Ignorant les appels de la communauté internationale pour le retour du président renversé en Mauritanie, la junte qui a pris le pouvoir à Nouakchott annonce qu'elle va mettre en place un gouvernement transitoire dans l'attente de nouvelles élections. Des militaires ont déposé mercredi le président Sidi Mohamed Cheikh Abdallahi, démocratiquement élu l'an dernier, après qu'il eut pris l'initiative de limoger des officiers supérieurs. Abdallahi a été placé en détention dans un lieu secret. Sa fille, qui n'est plus en résidence surveillée avec le reste de sa famille depuis jeudi soir, a déclaré que le président déchu avait besoin de soins médicaux. "Son médecin lui a rendu visite hier soir et a dit qu'il devait subir une petite opération, mais ce n'est pas grave", a-t-elle dit à Reuters sans fournir de précisions sur l'état de santé de son père.Le seul contact qu'ait eu Abdallahi avec sa famille s'est matérialisé par un message manuscrit transmis au palais présidentiel par des soldats et dans lequel il réclamait des antibiotiques, des vêtements, des livres et une lotion d'après-rasage, a indiqué sa fille. La Mauritanie, pays de trois millions d'habitants reliant le Maghreb à l'Afrique noire, est un allié des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme, le réseau islamiste Al Qaïda ayant intensifié ses attaques dans la région ces dernières années. Le pays extrait depuis peu de faibles quantités de pétrole off-shore. es Etats-Unis se sont joints à l'Onu, à l'Union européenne et à la Ligue arabe - dont une délégation conduite par Ahmed ben Hilli, sous-secrétaire général chargé des Affaires politiques, était attendue vendredi à Nouakchott - pour condamner le putsch et exiger le rétablissement du gouvernement d'Abdallahi. Washington a gelé plus de 15 millions de dollars d'aide non humanitaire à la Mauritanie, composée pour l'essentiel de fonds militaires. L'UE a aussi menacé d'interrompre son aide au pays. A Bruxelles, un porte-parole de l'Otan s'est dit préoccupé vendredi par la situation en Mauritanie, ajoutant que l'Alliance suivait de près l'évolution dans le pays. "La prise du pouvoir par la force doit être réprouvée", a-t-il dit en appelant de ses voeux un retour rapide à la démocratie et à l'état de droit. L'Otan avait salué la tenue d'élections libres en 2007. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, ancien chef de la garde présidentielle qui a dirigé le coup de force de mercredi après avoir été limogé par Abdallahi, a formé une junte - le "Haut Conseil d'Etat" - composée de onze généraux et colonels. Le Haut Conseil d'Etat a procédé vendredi à toute une série de nominations de gouverneurs militaires dans les régions pour consolider son pouvoir. La veille, cette instance s'était engagée à organiser dans les meilleurs délais un scrutin présidentiel "libre et transparent". Le Conseil n'a avancé aucune date à cet égard. Dans un autre communiqué diffusé dans la nuit par l'Agence mauritanienne d'information (Ami), la junte a fait savoir qu'elle assumerait les pouvoirs présidentiels jusqu'à cette élection et désignerait un gouvernement de transition placé sous l'autorité d'Abdel Aziz. Elle a aussi annoncé qu'elle publierait dans les prochains jours un décret constitutionnel officialisant les pouvoirs du Haut Conseil d'Etat. Les autres institutions nationales continueront de fonctionner normalement, en particulier le Parlement - où la décision prise lundi par une majorité de députés pro-Abdallahi de quitter son parti a contribué au déclenchement du putsch. Beaucoup de ces parlementaires se sont joints jeudi à des centaines de partisans de la junte pour marcher dans les rues de la capitale. Les forces de l'ordre ont fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser des contre-manifestations de partisans du président déchu. Abdel Aziz avait déjà participé en 2005 à un putsch dirigé par le colonel Ely Ould Mohamed Vall contre le président Maaouiya Ould Taya, qui détenait le pouvoir depuis 1984. Abdallahi avait remporté l'élect#on présidentielle de l'an dernier, mais il était en butte à l'opposition grandissante de parlementaires qui lui reprochaient de ne pas les consulter.