«Livres nomades», «Livres en balades», «Livres sur la place», «Livres en voyage», «Livres sur les quais», «Bancs de lecture», «Biblioplage»… autant de noms pour la même idée, à quelques différences près dans la manière de la concrétiser. Elle est d'une simplicité renversante : déposer un livre, ou plusieurs, sur la place publique, dans un abribus, sur un banc, dans un parc, sur la table d'un café… Le premier lecteur venu pourra ainsi le prendre, le lire et il le redéposera par la suite dans un autre lieu public. L'opération est donc une invitation à lire à l'envie livres pour enfants et/ou adultes, journaux et magazines. Le concept qui a été adopté par plusieurs villes à traves le monde, est né aux Etats-Unis en 2011. C'est le «bookcrossing». L'idée a germé chez un dévoreur de livres, Ron Hornbaker, qui a décidé de prolonger la vie des livres en dehors des rayonnages des bibliothèques où ils s'empoussièrent sans profiter à grand-monde. Il faut donc les libérer de ce cadre et les «relâcher» dans la rue où d'autres personnes pourront les lires. Particuliers, bibliothèques, éditeurs, écoles et toutes les institutions publiques sont invitées à participer au lâchage de livres. Pour une meilleure organisation de l'opération «bookcrossing», son initiateur lancera un site Internet où les lecteurs peuvent proposer des livres à lire, avec leur avis sur l'ouvrage. Le mode opératoire est simple : lire un livre, s'inscrire gratuitement sur le site Bookcrossing et publier les informations et, si possible, avis et commentaires sur le livre. Une fois inscrit, un code d'identification, le BookCrossing ID (Bcid), vous est délivré. Ce code sera inscrit sur une étiquette collée sur le livre qui sera désormais prêt à être lâché dans la rue où il pourra se retrouver entre les mains d'un nouveau lecteur qui, à son tour, doit le signaler sur le site avant de le remettre dans un autre endroit qu'il désignera également. La boucle est ainsi bouclée. Le livre tourne et voyage de mains en mains, de lieu en lieu. Il peut même dépasser les frontières de la ville, voire du pays, à mesure que le cercle de lecteurs grandit et s'étend. Et il le fait. Le site de Bookcrossing s'est internationalisé et enregistre chaque jour de nouveaux lecteurs. Ce sont des millions de livres qui tournent. Même s'il y a quelques déperditions en cours de route (livres égarés, non restitués, déchirés…), il en reste toujours suffisamment pour contenter le maximum de lecteurs, d'autant plus que les pertes sont compensées par de nouveaux apports. En somme, l'opération est une véritable réussite et un total succès. La preuve, elle a été mondialement adoptée et adaptée. Des villes ont développé d'autres modèles, des corbeilles de livres et magazine dans des parcs, des livres sur des transats en bord de mer, des livres sur des bancs, les terrasses de cafés, les marches d'un édifice public… Même certains éditeurs se sont pris au jeu. Car, ils ont compris que le livre dans la rue n'est pas un concurrent, mais au contraire un agent de promotion. C'est du street-marketing. En acceptant de «perdre» quelques dizaines de livres, ils peuvent gagner des centaines de lecteurs qui seront autant de clients pour les libraires. L'opération est d'ailleurs rééditée chaque année, avec autant de succès. On a tous ces acteurs, ingrédients et matériaux en Algérie. Il y a des éditeurs, des librairies, des associations, des communes, des bancs, des parcs, des terrasses de cafés, des livres qui sommeillent dans les bibliothèques boudées par le public, Internet et des lecteurs qui se plaignent de la cherté et/ou de l'indisponibilité des livres. L'idée est là et ne demande qu'à être concrétisée. Il y aura certainement des pertes et des livres disparaitront du circuit. Mais ça fait partie du jeu. Les disparus seront remplacés. Le livre aura toujours le dernier mot, pour peu qu'on lui donne l'occasion de le dire, autant de fois et à autant de personnes que possible. H. G.