«Personne d'autre que moi ne connaît les noms des joueurs retenus pour le stage en Suisse.» Au jour d'aujourd'hui, Rabah Saâdane est le cerbère du trésor le plus précieux aux yeux des Algériens. Il ne s'agit pourtant ni de l'épée de la Kahina, la célèbre reine de Thamazgha, ni du miroir qui a aveuglé Lalla Khdaouedj Alâmya, fille du dey Hussein ; mais bien de… la fameuse liste des joueurs retenus pour la préparation du Mondial 2010 ! «35 millions de Rabah Saâdane ! En effet, l'Algérie tout entière retient son souffle, avant la divulgation des noms des prétendants à l'aventure sud-africaine. L'on se perd aux quatre coins du pays et même à ceux de la planète pour la diaspora algérienne, à verser dans les supputations et les conjectures. Chacun y va de sa liste, chacun y va de ses préférences pour tel attaquant, ou tel défenseur. La liste des 30 et celle des 23 retenus sont faites dans toutes les têtes au réveil pour être défaites le soir avant de se coucher. Dans la rue comme au travail, tous les supporters des Verts se découvrent l'âme de sélectionneur national. Et c'est ainsi qu'on s'est retrouvé naturellement avec 35 millions de Rabah Saâdane ! «Personne d'autre que moi ne connaît les noms des joueurs retenus pour le stage en Suisse» Nous avons rencontré, pour notre part, le vrai, le seul, l'unique Rabah Saâdane en personne ! C'était samedi dernier à l'hôtel Radisson Blu de Tripoli. Une soirée entière passée en compagnie du Cheikh durant laquelle on a pu mesurer l'immensité des mensonges rapportés çà et là, à propos de cette liste qui nous fait tant fantasmer. L'a-t-il déjà divulguée à un proche pour qu'elle soit publiée et commentée un peu partout dans la presse ? La réponse de Rabah Saâdane est on ne peut plus claire : «Personne d'autre que moi ne connaît les noms des joueurs que j'envisage de retenir pour le stage du 13 mai en Suisse», a-t-il tranché avec un large sourire. Ces listes émanant de «wlid khalet moul l'bache» qui ont fini par lasser les supporteurs Les listes qui ont défilé un peu partout auraient pu être contenues tranquillement et demeurer dans le registre amusant des anecdotes alimentant les ragots distillés dans les cafés des quartiers populaires. Mais certains perturbateurs, affolés et en mal de scoop, ont tenté de donner au sujet un caractère solennel en jurant par «tous les idiots» qu'ils détiennent leurs sources d'un «djin tonique» qui aurait travaillé avec un cousin lointain qui a refait la toiture de la maison de Saâdane en son absence. L'histoire de «wlid khalet moul l'bache » est on ne peut plus d'actualité dans ce cas… «Même Raouraoua ne connaît pas la liste !» A défaut d'avoir sa source de la bouche du sélectionneur national même, l'on se contente de débiter des nullités qui ont fini par épuiser tout le monde à la longue. Cela a surtout eu raison de la patience des supporteurs des Verts qui ne croient plus à aucun article de journaliste. Pourtant, Saâdane a été plus que clair à chacune de ses interventions et il nous l'a même répété samedi à Tripoli. «Même le président n'est pas au courant de la liste des joueurs que je prendrai en Suisse. Zoheir Djelloul non plus, ni aucune autre personne dans mon staff. Je veux garder cela pour moi, car je ne veux léser personne, à commencer par les joueurs eux-mêmes. C'est eux qui souffrent le plus dans cette histoire. On doit au moins ménager leurs nerfs», nous a-t-il encore éclairé. «Toutes les listes publiées, c'est du bidon» Et Saâdane de poursuivre pour tirer un trait définitif sur ces mensonges. «Je ne lis plus la presse. Je ne sais même pas ce qu'on écrit sur moi ni sur les joueurs. J'ai déjà de quoi m'occuper pleinement avec ce qui m'attend et croyez-moi, il y a beaucoup de boulot», renchérit-il. «La liste ne sera déterminée de manière ferme qu'au moment voulu. Je ne veux pas m'aventurer à dire qu'un tel sera écarté, alors qu'une blessure pourrait survenir à tout moment. Que ferais-je alors à ce moment ? Rappeler celui que j'ai écarté et le ramener avec un moral bas de repêché ? Non, je ne veux pas tenter cela, car j'en connais les conséquences par expérience», a-t-il souligné. «Ziani doit venir en très bonne forme physique, le reste, c'est notre affaire» Evoquant le cas de certains cadres de l'EN marginalisés dans leur club, le patron des Verts s'est voulu rassurant : «Tout ce que j'attends de ceux qui ne jouent pas dans leur club, c'est de bien se préparer physiquement. Ziani se doit de venir en super forme physique. Le reste est notre affaire. Il ne doit pas négliger les matchs d'application aux entraînements, car ça va aussi l'aider à revenir au top. On a déjà notre idée sur la manière de leur faire rattraper le retard. On ne s'affole pas et on sait où on va», a-t-il assuré. Pas trop emballé par les A', mais… Lorsqu'on a en face Rabah Saâdane, l'envie nous prend aussitôt de lui poser toutes les questions qui turlupinent les supporteurs des Verts. Mais la fatigue qui se lit sur le visage du cheikh nous ramène à plus de retenue pour ne faire que l'écouter, en espérant qu'un indice lui échappe dans la foulée. Qu'a-t-il vu de la sélection des A' ? «Ce que tout le monde a vu», nous dit-il d'un air tellement désolé, histoire de nous faire savoir d'un air voilé qu'il n'y avait pas grand-chose à puiser pour l'instant de cette équipe, vu le décalage important qui sépare le niveau des A et des A'. D'ailleurs, sans le dire ouvertement, Saâdane ne semblait pas emballé par la qualité du jeu des joueurs occupant les postes qu'il cherche à pourvoir, en vue du Mondial… Des locaux pour fausser l'étiquette des Verts made in France ! Mais cela ne l'a pas empêché de retenir chez les A quelques joueurs à qui il voudrait accorder une dernière chance d'aller en Afrique du Sud. Des indices concrets avancent les noms de certains locaux (voir article ci-contre), que Saâdane va tester en Suisse, histoire de voir ce qu'ils ont dans les jambes, mais aussi pour ne pas aller au Mondial avec des joueurs exclusivement made in France. La politique du tout européen chez les Verts a montré ses limites en matière d'échantillon à exposer aux yeux du monde en Afrique du Sud et les responsables de la FAF le savent mieux que tous. L'on se demande bien si ce ne sont pas les vieux démons qui ont refait surface pour reprendre les commandes, comme au «bon vieux temps» que personne ne regrette pourtant. Mais quoi de plus logique dans un pays qui se veut fier jusqu'au bout des crampons ?