Nordine Kourichi «Ils nous avaient chambrés» Depuis quelques semaines, le prestigieux France Football raconte pour ses lecteurs les 50 matchs de légende à travers la longue histoire du football. Algérie – RFA du 16 juin 1982 en fait partie et c'est dans son édition d'aujourd'hui que France Football refait vivre ce moment exceptionnel de l'histoire du football algérien. Nous vous reproduisons en intégralité le flash back de FF. RFA - Algérie 1982. Sensation. Ou comment le Petit Poucet fît logiquement plier (2-1) le champion d'Europe en titre et grand favori du Mundial 1982. La grande Allemagne. Rien, non rien, ne prédestinait les 42 000 spectateurs du stade El-Molinon de Gijon à assister à la première surprise du Mundial 1982. D'abord, parce que l'affiche de ce mercredi 16 juin mettait aux prises deux nations aux antipodes l'une de l'autre. D'un côté, l'Allemagne de l'Ouest, Championne du monde 1954 et 1974, nantie de sa couronne de champion d'Europe décrochée deux ans plus tôt. Une cohorte de joueurs du grand Bayern bien entendu, mais aussi de Hambourg, fraîchement sacré champion d'Allemagne. De l'autre, la fine fleur d'une jeune nation africaine, l'Algérie, qui découvrait la Coupe du monde. Quelques mois plus tôt, les Fennecs n'avaient pas impressionné lors de la CAN disputée en Libye. Etait ce parce qu'ils avaient décidé de «cacher» leur potentiel ? Après un stage en Suisse (à Zermatt) et quelques matches amicaux supplémentaires -l'Algérie en disputa 24 pour préparer l'échéance mondiale ! - place enfin à la compétition. La résistance algérienne. Humilité mais absence de complexe dans les rangs de la formation dirigée par Mahieddine Khalef, un technicien rusé qui a décroché la C1 africaine avec la JET (devenue JS Kabylie depuis) fin 1981. En cette fin d'après-midi, les premiers instants de la rencontre laissent présager une domination des coéquipiers de «Kalle» Rummenigge, le capitaine allemand. Sous pression, les Algériens voient déferler les raids de leurs adversaires, mais résistent. Au fil des minutes, les coéquipiers de Lakhdar Belloumi, le Ballon d'Or africain 1981 de FF, s'enhardissent. Organisés en 4-3-3, un système qui laisse une large place à leur palette technique et à leur jeu fait de débordements, ils ne vont pas tarder à se lâcher. Leur vivacité naturelle prend peu à peu le dessus sur cette RFA qui, visiblement, ne s'est pas intéressée à leur potentiel offensif. Erreur. Les Algériens parviennent à la pause sans avoir encaissé de but. Ils ont vu que leur technique collective pose de gros problèmes à l'arrière-garde germanique, ils vont en profiter. 53e : le «Belge» Djamel Zidane (Courtrai) décale à gauche pour Belloumi, le magicien oranais. Sa tentative se heurte au rugueux Schumacher, sorti dans ses pieds. Rabah Madjer, qui a suivi, devance deux défenseurs et reprend d'une pichenette. 1-0, la gifle est terrible. Les champions d'Europe mettent un quart d'heure à s'en remettre. Dans le jeu aérien, Nordine Kourichi domine sans forcer le géant de Hambourg, Horst Hrubesch. Au sol pourtant, Rummenigge sonne la révolte, comme souvent. Il reprend à bout portant un centre-tir du Hambourgeois Felix Magath devant le but : 1-1 (67e) Belloumi assomme la RFA. À peine secoués, les Fennecs se redéploient. L'action qui suit fait partie de l'anthologie du football algérien. En onze passes, le collectif allemand est humilié. Côté gauche, Salah Assad tourmente une fois de plus Kaltz, et adresse à Belloumi un centre à ras de terre, au second poteau. Esseulé, l'artiste conclut du plat du pied (2-1, 68e). L'Allemagne est à terre. Elle ne reviendra pas. L'Algérie s'accroche à ce juste résultat. Elle a piégé l'ogre européen, qui lui a tant manqué de respect dans l'avant-match, lui promettant une correction qu'il recevra à sa place. Les observateurs ont découvert une génération exceptionnelle vainqueur ensuite du Chili (3-2), qui sera hélas privée de second tour (et d'un choc contre les Bleus) en raison du match «fixé» entre la RFA et l'Autriche (1-0), dont le résultat les qualifie tous deux. L'Algérie reviendra quatre ans plus tard. Mais son tour est passé… Fiche technique Algérie 2 - RFA 1 16 juin 1982 - Stade El Molinon (Gijon Espagne). – phase finale Coupe du monde - 42 000 spectateurs - Arbitre : Lobo (Pérou) – Buts : Madjer 53', Belloumi 68' pour l'Algérie, Rummenigge 67' pour la RFA Algérie : Cerbah, Merzekane, Mansouri, Korichi, Guendouz, Fergani, Madjer (Larbès), Dahleb, Zidane (Bensaoula), Belloumi, Assad. Entraîneur : Mahieddine Khalef. RFA : Schumacher, Kaltz, Briegel, Foerster, Stielike, Magath (Fisher), Littbarski, Breitner, Dremmler, Hrubesh, Rummenigge. Entraîneur : Jupp Derwall. --------------- Nordine Kourichi «Ils nous avaient chambrés» Comment aviez-vous préparé ce rendez-vous ? On était le Petit Poucet face à l'ogre, qui n'a pas cessé de nous chambrer avant le match. Ils nous ont snobés, sont allés à la plage des Asturias en famille quarante-huit heures avant le match. Ces mots nous ont vexés. Comment expliquez-vous que vous ayez pris le dessus sur un adversaire aussi expérimenté ? On s'était bien préparé sur le plan tactique. Petit à petit, on a surmonté notre peur. Comme on jouait plus vite qu'eux et qu'on s'est aperçu que techniquement, on était au-dessus, on s'est lâché. Ils se sont ensuite énervés. Peut-on dire qu'ils vous avaient pris de haut ? Totalement. De notre côté, on a pratiqué un football comme rarement une formation africaine ou maghrébine l'avait fait. Cette identité dans le jeu, c'était notre marque de fabrique. On a mérité cent fois ce succès entré dans l'histoire. Quand je pense que j'ai failli ne pas le jouer : le DTN Mekhloufi m'avait exclu quarante jours avant parce que j'étais sorti boire un verre lors d'un stage en France. C'est une pétition du groupe qui m'a permis de réintégrer l'équipe !» --------------- Cette semaine-là : Le 14 juin 1982. La reddition de la garnison argentine de Port Stanley marque la fin de la guerre des Malouines : les Anglais restent maîtres de cette île de l'Atlantique sud. Le 18 juin 1982. Décès à soixante-six ans de Curd Jürgens, acteur allemand qui a notamment tourné dans L'espion qui m'aimait, Et Dieu… créa la femme, la Bataille d'Angleterre et le Jour le plus long. Le 20 juin 1982. Saddam Hussein, le président de la République irakienne, mobilise ses troupes sur la frontière avec l'Iran. La guerre contre la république islamique de Khomeyni est alors imminente. Le 20 juin 1982. Attentat de l'IRA provisoire à Hyde Park, dans le centre de Londres.