«J'ai joué contre la Côte d'Ivoire sous anesthésie». «Jimmy me l'a assuré : je rejouerai dans quelques jours». * Beaucoup de gens ne saisissent pas la nature exacte de votre blessure. De quoi s'agit-il au juste ? En fait, il s'agit d'un problème physique que j'ai de naissance et dont les conséquences ne sont apparues que depuis quelques mois. Il se révèle que j'ai une hanche plus grande que l'autre, ce qui engendre un petit déséquilibre au niveau du bassin. Ce n'est pas grave, certes, mais cela m'a provoqué des douleurs récurrentes aux adducteurs, faute d'un traitement spécifique pour entretenir les muscles du bassin. Les douleurs ont commencé à apparaître il y a six mois environ, alors que j'étais en plein boom avec mon club, Blackpool. C'est pendant la Coupe d'Afrique des nations que c'est devenu réellement gênant. Alors, j'ai pris la décision de me soigner définitivement ce problème d'adducteurs et c'est ce à quoi je m'attelle actuellement ici à Bochum. * Pourquoi être venu jusqu'à Bochum, pour vous soigner ? Parce que j'ai une confiance totale en Jimmy (le surnom donné par les joueurs au Dr Joachim Schubert, ndlr). C'est une grande compétence en la matière et il a prouvé, par le passé, qu'il est capable de remettre sur pied des sportifs souffrant de problèmes musculaires. Cela avait été le cas avec Anthar Yahia, à qui il avait prodigué un traitement qui l'a guéri d'une déchirure musculaire en dix jours avant le match du Caire contre l'Egypte. Il m'avait proposé de venir me soigner dans sa structure médicale quand nous étions en Angola, à l'occasion de la CAN, mais je ne l'avais pas écouté. Je le regrette vivement. * Pourquoi ? Parce que si j'étais venu me soigner ici juste à la fin de la CAN, je serais à l'heure actuelle sur les terrains à jouer avec Blackpool. J'ai cru que je pouvais guérir suite à un traitement classique en Angleterre, mais je me suis trompé. L'essentiel maintenant est que je suis ici et que Jimmy est en train de bien s'occuper de moi. * Dans chaque club, avant de recruter un joueur, on lui fait passer une visite médicale. Le staff médical de Blackpool n'a donc pas détecté votre problème au début de saison ? Je ne le sais pas. Peut-être l'avaient-ils détecté et se sont-ils dit que ce n'était pas grave et qu'il fallait juste un traitement approprié. Peut-être aussi que ce n'était pas aussi grave l'été dernier. Ce qui est sûr, c'est que je ne connais pas de club qui ferait courir des risques à l'un de ses joueurs. Donc, certainement que le diagnostic n'était pas alarmant. * Au niveau de la sélection nationale également, on avait fait passer une batterie de tests médicaux aux joueurs lors du stage du Castellet, juste avant la CAN. On n'avait rien détecté également ? Il faut le demander au staff médical. Peut-être qu'il a découvert quelque chose, peut-être pas. Peut-être qu'on s'est dit que ce n'était que temporaire et que ça allait passer, surtout que je m'entraînais régulièrement et le plus normalement du monde et je pouvais aussi jouer, même en ressentant des douleurs. A priori, la blessure ressemblait à une hernie sportive, ce qui n'était pas grave. C'est ce qui a sans doute dérouté tout le monde. * Une thèse a été avancée affirmant que vous auriez délibérément caché votre problème d'adducteurs au staff médical de la sélection. Est-ce vrai ? C'est complètement faux ! Faux et ridicule à la fois. Comment pourrais-je tromper tout un staff médical ? Lorsque j'avais commencé à ressentir des douleurs, je l'avais dit au médecin et au sélectionneur. Je n'ai jamais rien caché. Je vous ai dit plus haut que Jimmy m'avait proposé en Angola de venir me soigner chez lui. Cela prouve donc qu'il connaissait ma maladie. Si lui la connaissait, c'est que le staff médical la connaissait également. Qu'ai-je donc caché ? C'est vraiment méchant et gratuit de me traiter de tricheur. J'ai toujours été honnête avec le coach et le médecin. * En dépit de votre problème aux adducteurs, vous avez fait quand même une CAN honnête, en ratant de peu une excellente occasion de but contre l'Angola et en inscrivant le but de la victoire et de la qualification pour les demi-finales contre la Côte d'Ivoire. Comment aviez-vous fait pour jouer en ressentant des douleurs ? En fait, les douleurs venaient et partaient. Ce n'était pas régulier. Je pouvais courir, mais j'avais surtout des difficultés quand je faisais des centres ou que je tirais. Contre la Côte d'Ivoire, je ne ressentais rien, pour la simple raison que j'avais joué en étant anesthésié grâce à une injection. J'ai donc donné le maximum de moi-même. Cependant, une fois revenu au village où nous étions hébergés, j'avais ressenti des douleurs atroces, à mesure que l'effet de l'anesthésie s'estompait. * Vous avez quand même rejoué avec Blackpool après la CAN… Effectivement et, comme je vous l'ai dit plus haut, c'était une erreur, car j'aurais dû aller tout de suite à Bochum pour me soigner définitivement. A mon retour au club, j'avais été incorporé lors du dernier quart d'heure du match contre Middlesbrough. J'avais fait une bonne rentrée puisque j'avais délivré une passe décisive. Le match d'après, contre Ipswich, j'étais remplaçant, mais comme il y avait un coéquipier qui s'est blessé au début du match, j'ai été incorporé à sa place et j'ai donc joué presque toute la rencontre. Cependant, je ressentais de plus en plus de douleurs au fil des jours. C'est là où, après concertation avec mon agent et le manager de Blackpool, j'ai décidé d'arrêter, le temps de me soigner définitivement. * Blackpool a accepté facilement l'option d'aller vous soigner en Allemagne ? Oui. Jimmy a discuté au téléphone avec le médecin du club pour lui expliquer le traitement qu'il proposait et le feu vert m'a été accordé. Je suis donc venu la semaine passée et j'ai entamé le programme de soins. Cela se passe très bien pour moi, el hamdoullah. * Ressentez-vous déjà les bienfaits de ce traitement ? Oui, incontestablement. Jour après jour, je ressens moins de douleurs. Ce qui est bien ici, c'est qu'il n'y a pas que des soins. Je m'adonne également à un programme de préparation physique au sein d'une clinique spécialisée en physio-orthopédie. En plus clair, je me soigne et je m'entraîne en même temps. Cela me permet d'entretenir ma forme physique. Il n'y a aucun doute : je travaille beaucoup, à tel point qu'une fois le week-end arrivé, j'étais lessivé. Croyez-moi, je sens une amélioration jour après jour. Je suis certain qu'une fois le traitement terminé, je pourrai faire le grand écart sans problème (rire). * Est-ce Dr Schubert qui s'occupe de vous en personne ? Bien sûr ! Il m'examine tous les jours et supervise le suivi du traitement dans la clinique qu'il dirige à l'Institut de médecine de Bochum. Croyez-moi, il connaît très bien son métier ! Je ne suis pas du genre à faire confiance au premier venu, mais le premier jour que Jimmy m'avait examiné, j'ai tout de suite compris qu'il connaissait bien son métier. Rien qu'à sa façon de manipuler le muscle, on sent qu'il sait ce qu'il fait. Non, vraiment, je me sens très bien dans cette clinique et je suis très optimiste pour revenir bientôt sur les terrains. * Dr Schubert-Jimmy, comme vous préférez l'appeler- vous a-t-il indiqué une date de reprise ? Il m'a seulement dit, avec un sourire très rassurant, que je rejouerai dans quelques jours en étant complètement guéri. Pour bien le connaître depuis le temps qu'il travaille avec nous en sélection, je sais qu'il ne parle pas dans le vide. * Quand terminerez-vous le traitement ? En fait, j'étais venu pour une semaine, mais Jimmy m'a dit qu'il faut que je reste une autre supplémentaire. Il va donc appeler le médecin de Blackpool afin de lui expliquer le cas et lui demander l'autorisation de rester à Bochum une deuxième semaine. * Des nouvelles de votre club ? Le manager s'informe quotidiennement de l'avancée de mon traitement. Il l'a dit ouvertement : il compte sur moi pour les derniers matches de la saison, car Blackpool est bien placé dans la course à l'accession. Il veut que je sois compétitif pour le play-off, que nous avons de grandes chances de disputer. Il sait que j'ai l'expérience des accessions puisque j'ai réalisé deux montées en Premier League par le passé, l'une avec Watford et l'autre avec Birmingham City la saison passée. C'est pour cela qu'il compte sur moi. C'est vraiment très motivant, tout ça. J'ai donc un double objectif pour cette fin de saison : contribuer à l'accession de Blackpool et participer à la Coupe du monde. C'est pour ça que je suis très excité à l'idée que je vais bientôt revenir sur les terrains. En retrouvant tous mes moyens, je me mettrai à la disposition de Rabah Saâdane. * On suppose qu'étant à Bochum, vous avez rencontré Anthar Yahia, le Vert de la ville… Absolument. Dès le premier jour, il s'est tenu à ma disposition et m'a assuré de son soutien. Il m'a invité chez lui et nous nous sommes vus plusieurs fois, sans oublier que nous nous parlons tous les jours au téléphone. Mercredi passé, nous sommes allés rencontrer Karim Matmour à Düsseldorf. Cela a été un plaisir pour moi de le retrouver. De même, Karim Ziani m'a appelé et nous sommes en contact par Internet. D'autres joueurs m'ont appelé : Mansouri, Bougherra, Ghilas et d'autres… Hier soir, c'est Djebbour qui m'a appelé. Nous avons beaucoup rigolé tous les deux. Bref, mes coéquipiers en sélection ne m'ont pas oublié et je suis touché par les marques de soutien qu'ils me témoignent.
