«En 1979, j'ai inscrit le deuxième but de l'Argentine contre l'Algérie.» Lors des Coupes du monde de 1982, 1986 et 1990, l'Argentine avait une seule star, Diego Maradona. Tous les autres joueurs, en dépit du rôle important qu'ils jouaient sur le terrain, passaient presque inaperçus. Il en est ainsi de Gabriel Calderon, milieu de terrain récupérateur durant les années 80, reconnaissable à ses cheveux blonds et sa calvitie naissante, dont le rôle ingrat de milieu récupérateur, doublé à l'aura de Maradona, laissaient inaperçu. Pourtant, il a participé à deux Coupes du monde, en 1982 et en 1990, la deuxième en tant que titulaire, et a été absent du Mondial-86 à cause d'une blessure. Plus même : il a été champion du monde junior avec l'Argentine en 1979 aux côtés de Maradona. Si on ajoute à tout cela qu'il a joué au Betis Séville et au Paris Saint-Germain et qu'il a qualifié l'Arabie Saoudite pour le Mondial-2006 en tant que sélectionneur, on voit bien que le personnage n'est pas banal. Actuellement consultant technique à la FIFA, il a bien voulu nous livrer ses impressions sur ce Mondial. Vous avez connu ce qu'est la Coupe du monde en tant que joueur avec la sélection d'Argentine. A présent que vous êtes loin des terrains, la passion est-elle la même en suivant cet événement ? Non, pas du tout. Cela n'a rien à voir parce que les émotions, le stress et l'adrénaline ne sont pas les mêmes. On ne voit pas l'équipe de la même manière. Chacun souffre pour son pays, mais le fait de ne pas être sur le terrain n'engendre pas la même souffrance. Quand on joue, on a une plus grande responsabilité car on est impliqué dans le match à 100 %. Ce n'est pas le cas quand on ne joue pas. Vous avez joué aux côtés de Diego Maradona au sein de la sélection argentine et, aujourd'hui, il se retrouve sélectionneur. Pensez-vous que son implication est similaire à celle qu'il avait en tant que joueur ? Il y a une différence quand même, mais quand on est entraîneur, on est impliqué complètement, comme un joueur. C'est vrai que le fait d'être à l'extérieur du terrain donne des idées plus claires quant à ce qu'il faut faire pour améliorer le rendement des joueurs, du moins mieux que ce que voit le joueur qui est dans le feu de l'action. On peut donc transmettre des instructions à froid, ce qu'on ne peut pas faire comme joueur. A l'inverse, il y a des initiatives et des décisions qu'on peut prendre et mettre à exécution en tant que joueur, mais qu'un entraîneur ne pourra pas faire. Donc, chaque statut a ses avantages et ses inconvénient, mais l'implication est la même. Durant les matches, à voir Maradona faire les cent pas et faire quelques gestes de joueur, on sentait qu'il avait parfois des envies de pénétrer sur le terrain et de débloquer des situations… C'est sa façon de vivre le match. Quand on est à l'extérieur et qu'on sait qu'on peut apporter une solution, on souffre énormément. C'était son cas : il souffrait sur la touche. Nous, footballeurs, préférons toujours être sur le terrain afin de prendre le ballon et faire ce qu'on croit être susceptible d'apporter un plus à l'équipe. Interrogeons l'ancien joueur que vous êtes : qu'est-ce qui n'a pas marché pour l'Argentine face à l'Allemagne et qui a mené à son effondrement ? Je pense que l'erreur des Argentins a été d'avoir pratiqué un jeu très ouvert, ce qui a laissé des espaces à l'adversaire. Face à un adversaire qui maîtrise l'art de la contre-attaque et qui est efficace en attaque, ça ne pardonne pas. En attaquant à outrance sans surveiller ses arrières, l'Argentine s'est fait avoir. Quelle appréciation globale avez-vous de la Coupe du monde, maintenant que les finalistes sont connus ? Je ne peux pas étaler mon appréciation en détails car nous sommes en train d'élaborer un rapport officiel pour la FIFA, mais il y a des choses que tout le monde a vues, notamment quelques erreurs d'arbitrage fatales et la déception de sélections supposées être fortes qui ont été éliminées prématurément au premier tour. Je pense que ce sont les faits saillants de cette Coupe du monde. Vous parlez de l'Italie et de la France ? Oui. C'était une grande déception pour ceux qui attendaient du spectacle et du suspense. Cela a fortement surpris tout le monde. Pensez-vous qu'il y ait désormais un fossé entre l'Espagne, l'Allemagne et les Pays-Bas d'un côté et l'Italie, la France et l'Angleterre de l'autre ? Je ne peux pas répondre à cette question car personne ne connaît les véritables circonstances qui ont fait que l'Italie, la France et l'Angleterre soient passées complètement à côté dans ce Mondial. C'est sûrement une Coupe du monde exceptionnelle que viennent de vivre ces pays. Je suis certain que lors de la prochaine édition, elles joueront à leur véritable niveau. Votre opinion sur la participation africaine à ce Mondial ? Là aussi, je ne peux pas m'exprimer sur la question car je ne connais pas le contexte ayant prévalu au sein des sélections africaines. En 1990, lorsque j'évoluais en France, au Paris Saint-Germain, j'avais pensé et affirmé qu'avant 2010, une sélection africaine allait être championne du monde. Cette année-là, le Cameroun avait atteint les quarts de finale de la Coupe du monde au terme d'un très beau parcours. En 2002, le Sénégal en avait fait de même. Donc, ma conviction était profonde sur le fait que l'Afrique arriverait au sommet du monde. Or, j'ai l'impression, depuis 2006, que le football africain est en train de regresser. Son arrivée avait grimpé à la fin du siècle dernier, mais il semble être en train de redescendre en ce nouveau siècle. Je n'en comprends pas la raison. Il n'y a finalement que le Ghana qui a tiré son épingle du jeu en 2006 et lors de la présente édition… Oui et le Ghana aurait pu aller plus loin s'il avait réussi à transformer le penalty dont il avait bénéficié lors des dernières secondes des prolongations de son quart de finale face à l'Uruguay. En demi-finale, on ne sait pas ce qui se serait passé. Dommage ! Qu'en est-il des prestations de la sélection algérienne ? C'est une équipe qui s'était qualifiée brillamment pour la Coupe du monde, avec notamment deux excellents matches contre l'Egypte et que j'ai personnellement regardés et beaucoup aimés. Cependant, son niveau a été en deçà durant cette Coupe du monde. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je n'ai presque pas reconnu l'équipe. Peut-être que c'est parce que les adversaires étaient d'un calibre supérieur que l'Egypte. L'Algérie, vous l'avez connue en 1979 au Japon, à l'occasion de la Coupe du monde juniors que l'Argentine, avec notamment Maradona et vous en son sein, avait remportée… Oui, c'est vrai. Nous avions affronté l'Algérie que nous avions battue 5-0, si mes souvenirs sont bons. C'était moi qui avais inscrit le deuxième but lors de ce match-là. Cela dit, c'est le seul souvenir que je garde de ce match-là. Je ne me rappelle pas de l'identité des joueurs algériens que j'avais affrontés. Lorsque vous aviez évolué au Paris Saint-Germain, avez-vous croisé des joueurs algériens ? Au PSG, j'ai joué quelque temps avec un joueur algérien. Je ne me rappelle pas bien de son prénom, mais je crois que son nom est Sandjak… Oui, c'est Lyazid Sandjak. Voilà, c'est ça. C'était un grand avant-centre. J'ai joué également contre des joueurs algériens, comme Ferhaoui qui était un très bon. Peut-être gardez-vous plutôt des souvenirs de la glorieuse génération algérienne des années 80… Ah, oui ! Madjer, Belloumi et les autres, c'est une génération qui m'a marqué et que je n'oublierai pas. Ce sont des joueurs qui ont marqué la Coupe du monde de 1982 en Espagne. Ceux-là, c'était des artistes. Pour terminer, un pronostic pour la finale entre l'Espagne et les Pays-Bas ? Je vois l'Espagne l'emporter. C'est, pour moi, la meilleure équipe de ce tournoi. Elle avait remporté l'Euro-2008 avec la manière et elle est en train de démontrer que ce titre n'était pas dû au hasard. Bien sûr, en football, on ne peut jurer de rien et tout peut arriver en 90 minutes, mais je vois bien l'Espagne l'emporter.