«Les gens illettrés, moins ils sont cultivés, plus ils étalent leur culture !» Cela fait belle lurette que Mohamed Raouraoua ne s'était pas adressé à la presse. Pourtant, ce n'est pas les sujets brûlants qui à manquent. L'EN, l'annulation du match Algérie-Tunisie, sa candidature à l'exécutif de la FIFA, sa guéguerre avec Hannachi sont autant de sujets à débattre avec le président de la FAF qui nous a conviés jeudi soir à un dîner-débat à l'hôtel Coral, lieu de résidence des Verts à Khartoum. L'opportunité était bonne à saisir bien que Raouraoua soit prompt à tchatcher sur tout. D'une acuité pointilleuse, il a su comment aborder les sujets les plus brûlants sans pour autant mettre de gants. Celui qui se présente au comité exécutif de la FIFA paraissait serein, nullement perturbé par des «non faits» disait-il, auxquels il n'accorde aucun crédit. «Je ne réponds pas aux ragots», a-t-il répondu sèchement lorsque nous voulions comprendre les raisons de son mutisme. Enfin bref, cela était à évoquer bien que Raouraoua n'ait pas voulu entrer dans «le jeu». «Vous voulez m'emmener dans un terrain où je ne veux pas y être. Moi, je joue dans une autre division», a-t-il asséné encore. Allusion faite, il n'est pas besoin d'être grand clerc pour le comprendre, à son différend avec Hannachi ; sachant que le procès introduit par la FAF pour diffamation contre celui-ci a été renvoyé à une date ultérieure. Cette affaire aurait pu accaparer une grosse partie de cet échange, n'avait été l'insistance de Raouraoua à parler de choses autrement plus importantes que de végéter dans un niveau subalterne. Cinglant !
«Mon avenir à la FAF se décidera le 23 février à midi» Premier point soulevé donc est l'avenir de Mohamed Raouraoua à la tête de la fédération. Allait-il continuer sa mission si par «bonheur» il parvenait à être élu dans le bureau exécutif de la FIFA ? La question méritait d'être posée, d'autant que certaines rumeurs le donnaient comme partant, n'ayant pas le droit de cumuler deux postes aussi importants. «Faux !», corrige-t-il. «La réglementation n'interdit en aucun cas à un élu de l'exécutif de la FIFA de continuer à être président de la fédération de son pays. Après, cela ne veut pas dire que je m'accroche à ce poste. Il se pourrait que je parte. On verra bien. En tous les cas, d'ici au 23 février à midi tout se décidera», a-t-il précisé, laissant du coup planer un certain doute sur son avenir.
«J'ai eu le soutien nécessaire au pays» Sur la question de sa candidature à l'exécutif de la FIFA et de comment se présente la situation, Mohamed Raouraoua a clos le sujet en une phrase : «On en parlera le 23 à midi», comme pour dire qu'il n'était pas prompt à parler de ça. Sauf qu'il a dit avoir fait ce qu'il fallait en pareil cas pour optimiser ses chances d'être élu : «On a fait le nécessaire. J'ai le soutien dont j'avais besoin à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Je suis serein.»
«Je ne prête pas attention aux ragots» La question nous brûlait les lèvres. Ce serait rester sur sa faim que de ne pas la lui poser. Comment a-t-il réagi aux attaques du président de la JSK ? «Je n'y prête même pas attention. Ce que les gens racontent de méchant ne m'intéresse pas. En tant qu'homme public, j'accepte qu'on me critique. Ce serait donner du crédit aux ragots que d'essayer de s'expliquer. Pour moi, ce n'est que du pipeau !»
«Moi, je ne joue pas dans la même division que certains» Pour étayer sa position, Mohamed Raouraoua a mis en avant la différence de statut et de niveau d'instruction. «Moi je joue dans une autre division. Bien supérieure. Je ne me rabaisse pas pour évoquer des débats subalternes du niveau de ceux qui les animent», a dit Raouraoua prenant le soin à chaque fois de ne pas nommer celui dont il parlait bien qu'on n'ait pas besoin d'entendre son nom pour comprendre que c'est Hannachi.
«Les gens illettrés, moins ils sont cultivés, plus ils étalent leur culture !» Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, Mohamed Raouraoua envoie une autre pique acrimonieuse. «Les gens illettrés, moins ils sont cultivés plus ils étalent leur culture, m'avait-on dit il y a près de quarante ans. Et c'est vrai ! Je le répète, je joue dans une autre division», insistait-il comme pour dire qu'il n'accordait aucune importance à ces attaques en règle dont il avait fait l'objet depuis qu'il avait refusé de prendre aux frais de la fédération le vol de la JSK au Nigeria.
«Il y a des gens qui risquent de mourir de faim s'ils s'éloignent du football» Bien qu'il dise ne pas broncher, force est de constater que Raouraoua n'aime pas qu'on s'attaque à lui. Du moins d'une manière aussi virulente. «Je ne bronche pas du moment qu'on ne touche pas à ma dignité. Seulement, je saurai quoi faire si tel est le cas», a-t-il répondu d'un air comminatoire à la limite fruste ; et d'ajouter : «Moi, si je me retire demain du football je serai un homme heureux. Comblé du reste. Mais il y a certaines personnes qui risquent de mourir de faim ! Ils vivent de ça…» A bon entendeur salut !
«Ceux qui disent que je suis mauvais gestionnaire ont besoin que je leur fasse un cours de gestion» «Je suis une personnalité publique et, par conséquent, mon statut me confère un devoir d'accepter la critique. Vous-mêmes pouvez écrire ce que vous voulez pour peu que la dignité de la personne n'en pâtisse pas. Franchement, j'accepte qu'on dise de moi que je ne connais pas le football. Cela ne me dérange en rien. Qui sait tout ? Seulement, qu'on dise que je suis mauvais gestionnaire, jamais ! Ceux-ci auraient besoin que je leur file des cours de gestion. Ils en ont sans doute besoin», rétorque-t-il.
«Je gère 1 400 clubs. Si un seul président est mécontent le bilan est bon» «Je gère 1 400 clubs en tout et pour tout. Et jusqu'à maintenant, je ne pense pas que ce soit la levée de bouclier. Il n'y a pas de problème de fonctionnement, d'idées et de programme. Maintenant, si un seul président est mécontent, je considère que le bilan est bon», dit-il non sans esquisser un sourire en banane qui n'avait pas de mal à s'étirer, preuve d'une sérénité inébranlable.
«Si on nous avait donné Tchaker, on l'aurait rendu nickel en un mois» Autre fait, autre actu : l'indisponibilité de la plupart des stades du pays à accueillir Algérie-Tunisie, qu'on avait finalement annulé la veille pour des considérations outre que sportives. Abdelhak Benchikha a dû suggérer au moins cinq stades avant de se rabattre sur le 5-Juillet, plus par contrainte que par choix : «Ce n'est pas la FAF qui gère les stades. On peut toujours suggérer de jouer dans telle ou telle enceinte, mais rien ne dit qu'on aura le OK du comité qui la gère. On avait demandé à recevoir à Tchaker, mais on nous a répondu que la pelouse était en très mauvais état et quelle ne sera pas prête à temps. Si on nous l'avait donné, on l'aurait rendue nickel en un mois ! La FAF n'est qu'un maillon d'une grande chaîne ; si un seul fait défaut la machine se grippe.» «La rencontre face au Maroc ne peut être reportée qu'en cas de guerre» Evoquant les rumeurs faisant état d'un prétendu report du match Algérie-Maroc, le président de la fédération s'est montré pour le moins surpris par cette information : «Un match international ne peut être reporté qu'en cas de guerre. Ce qui n'est pas le cas. C'est clair.»
«Seul Benchikha sait où se jouera le match face au Maroc» Restant toujours dans le sujet du match face au Maroc, Mohamed Raouraoua dit ne pas avoir une idée sur le stade qui abritera cette rencontre. «Seul Dieu et Benchikha le savent», comme pour dire qu'il a donné carte blanche au sélectionneur de choisir le stade qui lui convient.
«Le club qui n'ouvre pas son capital sera exclu de la Ligue professionnelle» Ouvrant le dossier du professionnalisme qui fait jaser certains et fait courir d'autres, le président de la FAF a tenu à rappeler aux clubs professionnels la nécessité d'ouvrir leur capital, et permettre ainsi aux investisseurs de mettre des fonds, sous peine de se voir infliger des sanctions allant jusqu'à leur exclusion de la Ligue professionnelle, conformément à un arrêté signé à Alger il y a peu. «Les clubs qui n'ouvriront pas leurs capitaux seront tout simplement exclus de LF. Cela prendra effet dans quelques jours», avertit Raouraoua.
«L'USMA, un modèle de professionnalisme» S'il y a bien un modèle de gestion qui semble bien correspondre au professionnalisme qu'a lancé la fédération cette année, c'est l'USMA. «Un bon modèle à suivre», fait remarquer le président de la FAF qui dit avoir apprécié les efforts consentis par Ali Haddad et la clairvoyance de la politique de gestion mise en place. «A encourager», a-t-il fait savoir.
«Les locaux connaissaient les montants de leurs primes avant d'arriver à Khartoum» Le Buteur avait rapporté en exclusivité les montants des primes que compte octroyer la Fédération algérienne de football à l'EN A' pour chaque tour franchi dans ce CHAN. Près de 140 millions, si on y ajoute bien sûr les frais de mission que touchera chaque joueur en cas de succès en finale de l'épreuve. Raouraoua confirme à demi-mots : «A la fédération, nous avons mis tous les moyens. Les A et les A' sont mis sur un pied d'égalité. La question des primes a été évoquée à Alger. On n'est plus dans le temps où l'on se querellait sur les primes la veille des matchs. Tout ça est dépassé. Voyez dans quelles conditions est mise l'équipe. Il y a des sélections qui logent à quatre dans le même hôtel, alors que toutes les conditions ont été réunies par la FAF pour permettre à nos joueurs de bien aborder cette compétition. A eux de faire le reste.»
«Les Egyptiens ont fini par reconnaître leurs torts» On ne pouvait terminer avec Raouraoua sans évoquer ses nouvelles relations avec les Egyptiens. Le traité de «paix» a été signé et les choses semblent retrouver leur cours normal grâce aux bonnes volontés des uns et des autres, sachant que les deux parties sont condamnées à travailler ensemble dans les différentes compétitions internationales. «Ce qui est bien est qu'ils aient fini par reconnaître leur torts. Ils se sont rendu compte qu'ils avaient dépassé les limites du tolérable, et par conséquent ils ont fait des tentatives de rapprochement qu'on ne pouvait refuser. En tant que fédérations, on est bien obligés de travailler ensemble dans les différentes compétitions. On n'allait quand même pas se faire la guerre indéfiniment. Leurs équipes sont venues jouer chez nous, les nôtres se sont déplacées en Egypte, et cela a fini par asseoir un certain apaisement», relève Raouraoua. Tant mieux !
«J'ai donné l'accolade à Ahmed Hassan, où est le mal ?» Récemment, la CAF avait procédé à la consécration des meilleurs joueurs africains et Ahmed Hassan, le capitaine de la sélection égyptienne, était venu recevoir le trophée de la meilleure sélection de l'année. Sur l'estrade, il a dû saluer tous les membres de la CAF, y compris Mohamed Raouraoua à qui il avait donné une chaleureuse accolade. «Où est le mal ?», s'interroge Raouraoua : «Je n'ai fait que saluer un joueur qui a été récompensé. Je suis membre du comité exécutif de la CAF et je dois me comporter en tant que tel.»