D'une révolution à une autre, l'Egypte n'en finit plus de compter ses bains de sang. De la dictature de Moubarak à l'insurrection contre Morsi et jusqu'à la dispersion, hier, des rassemblements des Frères musulmans, le sang continue de couler et la liste macabre des martyrs de la démocratie se rallonge. Depuis la chute de Moubarek en février 2011, le pays n'a pas connu de véritable stabilité. La transition s'est révélée très mouvementée et plus compliquée qu'elle n'en avait l'apparence. Dans un pays aussi complexe que l'Egypte, il est naturel que la transition ne se passe pas sans heurts. Néanmoins les évènements qui se sont accélérés depuis fin juin dernier, avec les confrontations sanglantes d'hier, le pays vient de s'engager sur une dangereuse pente glissante. Tout a commencé lorsque le mouvement Tamarrod a décidé de manifester contre le mode de gouvernance des Frères musulmans. Les manifestants ont commencé à battre le pavé dans toute l'Egypte avant de fixer la date du 30 juin pour la protestation. Les millions d'Egyptiens qui ont investi les rues le 30 juin au soir ont encouragé la direction de l'armée égyptienne, à leur tête le général Abdelfettah Al Sissi, à s'enhardir et à demander des comptes au Président élu issu de la confrérie. L'armée égyptienne avait donné un ultimatum de 48 heures à Mohamed Morsi pour trouver une issue politique à la situation. Les manifestants du mouvement Tamarrod continuaient pendant ce temps à occuper les places publiques et à réclamer la démission du Président. Ce dernier avait ignoré superbement ses détracteurs dans un discours où la seule ouverture notable était sa prédisposition à dialoguer. Le délai martial passé, le chef des forces armées dépose le président Morsi. Ce dernier est détenu depuis en un lieu tenu secret. Seule la Commissaire européenne, Catherine Ashton, a pu lui rendre visite et discuter avec lui. Les Frères musulmans qui ont patienté depuis la création de la confrérie dans les années 20 pour arriver au pouvoir, ne pouvaient accepter aussi facilement d'en être spolié. Aussi ils ont décidé, à leur tour, d'occuper la rue. Durant plus d'un mois, les partisans de Morsi ont mobilisé des dizaines de milliers de personnes notamment à la place Rabea al-Adawiya et à la place Nahda au Caire. De jour comme de nuit, ils se sont relayés aux tribunes des deux places pour réclamer le retour à la légalité. Ni les appels au dialogue ni les menaces du pouvoir de transition n'ont réussi à les dissuader. Ils auront tenu leur sit-in jusqu'au bout. Le passage à l'acte hier par la police égyptienne et le bain de sang qui en a résulté auront-il raison de leur occupation de la rue? L'instauration de l'état d'urgence et le décret du couvre feu permettront certainement aux forces de l'ordre d'empêcher tout rassemblement des militants de la confrérie. Chose qui n'entamera en rien leur volonté à récupérer leur pouvoir. Comment s'y prendront-ils ? Toute la problématique réside dans cette question. Jamais l'Egypte n'a été menacée dans son unité comme aujourd'hui. La voix de la raison pourra-t-elle couvrir celle des armes? Le destin de l'Egypte en dépendra. G. H.