Nos ministres semblent être nostalgiques de leurs jeunes années et de l'époque du socialisme triomphant. Une époque où les chansons yéyé le disputait au militantisme chez les scouts ou à l'Unja. Les années postindépendance étaient tellement belles avec cette liberté retrouvée et les champs de blé à moissonner. Une époque qui rimait aussi avec les premiers changements alimentaires des Algériens. Les citoyens pouvaient enfin se payer pomme de terre et autres légumes et abandonner le couscous et la galette quotidienne.Ces changements alimentaires, bénéfiques pour tous, ne s'accompagnent pas toujours des mesures courageuses. Dans les années 1960, pour réguler le marché et tenter de retrouver des parts de marchés à l'exportation, les pouvoirs publics avaient créé différents offices. L'Office des fruits et légumes (Ofla) et l'Office national pour le commerce (Onaco) sont ceux qui sont les plus ancrés dans la mémoire collective. De régulateurs, ils sont devenus synonymes de pénuries comme les Souks El fellah devaient être des supermarchés, ils étaient, dans les faits, le cauchemar des consommateurs.La rente aidant, nos valeureux ministres se mettent à plusieurs pour réguler le marché de la pomme de terre et autres fruits et légumes. Un autre ministre se trouve à se justifier quand des journalistes ont fait de l'absence d'eau minérale un problème politique. Des problèmes de «bourgeois» s'ajoutent à ceux des sous-développés que nous sommes, avec des ministres qui ne savent plus quels sont les problèmes prioritaires. Le sous-emploi et le chômage n'inquiètent plus. La pénurie de main d'œuvre agricole et dans le Btph n'est plus un souci, les Chinois et autres nationalités pallient le manque. L'augmentation de la ressource en eau pour l'agriculture ne pose pas de problème. Qu'il pleuve ou qu'il vente, le Fndra indemnisera les fellahs. L'autonomie dans la production des semences n'est pas une urgence, les revenus des hydrocarbures permettent l'importation de tout et de rien. La vente sur pied peut perdurer, les fonctionnaires ont augmenté et un intervenant de plus ou de moins dans le circuit ne changera rien à la donne. Etc.En 2012, et alors que le problème de la dépendance aux hydrocarbures n'est pas encore réglé, nos ministres décident de faire de l'huile d'olive et de l'ail des produits prioritaires, nécessitant l'intervention de l'Etat. Cette logique est fondée sur l'utilisation de la rente comme moyen pour apaiser les tensions sans avoir à user de réflexion ou d'effort. On achète les produits à prix fort lorsque le marché est en abondance et nous revendons à prix cassé les mêmes produits quand la demande et donc le prix sont au plus haut. Des dépenses que supportera le budget de l'Etat sans que les filières ne soient mieux organisées et que la productivité se soit améliorée. La logique de l'intervention gouvernementale est poussée à l'extrême sans que personne ne s'offusque de cette utilisation inconsidérée des deniers de l'Etat et de l'absence d'une échelle des priorités. Cette situation, si elle perdure, pourrait induire des subventions et des offices de régulation pour tous les produits. Le ministre des ressources en eau devrait demander un office pour la régulation de l'eau de source, celui des mines exigerait un office pour le marbre et celui en charge de l'artisanat, des subventions pour les bijoux en or et en diamants.Le problème de l'offre ne se règle que par l'augmentation de la production et de la productivité. Le problème de la distribution se règle par la réduction du nombre d'intervenants (producteurs, grossistes, détaillants). Le problème de la mauvaise gouvernance se règle par la démocratie et le fait de devoir rendre des comptes à ses électeurs. Mais au pays de l'Ofla, hélas, la pomme de terre est reine. A. E.