Photo : A. lemili Par A. Lemili Il se trouve que, pour s'être trop focalisés sur la question de la culture dans les villes, les acteurs directement concernés s'en sont à chaque fois tenus à la ville, notamment celles dites mégapoles, négligeant par conséquent toutes les autres concentrations de populations maintenues dans leur statut de «commune», même si, entre-temps, elles ont connu un boom extraordinaire sur tous les plans. Et deux fois plus qu'une, ce sont ces anciens villages qui, après avoir absorbé l'essentiel de l'exode des habitants de la grande ville, en sont encore à prendre en charge leurs loisirs mais avec, en général, ces moyens dérisoires, en ce sens que, rarement ces déplacements de masse sont accompagnés de mesures… d'accompagnement. Ainsi, centres culturels, maisons de jeunes, auberges dans le reste des communes autres que celle du chef-lieu de wilaya de Constantine, compte tenu de leur situation, sont condamnés à une débauche d'énergie intellectuelle et physique pour répondre à la demande de milliers de jeunes, avec des moyens et équipements qui sont aux antipodes de la vie de tous les jours, du temps et de l'actualité. C'est ce que s'est efforcée de nous expliquer Mme Fouzia A., directrice du centre culturel de la commune d'Aïn Smara (daïra du Khroub). L'équipe qu'elle dirige fait des miracles avec des jeunes, en majorité des filles, lesquels ne demandent qu'à «sentir» la présence de responsables qui se soucieraient un tant soit peu de leurs envies de s'épanouir intellectuellement, culturellement et artistiquement. D'un autre côté, notre interlocutrice déplore tout de même le décalage existant entre une demande actualisée et régulièrement mise au diapason au sein même des catégories sus-évoquées par les moyens de communication traditionnels, radio, télévision et Internet et le surplace passivement imposé par une organisation obsolète, une administration anachronique et un encadrement dont les connaissances ne sont jamais mises à niveau comme l'exigerait la réalité. En somme, en n'opérant pas une sorte de recyclage obligatoire de ses formateurs, la tutelle les confine de fait dans la médiocrité, laquelle se répercute sur ceux qui fréquentent le centre culturel. Heureux encore le pullulement des cybercafés, la vulgarisation d'Internet à domicile, pour ceux qui se permettent un tel luxe, de ne pas être de fait disqualifiés et laissés pour compte, autrement dit, hors-jeu, sur la touche. Pour populariser l'accès à toutes les formes d'art et de culture, le centre culturel fait souvent abstraction ou est peu regardant sur le niveau intellectuel des jeunes qui aspirent à apprendre ou ayant des prédispositions à une activité précise, jugeant plus opportun et équitable de laisser à chacun la possibilité de s'exprimer en l'accompagnant ou l'orientant si ces prédispositions sont sous-exploitées ou irrationnellement utilisées. En maintenant les portes de ce centre culturel ouvertes jusqu'à 22h, la directrice fait reculer d'une manière subtile l'idée largement ancrée que la vie s'arrête à partir de 18h, comme il est d'usage dans le chef-lieu de wilaya, offrant ainsi la possibilité aux jeunes de faire un autre choix que d'occuper des cages d'immeubles hideuses pour meubler l'oisiveté, mauvaise conseillère. Ce travail tout de même appréciable reste victime du désintérêt des pouvoirs publics. Il suffit, pour cela, de faire le constat de l'état des équipements des salles, des bureaux quasi vides pour comprendre que la culture est condamnée à demeurer le parent pauvre de la politique de développement tous azimuts claironnée ici et là.