Au lendemain de la remise en liberté du président mauritanien déchu par la junte militaire en août dernier, l'Afrique des putschs renouait avec cette honteuse tradition dont elle n'arrive manifestement pas à se débarrasser, en allant se refaire une petite santé dans ce petit pays qu'est la Guinée. La pratique du putsch semble avoir encore de beaux jours devant elle sur ce grand continent où elle jouit de marges de manœuvre aisées dans des configurations socio-économiques et culturelles qui maintiennent constamment forts des régimes militaires insatiables et incurablement inaptes à tout changement au profit de la démocratie et de la liberté des peuples. Un continent où, chroniquement, le coup d'Etat renverse le coup d'Etat et maintient souvent les peuples à terre. Quinze putschs pour le compte des seuls quinze dernières années ; qui dit pire ! Cette fois-ci, c'est la population guinéenne qui s'est réveillée sans plus savoir s'il fallait faire le deuil suite au décès du «général président» après 24 années de règne -fruit également d'un coup d'Etat- ou s'il fallait faire face à un putsch sous forme de suspension de la Constitution et de dissolution du gouvernement mené par le chef d'état-major de l'armée. Un coup d'Etat plutôt «original» lorsqu'on a pris l'habitude d'assister à des renversements de chefs d'Etat en place. Situation confuse dans un pays déjà livré à de nombreuses confusions et où le silence d'un quotidien de misère et d'instabilité sociale n'est brisé que par des coups d'éclat qui ne font que rajouter de l'huile sur le feu. A l'image des événements de l'année dernière lorsque de grandes manifestations populaires en Guinée avaient éclaté pour dénoncer massivement la prédation économique dans le pays, s'en prenant, au passage, au chef de l'Etat, le général Lansana Conté. Ce dernier n'est plus de ce monde, mais cela ne semble pas pour autant signifier la fin des malheurs du peuple guinéen, tellement préoccupé par son souci de survie qu'il fait plutôt montre d'indifférence face à un événement ayant projeté son pays sur le devant de la scène médiatique internationale. Le peuple guinéen, comme d'autres peuples en Afrique, serait-il donc descendu si profondément dans l'inépuisable océan des malheurs qu'un coup d'Etat dans son propre pays n'arrive plus à lui faire relever la tête pour regarder là-haut où son destin surfe au gré d'un autre naufrage ? L. I.