Au moment où les statistiques officielles algériennes, relayées par la Télévision ENTV, affichent un optimiste parfois démesuré, selon lesquelles l'Algérie serait un des pays les plus développés dans le monde, il est intéressant de faire une lecture des rapports internationaux 2008/2010, sur la situation économique de l'Algérie, objet de cette contribution. I.- Appréciation de la performance économique : dégradation La Compagnie française d'assurance spécialisée dans l'assurance-crédit à l'exportation (Coface), a mis sous surveillance négative de la note B, environnement des affaires de l'Algérie, dans son rapport de fin juillet 2010. La Coface précise que «les politiques restrictives à l'égard des importations et des Investissements Directs Etrangers, justifient la mise sous surveillance négative de la note B, environnement des affaires». La Coface indique avoir observé depuis juillet 2009, une dégradation du climat des affaires que des dispositions plus récentes n'ont fait que confirmer. «Les mesures prises pour limiter les importations et les sorties de capitaux, pénalisent les opérateurs, en renchérissant et en retardant leurs approvisionnements. Elles ont en outre, accru le poids d'une bureaucratie déjà trop importante. Le climat des affaires pâtit également et des restrictions s'appliquant aux investissements étrangers, qui rend le pays de moins en moins attractif, alors que l'économie en a le plus grand besoin, pour créer des emplois et de la croissance», souligne la Coface. Par ailleurs, pour le quatrième mois consécutif, l'indice de confiance des Chefs d'entreprises algériens évalué en juin 2010 est en baisse de 13 points par rapport à la même période de 2009. Pour sa part, l'hebdomadaire financier américain Newsweek très influent dans les milieux d'affaires, avec l'appui d'éminents experts internationaux, dont le prix Nobel et professeur à Columbia University Joseph E. Stiglitz, McKinsey & Co, le directeur du Bureau Byron Auguste, le directeur fondateur de l'Institut de l'Université McGill pour la santé et la politique sociale et le professeur à l'université Geng Xiao, directeur de la Colombie-Global Centre Asie de l'Est ,dans une enquête fouillée sur l'environnement des affaires et la performance des économies , a classé le 15 aout 2010 , l'Algérie à la 85ème position sur un échantillon de 100 pays. A l'échelle internationale, la Finlande est classée à la première place, suivie de la Suisse, de la Suède et du Canada. Les Etats-Unis d'Amérique sont classés à la 11è, alors que la France est à la 16è place. La Tunisie est classée, à titre d'exemple, 65è, le Maroc (67è), l'Egypte (74è), la Syrie (83è) et le Yémen (92è). Ces analyses vont dans le même sens que le rapport établi précédemment par le groupe de la Banque mondiale (BM) "Investing Across Borders 2010", soulignant que des Lois trop restrictives ou encore désuètes sont des obstacles aux investissements, soulignant que leur mise en œuvre peut engendrer des coûts additionnels pour les investisseurs. Dans son édition 2010 du Doing Business, la Banque mondiale apprécie encore une fois assez négativement l'économie algérienne, notamment dans ses deux chapitres liés au climat des affaires en Algérie et la création d'entreprises. L'Institution internationale soustrait même deux points à l'Algérie par rapport à 2009, la reléguant à la 136è place sur les 183 évaluées dans le cadre du classement des meilleurs élèves dans le domaine des facilités accordées à l'investissement. De plus, il est à noter que le classement 2010 ne prend pas en considération les mesures prises dans le cadre de la LFC 2009, intervenues alors que les données du Doing Business étaient déjà collectées, ce qui laisse présager que le classement de 2011 favorisera encore moins l'Algérie. Selon ce rapport, l'Algérie se doit d'améliorer sa compétitivité du point de vue de la sophistication des affaires (128è place), de l'efficience du marché du travail (127è place), de l'efficience du marché des biens (126è place), du développement technologique (123è place), du point de vue des institutions (115è place) et de l'innovation (114è place) et de l'Enseignement supérieur et de la formation (102è place). Pour FDI Intelligence, une division spécialisée du groupe britannique de presse «Financial Times LTD» de septembre 2009 dans une étude détaillée couvrant 59 pays africains et prenant en compte les critères comprenant les infrastructures, les stratégies visant à encourager les IDE, le potentiel économique, le niveau et la qualité de la vie, les ressources humaines et l'ouverture des marchés, l'Algérie a reculé en matière d'attractivité des Investissements directs étrangers (IDE), étant largement devancée par l'Afrique du Sud, l'Egypte, le Maroc et la Tunisie. Le rapport note une détérioration du climat des affaires en 2009 où l'Etat algérien émet des signaux négatifs et contradictoires particulièrement en matière de la promotion de l'Investissement privé national et étranger. L'indicateur de performance logistique (LPI) de l'Algérie place le pays en 140ème place sur 150 pays, montrant une déficience en matière de réduction de coûts et de barrières administratives et une mauvaise qualité fonctionnelle de la gestion des ports. Aussi, malgré sa proximité géographique avec l'Europe et ses réserves énergétiques pour attirer davantage de capitaux étrangers, l'Algérie n'a même pas profité de l'afflux des pétrodollars du Golfe, contrairement au Maroc, Egypte, Turquie et Syrie, le Golfe étant devenu le deuxième émetteur d'IDE après l'Europe et devant les Etats-Unis. A part le secteur des Hydrocarbures et celui des Télécommunications, l'Algérie ne semble guère intéresser les investisseurs étrangers. L'entrave aux affaires toujours selon ces deux rapports est due surtout à l'accès aux financements, la bureaucratie d'Etat, la corruption, l'inadéquation de la main-d'œuvre formée, la politique du travail considérée comme restrictive ainsi que le système fiscal et l'environnement dont la qualité de la vie. Concernant justement la qualité de la vie, le célèbre tabloïd anglais The Economist le 10 septembre 2009, dans une enquête qui mesure, à partir de plus de 30 indicateurs qualitatifs et quantitatifs, cinq grandes catégories, à savoir la «stabilité», les «soins de santé», la «culture et l'environnement», l'«éducation» et l'«infrastructure», catégories compilées et pondérées pour fournir une note globale variant de 1 à 100, où 1 est jugé intolérable et 100 est considéré comme idéal, la ville d'Alger, malgré toutes les dépenses, a été classée au 138è rang sur les 140 métropoles pour 2009, classement inchangé par rapport à l'année dernière 2008 au même niveau que Dhaka (Bengladesh), obtenant un score de 38,7, devançant la Capitale du ZimbabweHarare. II- Indices du développement humain et de la corruption : des résultats mitigés Précisément pour l'Indice de développement humain( IRH) , indicateur beaucoup plus fiable que le Produit intérieur brut (PIB) , une étude du Femise, de juillet 2010 financée par l'Union européenne, met en lumière la corrélation entre libertés individuelles, degré d'ouverture au commerce et Investissements directs étrangers dans les pays de la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient). Un niveau plus élevé de libertés individuelles associé à une mise en application rigoureuse des contrats et de hauts standards dans l'application de la Loi promeuvent les IDE. A l'inverse, l'instabilité sociale et le désordre politique les repoussent. Les chercheurs ont déterminé une série de critères susceptibles d'avoir un impact sur ces IDE, tels que l'espérance de vie, l'égalité des sexes et le niveau d'éducation. Ils constatent, qu'une vie longue et saine et un niveau élevé d'éducation, sont des facteurs clés pour stimuler les IDE. «Cela laisse penser que les investissements de santé et d'éducation contribueraient à accroître le capital humain et, par conséquent, le niveau d'exportations des pays méditerranéens se verrait lui aussi augmenté», souligne l'étude. Le rôle de l'éducation apparait plus prononcé lorsqu'il est couplé à une croissance positive des revenus, tandis que la distribution équitable des revenus stimulerait exportations et importations. «Notre analyse a montré que l'Indice de développement humain influence les décisions des investisseurs étrangers sur le long terme, et non sur une année déterminée», concluent les experts. Pour l'Indice du développement humain, l'Algérie a perdu 4 places, passant de la 100è place, en 2008, à la 104è en 2009, lit-on dans le rapport du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) de 2010. C'est ainsi que l'Algérie est classée parmi les pays dont le développement humain est qualifié de «moyen». Ce classement implique un total de 182 pays, répartis selon le niveau du développement humain (très élevé, élevé, moyen et faible). L'Algérie est devancée surtout par la Tunisie classée 98è, le Liban (83è), le Gabon (103è) et la Jordanie (96è). L'Algérie rétrograde à la 104è sur le baromètre du développement humain. Les enquêtes sur le terrain montrent clairement l'effritement du niveau scolaire, ayant plus de chance d'être chômeurs au fur et à mesure que l‘on gravite dans la hiérarchie scolaire, des sureffectifs dans les classes et amphithéâtres, des déperditions croissantes du primaire, secondaire au supérieur, une gestion défectueuse des établissements scolaires avec des bâtiments délabrés et un environnement sans âme et la mensualité d'un professeur et maître de conférences, en fin de carrière, est environ d'un tiers de celles de ses collègues marocain et tunisien, avec les nouvelles augmentations de 2008 (moins d'un tiers par rapport au salaire d'un simple député ou sénateur ) et 80% de ce montant en retraite, sans compter les conditions de travail, bien plus meilleures et surtout la considération. Nous ne parlerons pas des enseignants du primaire et secondaire encore plus dérisoire. Concernant le secteur santé, l'Algérie n'est pas mieux lotie et l'on assiste malgré des investissements colossaux à la dégradation du milieu sanitaire. Cela s'explique comme je le démontrerai plus loin, par la disparition de la couche moyenne productive, pilier de tout développement. Des enquêtes sur le terrain montrent en comparaison au Maroc et à la Tunisie que ces deux pays favorisent les couches moyennes productives et non les rentières comme en Algérie, que le niveau de vie des fonctionnaires en termes de parité du pouvoir d'achat est plus élevé au Maroc et beaucoup plus en Tunisie. Il serait intéressant d'ouvrir un débat national sur la fixation des salaires à tous les niveaux, dans la mesure où dans les pays dits démocratiques, les responsables au plus haut niveau de l'Etat, affichent leurs rémunérations sans complexe permettant de réaliser une symbiose entre les gouvernants et les gouvernés. * Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International professeur d'Université en Management stratégique