La lutte contre le tabagisme manque d'une véritable volonté politique. Le constat est sans appel. Les intervenants dans la conférence de presse, animée hier au centre d'El Moudjahid, portant sur le thème «Tabac et législation» ont été unanimes. «Le plan d'action mené dans la lutte contre le tabac est un échec. La loi est vidée de son sens. Il manque une véritable volonté politique», déplore Mme Houhou Yamina, chargée de cours à la faculté de droit d'Alger. Après avoir fait un compte-rendu sur l'arsenal juridique mis en place dès 1985 (loi 85-05 du 16 février 1985 et les textes suivants), la conférencière note plusieurs failles. «Cette loi ne vise pas le sevrage tabagique. Elle ne préserve pas les non-fumeurs. Ne prévoit pas la sensibilisation continue», relève-t-elle. Ainsi, Mme Houhou classe en deux catégories les lacunes de la loi anti-tabac en Algérie. D'abord, sur le plan exécutif : «Il n'y a aucune application réelle des textes. Car il n'y a pas de sanctions, pas de contraintes. Le caractère répressif de la loi n'existe pas», regrette-t-elle. Ensuite, les insuffisances des textes de loi : «La loi relative à la lutte contre le tabac n'intègre que quatre articles (63 à 65). L'article 63 interdit l'usage du tabac dans les lieux publics fermés. Mes ces lieux ne sont pas fixés par un texte réglementaire d'où l'ambiguïté du texte. Pour les non-fumeurs, il n'existe aucun outil juridique de protection», énumère la conférencière. De son côté, le Pr Salim Nafti, invité par l'association El Fadjr, organisatrice de la conférence, préconise le passage vers une nouvelle phase dans la lutte contre le tabac. «Les textes de loi existent. Nous avons été pionniers en la matière. Maintenant, il faut passer à la phase répressive», prône-t-il. Dans sa vision du répressif, le professeur écarte l'idée d'interdire carrément la cigarette. «La prohibition favorise la surconsommation. Pour lutter efficacement contre le tabac, il faut le rendre disponible mais pas accessible», explique-t-il. Dans sa vision globale de la manière de lutter contre la cigarette, il intègre aussi bien la sensibilisation, la lutte contre la fraude et l'augmentation du prix du produit. Il dénoncera aussi bien les policiers qui tolèrent la vente des cigarettes par et pour des mineurs, les douaniers qui doivent lutter sans merci contre les contrebandiers (40% des cigarettes vendues proviennent de la contrebande), le ministère du Commerce qui doit en interdire l'importation que celui des Finances qui doit multiplier par 2 ou 3 le prix du paquet (entre 1992 et 1999 le prix du paquet de cigarette a augmenté de 600%). Le tabac est le poison le plus meurtrier des temps modernes. Selon les chiffres de l'OMS, 6 millions de personnes en meurent chaque année dans le monde. 100 millions de personnes en sont décédées durant le XXe siècle, soit plus que les morts causées par les deux guerres mondiales, près de 70 millions. Un milliard de fumeurs périront au XXIe siècle, selon les prévisions. La cigarette tue 5,4 millions d'humains par an. 600 000 par la fumée du tabac. En Algérie, 150 000 morts sont recensés chaque année. «44% des hommes fument et 13% de femmes. 3% des élèves du primaire, 12% des collégiens et 26% des lycéens», regrette le Pr Nafti en faisant valoir une étude réalisée en 2004, au niveau des établissements scolaires de la daïra d'Hussein Dey. S. A.