L'Egypte semble sérieusement entrer dans une phase d'instabilité extrême. Le nombre excessivement élevé de morts suite à la décision de l'armée d'évacuer par la force les manifestants refusant le coup de force de l'armée a provoqué choc et consternation. La situation d'instabilité qui en a résulté suscite les plus grandes inquiétudes. Le contrôle par la police et l'armée des places Rabea al Adaouia et Nahda n'a pas pour autant calmé la situation, bien au contraire. Des milliers de partisans du président Morsi ont défilé hier vendredi, jour de prière, pour dénoncer la tuerie de près de 600 personnes. De nouvelles violences ont fait des dizaines de morts à travers le pays. Deux jours après une des journées les plus sanglantes de l'histoire du pays, les violences relancent les craintes que l'Egypte, sous état d'urgence et où un couvre-feu nocturne a été imposé dans la moitié des provinces, ne plonge dans un chaos généralisé. La confusion règne plus que jamais depuis la décision de l'armée d'user de la manière forte contre des partisans du Président déchu particulièrement déterminés. Dans la capitale égyptienne, verrouillée par l'armée déployée en masse et quadrillée par des «comités populaires», les heurts n'ont jamais cessés. Les troubles ont gagné d'autres localités que la capitale. Des tirs ont été entendus dans d'autres grandes villes où les Frères musulmans manifestent à l'instar d'Alexandrie, Beni Soueif et Fayoum au sud du Caire, Ismaïlia, sur le canal de Suez et la ville touristique de Hurghada sur la mer Rouge. La journée d'hier aura été un test pour l'Egypte, où le clivage est devenu extrême entre partisans des Frères musulmans et tenants de la solution sécuritaire. Les nouvelles autorités semblent désormais ne plus pouvoir revenir en arrière. Les Frères musulmans de leur côté lancent une nouvelle démonstration de force face aux autorités, qui semblent dépassées par la tournure des événements. Le gouvernement provisoire qui jusqu'ici a salué la «très grande retenue» de la police dans la dispersion des manifestants sur les places Rabea al-Adawiya et Nahda du Caire, a durci le ton autorisant les forces de l'ordre à ouvrir le feu sur les manifestants violents. Une escalade qui pourrait faire irrémédiablement plonger le pays dans une phase extrêmement grave. Le pays le plus peuplé du monde arabe vit de périlleux moments. Lors de la tuerie sur les places où campaient depuis un mois et demi les milliers de manifestants installés avec femmes et enfants, le gouvernement avait pourtant assuré que «les instructions étaient de n'utiliser que les gaz lacrymogènes, pas d'armes à feu». «Mais quand les forces de sécurité sont arrivées, elles ont été surprises par des tirs nourris», s'est justifié le ministère de l'Intérieur, qui parle d'hommes armés au sein des manifestants. La presse égyptienne quasiment unanimement acquise à l'armée, charge pour l'heure la confrérie, lui imputant la responsabilité du dérapage. «Les milices des Frères détruisent les biens du peuple», a titré notamment le journal Al-Masry al-Youm. Depuis le coup de force des militaires, la majorité des dirigeants de la confrérie ont été arrêtés ou sont en fuite. Son Guide suprême, Mohamed Badie, également en fuite, a promis dans sa lettre hebdomadaire à ses partisans que les responsables de la tragédie allaient devoir payer. Les Frères musulmans parlent de milliers de morts et plus de dizaines de milliers de blessés dans les événements qui ont éclatés depuis mercredi à l'aube. L'Egypte est plus que jamais au bord du désastre. M. B./Agences