«C'est sûr, Anthar (Yahia, ndlr), Djebbour, Karim (Ziani, ndlr) auraient été d'un apport pour le groupe.» «Dans le jeu et l'état d'esprit, les joueurs ont été irréprochables.» Madjid Bougherra n'est pas du genre à tirer sur l'ambulance. De Doha où il est établi, il décortique l'élimination de l'Algérie de la CAN à laquelle il n'a pas pris part pour cause de blessure, sans pour autant accabler quiconque. Analyste averti, il dit les choses telles qu'il le sent, relève les manques et impose sa vision du jeu sans pour autant aller jusqu'à écorner l'image de l'EN qu'il a longtemps incarnée. Vous êtes sans doute déçu par cette défaite de la sélection face au Togo (2-0), mais au-delà de ce sentiment de déception, êtes-vous surpris par cette élimination dès le premier tour de la CAN ? Surpris ? Oui ! Je pensais sincèrement qu'on allait faire quelque chose durant ce tournoi. D'autant qu'on a produit du beau jeu. On a été rarement mis en danger sur les deux matchs. Après, on n'a pas eu cette réussite qui nous aurait peut-être fait gagner nos matchs. Dommage ! Mais bon, c'est dans ce genre d'échecs qu'on apprend. Cette équipe est encore jeune. Il faut lui laisser le temps de grandir. Ça ne sert à rien de s'acharner sur elle maintenant. Qu'est-ce qui a manqué à cette équipe pour faire son trou dans ce groupe dit de la mort ? De l'expérience assurément. La Coupe d'Afrique est très différente des matchs de qualifications. Il y a beaucoup de facteurs qui rentrent en jeu. Parfois, tu joues bien, mais tu perds. La gestion, l'approche et la pression ne sont pas les mêmes. J'ai constaté aussi que l'équipe a manqué un petit peu d'agressivité. C'est important. Il fallait plus de tranchant. Sinon, dans le jeu, l'état d'esprit, il n'y a rien à dire. Les joueurs ont été irréprochables. L'expérience des anciens aurait-elle été utile ? Sans aucun doute. Tout renfort est le bienvenu. C'est sûr, Anthar (Yahia, ndlr), Djebbour, Karim (Ziani, ndlr) auraient été d'un apport pour le groupe. Leur capital expérience aurait été utile, il ne faut pas remettre ça sur le tapis non plus. Le sélectionneur a fait ses choix et dit les assumer. Ça ne sert à rien de spéculer. Vous dites-vous : «J'ai ma place dans cette équipe» ? J'aurais été là, si je n'étais pas blessé. Je ne vais pas avoir la prétention de dire qu'avec moi, la sélection se serait qualifiée. Loin s'en faut. C'est le mektoub, comme on dit. On ne peut rien y changer. Avez-vous eu des joueurs au téléphone ? Comment tiennent-ils le coup ? Oui, j'en ai eu quelques-uns. Ils sont naturellement abattus. Ils ne s'expliquent pas encore l'élimination, d'autant qu'ils ont tout donné. Il ne faut jamais douter de leur engagement. Il ne faut pas dire que c'est «la génération de la honte», le mot est trop fort et blessant à la fois. Cette génération est encore jeune et peut encore donner au pays. Il ne faut pas la casser maintenant. Que doivent-ils faire pour surmonter tout ça ? Il ne faut pas douter. Ça ne sert à rien. Les garçons ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Nous avons manqué de chance, parfois. D'expérience en d'autres fois. Face à la Tunisie, la tête de Slimani aurait pu changer le cours du match. Maintenant, nous avons un match très important le mois de mars, il faudra digérer tout ça et se remettre au travail. Certains commencent déjà à demander la tête du sélectionner national ; qu'en pensez-vous ? Ce débat est-il opportun ? La stabilité, c'est très important. C'est normal qu'il y est de la déception après un échec. C'est légitime. Nous avons un match dans un mois et demi, c'est trop court pour recommencer de zéro. Il y a des gens très compétents à la fédération qui sauront prendre les bonnes décisions. Même le coach doit savoir s'il doit rester ou partir. C'est à lui de décider. Même si je continue à croire que la sélection a besoin de stabilité. Beaucoup d'analystes sont unanimes à dire qu'il a manqué un leader à la sélection, lequel selon vous ? Moi, je pense qu'il a manqué des leaders ! Un à chaque poste ! Comme avez-vous trouvé le rendement de la défense ? Bien ! Elle a rarement été mise en difficulté. Elle a dégagé une certaine sérénité. Saïd (Belkalem, ndlr) a fait deux beaux matchs. Il a été efficace et serein. Il ne donnait pas l'impression d'être dépassé. Non, il a été intraitable dans les duels. Hormis l'action du but d'Adebayor où il a manqué d'expérience, je l'ai trouvé bon. J'ai été aussi ravi de revoir Halliche. Il a ramené du tranchant et de la sérénité derrière. Il a posé le ballon. Medjani a été bon aussi. La défense a fait le boulot. Dommage que l'ensemble n'ait pas marché. Personnellement, vous avez rejoué officiellement après plusieurs semaines d'absence, la forme est-elle au rendez-vous ? Oui, El-Hamdoulah. J'ai pu enchaîner les matchs depuis deux semaines. Ça s'est super bien passé. Je me sens de nouveau d'attaque. Ça fait du bien de retrouver la compétition. Il y a deux jours, j'ai eu une offre de Wigan (Premier League, Angleterre). Hélas, mon club l'a déclinée. C'est une marque d'attention ? Naturellement. J'ai été ravi qu'on s'intéresse à moi de nouveau. C'est la preuve que je ne suis pas encore mort. Il faut enlever l'idée reçue qu'après le Qatar, c'est la retraite ! Il n'y a que chez nous et en France qu'on continue à percevoir les choses de cette manière. Regardez la CAN, que fait Dagano ! Sans le refus de votre club, vous seriez parti à Wigan ? Bah, oui ! D'autant qu'il y a un entraîneur qui me suit depuis trois saisons déjà. L'envie de retourner en Europe est-elle toujours présente chez vous ? Naturellement. Ce serait un beau challenge. On verra bien ce qui se passera d'ici la fin de la saison.