse qu'elle a animée au siège provisoire du PT, au lendemain de l'adoption du projet de loi de finances pour 2009. «Scandaleux, honteux, déshonorant…» La secrétaire générale du Parti des travailleurs a dû puiser dans tout son vocabulaire, sans l'épuiser, pour qualifier le vote par la majorité du projet de loi de finances. «Une loi, dira-t-elle, qui ne prend aucunement en considération les conséquences de la crise financière internationale.» Elle en veut pour preuve le budget dérisoire consacré à l'agriculture, voire sa réduction, au moment même où le ministre du secteur multiplie les rencontres de sensibilisation pour dire que la relance de l'agriculture relève de la préservation de la souveraineté nationale. «Si l'on déduit l'aide au lait et au blé, il ne reste que 19 milliards de dinars à ce secteur. De plus, il s'agit là d'une subvention pour le commerce et non pas pour l'encouragement de la production agricole et laitière.» Idem pour le secteur dirigé par Tayeb Louh qui a vu le budget de l'une de ses structures, l'ANEM en l'occurrence, baisser au moment justement où l'on parle de sa réorganisation et de baisse du chômage. La présidente du groupe parlementaire du PT saisira cette occasion pour appeler à la fermeture des agences privées de recrutement qu'elle qualifiera de négriers. Elle en profitera au passage pour dresser un véritable réquisitoire contre le ministre des Finances qui, dira-t-elle, est un expert et se comporte en tant que tel, alors qu'un ministre fait d'abord et avant tout de la politique. Selon Mme Hanoune, Karim Djoudi a insulté l'intelligence du peuple algérien en affirmant à tour de bras, et notamment lors de son passage hier matin sur les ondes de la Chaîne III que tout va bien et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter de quoi que ce soit. «Envers et contre tout, avec l'entêtement en plus, il a osé affirmer que le pouvoir d'achat des Algériens a augmenté pour justifier l'instauration de la taxe sur les véhicules. De plus, il s'est toujours gardé de parler de relance de l'agriculture et de l'industrie. Mais plutôt de réforme du Fonds monétaire international. Celui-là même qui est à l'origine de l'appauvrissement de centaines de millions de personnes dans le monde, de la désertification, de l'endettement à travers les plans d'ajustement structurels.» «Les 4,6 de croissance dont il parle ne concernent que le bâtiment. Ce qui n'est pas durable.» La conférencière s'attaquera dans le détail, arguments à l'appui, aux amendements proposés par le groupe parlementaire de son parti et qui ont tous été rejetés soit par la commission des finances, soit par la majorité («fausse majorité»). Mme Hanoune expliquera au parterre de journalistes que l'ensemble des réponses données par la commission des finances, notamment son président, aux propositions d'amendements du PT relevaient de l'automatisme. «On dirait qu'ils n'ont pas lu les amendements.» La preuve en est que «nous avons proposé une enveloppe financière pour que Air Algérie renouvelle sa flotte par l'achat de nouveaux avions. On nous a rétorqué que Sonatrach n'avait pas besoin d'argent ni de subventions», lancera-t-elle ironiquement, confortant son sentiment que c'est le dogmatisme qui l'a emporté sur les intérêts du pays. Mais ce qui a le plus offusqué la secrétaire générale du PT, c'est le rejet par «la fausse majorité» de son amendement relatif à l'interdiction d'importation des médicaments dont les équivalents sont produits localement. Cela alors que, la veille, le conseil de gouvernement a pris un décret instituant la même interdiction. Mme Hanoune ne s'expliquait pas qu'une coalition vote contre son propre gouvernement et n'hésitera pas encore une fois à parler de bicéphalisme. «Cette assemblée avait l'occasion de se réhabiliter, de prouver qu'elle se préoccupe des problèmes des citoyens, elle vient de la rater», dira-t-elle non sans saluer la décision hardie, courageuse du gouvernement. Elle dira que le rejet de l'ensemble des amendements du PT était plutôt le fruit d'un dogmatisme, notamment celui relatif aux médicaments. «Ce n'est pas le Parti des travailleurs qu'ils ont pénalisé mais le gouvernement, la nation, la souveraineté.» Ce refus, estime-t-elle, travaille dans l'intérêt de la mafia du médicament et des lobbies qui ne pouvaient pas espérer un meilleur appui que celui des députés pour poursuivre leur pillage. «La commission a défendu les étrangers et dénoncé le gouvernement. Ce s'appelle de la cécité politique. Ils ont franchi la ligne rouge.» Pis, a affirmé la conférencière, le ministre des Finances n'a même pas usé de ses prérogatives pour apporter un amendement oral, pour défendre la décision du gouvernement. Elle ne terminera pas sa conférence de presse et les réponses aux journalistes sans appeler à la dissolution de l'APN et à l'élection d'une assemblée constituante.