Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Du militantisme ! Le mot n'est certainement pas très fort pour qualifier la géhenne vécue par quatre jeunes Constantinois pour la survie d'une émission radiophonique qu'ils ont lancée au cours de l'été dernier, c'est-à-dire au moment où tout le monde était en congé, notamment une partie du personnel de la radio régionale. Donc, à une période où la matière faisait défaut et l'inventivité ou la création relevaient d'une vue de l'esprit. Ce sont, d'ailleurs, deux qualités professionnelles qui ne sont pas forcément le trait de caractère de cette radio.Faisant l'impasse sur leurs vacances, ils lanceront, après plus de trois années de bataille sourde avec les responsables pour obtenir un créneau horaire qu'ils animeront à titre gracieux, une émission d'une heure intitulée «Oxy-Jeunes». Une émission oxygénante dans une ville qui étouffe à force de surplace culturel, artistique et inoxydable parce que Khaled, Hichem, Redouane, Ghoulem (remplacé par Issam) avaient une volonté de fer pour continuer l'aventure malgré tous les tracas administratifs et pseudo réglementaires que leur imposaient des responsables interchangeables de la radio. L'une des contraintes consistait à ne pas user d'un seul mot de français dans une émission de jeunes, faite pour les jeunes et animée par des jeunes qui ne pouvaient s'en passer, dussent-ils vouloir se l'imposer. Parler de r'nb, rap, soul, disco, pop et ne pas recourir à un seul mot d'anglais ou de français relève évidemment de la plus grande prouesse dans un langage quotidien de jeune où même les mots arabes sont francisés. Pis, les responsables s'adressent aux animateurs d'«Oxy-Jeunes» en grande partie dans la langue de Molière pour leur demander de ne parler que dans la langue nationale. Mais comme c'est l'été, toutes ces gesticulations vont s'estomper et pour cause l'absence des censeurs ponctuels en congé. D'où le rythme pris par l'émission qui fera un tabac, gagnera une très grande audience comme en témoignent régulièrement les appels téléphoniques de jeunes et de moins jeunes évoquant «l'extraterritorialité d'une émission qui semble émettre à partir d'une planète inconnue tant on est habitués à être soûlés de sujets et d'émissions soporifiques, de réchauffé, de plagié et de déjà entendu, des niaiseries». L'émission enregistre, donc, un succès et obtient une très large audience dans les chaumières, en bord de mer ou auprès de gens qui captent la chaîne sur leur autoradio. Compte tenu de la vacuité des plages horaires, elle est programmée tous les jeudis de 15 à 16 h quoique le souhait de ses concepteurs serait d'obtenir au minimum deux heures d'animation. En prévision de la reprise de la compétition de football, elle est légèrement décalée à 18 h, ce qui a encore convenu aux militants d'«Oxy-Jeunes»… cette heure d'écoute étant idéale. Malheureusement, elle sera décalée encore une fois comme dans le but précis de la disqualifier à…15 h le mercredi. Autrement dit à une heure impossible pour des jeunes qui se trouvent soit sur les bancs du lycée, de l'université ou sur le chemin menant vers leur domicile. Plus grave encore, les responsables reviendront à la charge sur l'utilisation de la langue française et afficheront bien en vue sur la baie vitrée du studio d'enregistrement une note manuscrite où il est exigé de Khaled, Issam de ne pas user du français sur l'antenne. Les démarches faites auprès du directeur de la radio régionale suite à la délocalisation de leur émission et surtout les explications données sur la difficulté de fidéliser un auditoire tant que celle-ci sera ainsi baladée ne feront pas fléchir les responsables et encore moins convaincre M. Tamaloussi le directeur d'user de son autorité pour rétablir la situation. Encore faudrait-il dans pareil cas de figure que tous les responsables sachent ce que désirent les jeunes. Comme s'ils n'avaient jamais été eux-mêmes des jeunes. Ce qui, toutefois, n'est pas à exclure. «Oxy-Jeunes» se reconstitue donc sur un autre horaire qui pourrait être revu parce qu'entre-temps quelqu'un d'autre est venu imposer son point de vue ou imposer une autre émission barbante par le simple fait d'appartenir à la maison. Quand au bénévolat des jeunes et de l'investissement physique et intellectuel, qu'ils mettent pour préparer à chaque fois une émission qui ne ressemble pas à celle qui l'a précédée,… qui s'en soucie ?