«Le discours de Hannachi nous a libérés» «Au cours de la séance des tirs au but, je jonglais systématiquement avec le ballon, pour perturber les tireurs gabonais» Ayant traversé une période très difficile, après avoir perdu sa place de titulaire à l'issue de la défaite concédée à Béjaïa au mois d'octobre dernier, le portier Malik Asselah semble actuellement revenir au meilleur de sa forme et paraît en passe de retrouver ses sensations qui avaient fait de lui l'un des tout prometteurs gardiens de but du championnat. Vendredi dernier, face à la redoutable formation gabonaise du FC Missile, l'ancien Nahdiste, qui a été aligné pour la troisième fois de suite par son entraîneur Rachid Belhout, aura été l'homme du match, presque, grâce notamment à ses deux arrêts décisifs réussis lors de la fatidique séance de tirs au but. Deux arrêts qui ont permis à la JSK de se qualifier au prochain tour de la Coupe de la CAF. Toujours aussi disponible, Asselah a aimablement accepté de répondre à nos questions et de nous parler de son grand retour. Voici donc une interview très intéressante qu'on vous invite à lire. La JSK a su créer l'exploit en renversant carrément la vapeur en se qualifiant avec brio au prochain tour de la Coupe de la CAF. Si on revenait sur le match, quel commentaire feriez-vous sur cette belle performance ? Tout d'abord, je tiens à souligner que même si on a réussi à inscrire trois buts, la rencontre ne fut nullement facile pour nous. On a eu affaire à un adversaire très respectable qui nous a beaucoup gênés dans le jeu. Avant l'entame du match, notre but était de marquer au moins deux buts en première période, c'est ce qu'on a pu faire. Par la suite, on a inscrit ce 3e but qui nous a permis d'égaliser sur l'ensemble des deux matchs et d'aller à la séance des tirs au but. On voulait marquer un 4e but, mais comme vous avez sans doute pu le constater, la fatigue s'est faite ressentir et on s'est contentés de ces trois buts au final. Le 1er but inscrit à la 12' vous a permis de croire encore plus à la qualification, non ? Oui, il est clair que ce premier but nous a encore poussés à croire davantage à la qualif'. Cela dit, je peux vous assurer qu'on avait la rage de vaincre et que même si on avait tardé à marquer ce premier but, on aurait en aucun baissé les bras. Notre qualification prouve qu'à la JSK, on sait jouer avec le nif. Vous avez réussi à imposer un rythme très élevé à l'adversaire, notamment en première période. Etaient-ce les consignes du coach, pour ainsi semer dès le début du match le doute dans cette défense du FC Missile ? Vous savez, dans ce genre de rencontre, on n'a pas vraiment besoin que le coach nous motive ou qu'il nous incite à jouer à fond dès le début. Nous, on ne s'est pas trop posé de questions. On a entamé la rencontre tambour battant, avec comme seul objectif de refaire notre retard, en inscrivant au moins trois buts. El hamdoulilah, notre pari a été tenu et la qualification pour le prochain tour a été réalisée. On en est fiers, d'autant plus qu'on a joué ce match avec un effectif très amoindri. Avouez néanmoins qu'en jouant l'offensive, vous avez laissé beaucoup d'espaces derrière aux attaquants adverses qui, heureusement par maladresse, ont raté à plusieurs reprises l'occasion de tuer le match… Oui, c'est vrai. A un moment donné, on s'est quelque peu oubliés, en jouant très haut et en laissant, comme vous venez de le dire, des espaces derrière. Néanmoins, je pense que c'est normal, du fait qu'on n'avait rien à perdre et qu'on était dans l'obligation de marquer le maximum de buts pour se qualifier. Avec la fatigue et la pression du match, on a commis quelques erreurs, mais Dieu merci, sans grande conséquence. Après avoir réussi à inscrire le second but, ne pensez-vous pas qu'il aurait été plus sage de calmer le jeu et réduire les espaces derrière ? Que voulez-vous que je vous dise. Je pense qu'on était trop excités et on voulait à tout prix marquer ce troisième but. Cela-dit, on s'est un peu calmés par la suite, en posant le ballon à terre et en construisant sereinement nos actions. Moi-même, je temporisais mes relances, pour permettre à mes coéquipiers de bien se replacer. Avant l'entame de la rencontre, étiez-vous aussi confiant à l'idée de décrocher la qualification, ou bien la dernière victoire en Coupe d'Algérie vous a-t-elle suffi ? On savait avant le match, que rien n'est impossible en football. On s'est présentés, certes, avec un effectif très amoindri et on a fait face à un arbitrage très difficile. El hamdoulilah, la victoire a été au rendez-vous. Vous savez, à la JSK, on ne peut pas se contenter du minimum. On a, certes, gagné la Coupe d'Algérie, cinq jours seulement auparavant, mais cela ne nous a pas empêchés de vouloir arracher cette qualification en Coupe d'Afrique. Hannachi nous avait d'ailleurs dit avant le match : «Jouez comme vous le savez. Donnez-vous à fond et si la qualif' vient, ce sera bien, sinon ce ne sera pas un désastre.» Cela nous a poussés à jouer très libérés. Avouez que la victoire face à l'USMH en finale de Coupe d'Algérie vous a permis aussi de jouer sans pression ce match… Pas forcément. On devait donner le maximum, voilà tout. Déjà qu'au match aller, on avait à plusieurs reprises la possibilité de marquer, mais on avait péché par précipitation. Cependant, je dois dire qu'on voulait terminer la semaine en beauté et que cette qualif' est la cerise sur le gâteau. Cela nous permettra aussi de poursuivre sur notre dynamique de victoires. Un mot sur l'arbitrage… Je dois reconnaître que l'arbitre a été très vicieux dans ses décisions. Les juges de touche aussi ont à plusieurs reprises cassé notre jeu, en brandissant presque tout le temps leur drapeau. Quel sera désormais votre objectif dans cette Coupe de la CAF, sachant que lors de la précédente édition de la Ligue des champions, vous avez atteint les demi-finales ? Je pense qu'il est un peu tôt de fixer des objectifs clairs dans cette compétition qui, tout comme la Ligue des champions, est d'un niveau très élevé. Toutefois, comme il nous reste encore un tour à disputer avant les poules, notre but sera justement de nous qualifier pour cette phase et après on verra. Il ne faut surtout pas se précipiter. Comme vous le savez très bien, il existe une belle histoire d'amour entre cette Coupe de la CAF et la JSK. Pensez-vous que votre génération est en mesure de remporter ce trophée, comme l'ont fait vos aînés ? Ecoutez, il faut être réaliste. La performance qu'ont réalisée les joueurs de la JSK au début des années 2000 dans cette compétition est phénoménale. Je ne dis pas que ça va être quelque chose d'impossible à réaliser pour nous, mais il faut y aller doucement et gérer match après match. Comme on dit, l'appétit vient en mangeant et pourquoi pas remporter ce trophée, qui a tant donné du bonheur à nos supporters par le passé. Nous aussi, on veut marquer l'histoire du club, mais que cela se réalise, il faudra qu'on soit prêts à 100 %, mentalement, techniquement et physiquement. Lors du prochain tour, vous allez être confrontés, comme le stipulent les règlements de la CAF, à un adversaire de la Ligue des champions, c'est dire que ce sera certainement plus compliqué. Une appréhension particulière ? Non, pas vraiment. On jouera à fond quel que soit l'adversaire qu'on affrontera. On fera de notre mieux pour parvenir à nos fins. Maintenant, le prochain tour est encore loin et notre objectif immédiat est de se focaliser exclusivement sur le championnat. Avouez que votre tâche sera encore plus compliquée, du moment que vous jouerez la manche aller à domicile… Pour le moment, on ne se préoccupe pas vraiment de cela. Attendons de connaître tout d'abord notre adversaire pour parler ensuite de nos chances de qualification. En tout cas, on sait pertinemment que ça va être très difficile. Ce prochain tour se disputera en plein mois de juillet. Cela signifie que comme l'année dernière, vous ne bénéficierez certainement pas de vacances, lorsqu'on sait que le championnat cette saison se terminera le 25 juin… (L'air dépité), Croyez-moi, je veux pleurer…Que voulez-vous que je vous réponde ? C'est ça la programmation et on se devra de faire avec. On n'a pas d'autre choix. Psychologiquement, ça va être difficile pour vous… On le sait parfaitement, mais bon, c'est comme ça. La JSK, depuis plusieurs années, a toujours été la première équipe algérienne à reprendre les entraînements durant l'intersaison. Ce ne sera pas une première pour le club. On se doit d'être forts mentalement pour bien gérer tout cela. Ce qui est différent des années précédentes, c'est que cette saison, le championnat s'achèvera à la fin du mois de juin… Oui, malheureusement pour nous. J'espère que le staff technique saura gérer tout ça. En tout cas, notre qualification aujourd'hui (entretien réalisé avant-hier soir) prouve que les joueurs de la JSK sont vraiment des gars de bonne famille et qu'ils ne pensent pas uniquement à leurs intérêts. D'autres joueurs aux idées malintentionnées auraient certainement levé le pied et voulu une élimination pour profiter pleinement de leurs vacances. Sur un plan purement personnel, on peut dire que vous avez été le héros de ces huitièmes de finale, en réussissant à arrêter deux penalties… El hamdoullah, j'ai réussi à sortir le meilleur de moi-même et aider le club à se qualifier. Vous savez, je me sens bien à l'aise lors de l'épreuve des tirs au but et on peut dire aussi que la chance était de mon côté. Dans cette séance de tirs au but, on vous a vu souvent prendre le ballon et jongler, avant de le donner aux joueurs adverses. Etait-ce une manière de les perturber ou bien une façon d'amuser la galerie ? Les deux à la fois. Amuser la galerie et jouer sur le moral des tireurs gabonais. Je pense que ça a bien marché, puisque les trois joueurs du Missile ont raté leurs tirs. Au cours du match, vous avez aussi réalisé un dribble très osé sur un attaquant gabonais. Disons-le clairement, si vous aviez raté votre dribble, la qualif' se serait envolée et vous auriez été critiqué par tout le monde… (Il rigole longuement). Vous savez, qui tente rien n'a rien. J'étais certain de mon coup et à aucun moment, je n'ai paniqué. Quand je suis sur le terrain, j'essaye d'accomplir convenablement mon boulot, sans me soucier de ce qu'on pourrait dire de moi à la fin. Mais qu'est-ce qui vous a poussé à faire ça ? Croyez-moi, c'était spontané. Je ne l'ai pas calculé. Aussi, il faut que vous sachiez que c'était une première pour moi. J'ai déjà réalisé ce genre de dribble lorsque je jouais au MCA et au NAHD, et même avec l'Equipe nationale militaire. N'oubliez pas aussi que j'ai débuté ma carrière en football en tant que joueur de champ. Ah bon, à quel poste ? En cadets, je jouais milieu offensif. J'excellais dans ce registre, mais finalement, j'ai préféré me reconvertir en gardien de but, notamment à cause de ma grande taille. Je suis quelqu'un qui manie bien le jeu du pied, donc ça ne me pose pas de problème de dribbler de temps en temps des joueurs, quand c'est nécessaire, bien sûr (Il rit). D'ailleurs, vous pouvez demander à Yahia-Cherif, qui a joué avec moi en jeunes à Kouba. Il sait de quoi je suis capable en tant que joueur de champ. A ce point ! Oui. Si vous voulez, je vais vous raconter une anecdote. Oui, volontiers… Une fois, dans un match des juniors face au CRB, Yahia-Cherif, m'avait très mal remis le ballon derrière. J'ai dû, en catastrophe, dribbler l'attaquant du Chabab qui venait vers moi d'une superbe roulette à la Zidane et traverser ensuite presque toute la moitié du terrain, en laissant sur place aussi deux autres joueurs du CRB, avant de passer le ballon à l'un de mes coéquipiers. Cela pour vous dire que le geste que j'ai fait aujourd'hui face au FC Missile n'était pas une première et que je ne m'inspire pas du tout d'un autre gardien ou de qui que ce soit. D'ailleurs, une idée m'effleure l'esprit maintenant. Laquelle ? Non, laissez tomber. Ça ne sert à rien de le dire maintenant. Allez-y, on insiste… A vrai dire, un jour je voudrais réaliser une spéciale Higuita (*), dans un match. Mais attention, quand je sentirai bien le coup. Vous allez tenter ce geste ? Ben, des fois, un gardien doit jouer avec un peu de fantaisie. Mais bon, cela ne m'empêche pas d'être sérieux et bien concentré sur ma rencontre, quelle qu'elle soit. Je ne veux aucunement me montrer prétentieux ou quelque chose dans le genre. Si on vous comprend bien, face au FC Missile, du moment que l'effectif était amoindri, vous auriez pu dépanner en cas d'urgence (blessure de plusieurs joueurs) en jouant dans l'entre jeu ? Oui, je n'aurais pas trouvé d'inconvénient à jouer dans l'entre jeu, si c'était nécessaire. L'avez-vous suggéré à votre entraîneur avant le match ? Pour tout vous dire, oui. Je l'ai dit comme ça, en plaisantant avec le coach. Et quelle a été sa réaction ? Ben, il a commencé à rigoler. Je pense qu'il ne m'a pas trop pris au sérieux. (Il rit). Avec votre belle prestation d'aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire que vous avez maintenant assuré votre place de titulaire ? Je n'ai rien à dire sur ça. Il y a un staff technique en place et c'est à lui de décider qui de moi ou de Berrefane mérite de garder les bois de la JSK. Moi, je travaille sérieusement aux entraînements et je reste toujours à la disposition du coach. Peut-on dire alors que vous avez répondu de la meilleure façon à ceux qui ont douté de vous ? Ma prestation d'aujourd'hui est une réponse à mes détracteurs qui ont tout fait pour me saboter. On a beaucoup dit du mal de moi et voilà qu'aujourd'hui, la justice divine a triomphé. Cela dit, je dois rendre hommage à mes partenaires qui ont réussi à remonter le score en inscrivant trois buts. C'est ce quoi nous a permis d'aller aux tirs au but. Vous avez raté d'un cheveu une participation avec l'EN A' au dernier CHAN. Maintenant que vous avez retrouvé vos moyens, un retour en sélection vous traverse-t-il l'esprit ? Oui, c'est sûr. Cela dit, je ne voudrais pas me précipiter. J'ai vraiment vécu des moments difficiles suite à mon éviction à la dernière minute des A', et maintenant, je préfère revenir tout doucement. On vous sent touché dans votre amour-propre ? Et comment ! On a été ingrat avec moi et heureusement que j'ai pu compter sur l'appui de ma famille, car personne d'autre ne m'a soutenu. Benchikha, le sélectionneur national, vous connaît parfaitement bien. Avec la baisse de forme que traverse le trio Chaouchi-Zemmamouche-Doukha en ce moment, pensez-vous qu'il pourrait vous appelez prochainement ? Ecoutez, si je remplis les critères d'un joueur international, tant mieux, sinon je ne manque de rien à la JSK. Je fais mon boulot tranquillement sans me poser de questions. On verra après. On vous laisse conclure… Je tiens à remercier les supporters de la JSK pour le grand soutien qu'ils m'ont apporté et je leur promets d'être encore plus décisif à l'avenir. ------- René Higuita est un ancien gardien colombien devenu célèbre lors d'un match amical entre l'Angleterre et la Colombie à Wembley, en septembre 1995, en sortant un ballon sur sa ligne en exécutant le fameux coup du scorpion.
