Les mausolées se dressent encore fièrement comme des témoins d'une civilisation qui plonge ses racines, loin, très loin dans le temps. A Oran par exemple, ces lieux entourés d'une aura où se mêlent le sacré, le réel à l'imaginaire, sont des lieux de pèlerinage pour les visiteurs anonymes et personnalités prestigieuses qui font escale dans la ville. Parmi ces mausolées, "Sidi El-Houari", "Sidi Senoussi", Moulay Abdelkader", "Sidi El-hasni", "Sidi B'lel", "Sidi Mohamed" et "Sidi El-Bachir" ainsi que plusieurs autres implantés dans la proche banlieue d'Oran, à l'instar de "Sidi Ghanem", "Sidi Lekhyar" et "Sidi Benaoumer", sont entourés par l'imaginaire populaire d'un mysticisme teinté de respect. Dans sa lente procession dans la mémoire de la ville, le poète Mekki Nouna a laissé son inspiration vadrouiller dans les dédales de la cité à la quête de souvenirs vécus au contact de ces lieux sacrés. Son oeuvre, "Arsam wahran", chantée par Houari Benchenet, est un véritable hommage aux saints patrons de la ville d'Oran. Dans ce contexte, le Pr. Mohamed Taybi, un sociologue de l'université d'Oran, précise que “ces sites qui ont défini une géographie de la ville, sont le réceptacle de la mémoire collective des oranais, "notamment Sidi El-Houari qui était le précurseur du combat des hommes de la religion (les fouqaha) pour libérer la cité de l'occupation espagnole". Les informations recueillies, à l'occasion du colloque international sur les sites et les personnalités historiques de la ville d'Oran, indiquent que ces saints patrons sont à l'origine de l'édification des forts et autres points de guet qui ont joué un grand rôle dans la libération de la ville de l'occupation espagnole durant le "règne" du Bey Mohamed El-Kebir. Celui-ci avait élaboré une stratégie de défense d'Oran en répartissant plus de mille étudiants en sciences de la religion, à travers ces nombreux sites, dont le plus célèbre est "Ribat (poste de vigie) d'Ifry". Ces saints Hommes sont de par l'usage et les traditions séculaires, appelés "Slatine lebled (les rois de la ville)" ou encore ses gardiens. L'histoire de la ville regorge de récits vantant leurs qualités, leurs miracles et leurs hauts faits d'armes. Malgré les événements historiques qu'a connus la ville depuis l'occupation espagnole jusqu'à la régence ottomane et la présence française, ces mausolées sont restés solides, fièrement dressés vers le ciel à l'instar de "Sidi El-Houari" qui s'incruste dans le tissu urbain de la ville et dont la renommée à dépassé nos frontières comme témoignent les nombreux travaux réalisés par de nombreux chercheurs maghrébins. Ce mausolée, classé monument historique depuis 1906, qui suscite l'intérêt des pouvoirs publics a bénéficié en 1988 de travaux de réhabilitation, indique un chercheur dans l'histoire de la ville d'Oran. Sur un plateau, en haut du mont Murdjadjo, se dresse dans un port altier, le mausolée de "Sidi Abdelkader El-Djlani", connu parmi les Oranais sous le nom de "Moul El-Meyda", édifié durant la période des Beys d'Oran. Par ailleurs, selon le célèbre poème "El-Goumane", de "Bensahnoun Errachidi", le mausolée de "Sidi M'hamed Benaouda", qui se dresse en face du port d'Oran, sur la façade "maritime ouest" de la ville, a été construit en 1768 par des moudjahidine qui assiégeaient la caserne espagnole de Chateauneuf dans le fort de "Sainte Thérèse". Ce mausolée a permis aux combattants oranais de réaliser de grandes victoires militaires contre l'occupant espagnol. Plusieurs de ces mausolées, qui sont une partie de la mémoire collective, ont subi des profanations du temps de l'occupation espagnole et la colonisation. Parmi ces sites, le mausolée de "Sidi Haïdour", qui a été détruit pour construire sur ses ruines la chapelle de "Santa Cruz" et "Sidi Edhebi" dans la région de "Sidi Chahmi", qui a été dynamité par l'armée française, indique un historien qui justifie ces actes par la volonté des occupants de rayer de la mémoire des autochtones, le patrimoine historique et culture. Malgré ces atteintes, les Oranais ont continué à respecter et honorer ces sites d'une grande valeur historique et spirituelle pour eux, entretenus par des "Moqadimate" et des "Moqadim", et qui incitent à la méditation, et à la quiétude. Plusieurs oranais s y donnent rendez-vous, pour s'échanger des nouvelles familiales ou pour tisser des liens d'amitié avec d'autres visiteurs. Les visites sont organisées en fonction des journées de la semaine. A titre d'exemple, le mausolée de "Sidi El-Houari" accueille les visiteurs le samedi, Sidi Mohamed Echamekh" le dimanche, "Sid El-Hasni" le lundi, et "Sidi Senouci" le jeudi. Depuis la mise en service du téléphérique au mois de juillet 2007 le mausolée de "Sidi Abdelkader", qui trône sur le plateau du Murdjadjo, est sorti de sa torpeur et de son isolement pour accueillir chaque vendredi des dizaines de familles oranaises qui viennent pour s y recueillir. Ces lieux séculaires dédiés aux saints patrons de la ville, ne sont plus aujourd'hui de simples sites où se tiennent des "waadate" et des veillées religieuses. Ils font aujourd'hui l'objet d'études et de colloques universitaires. Oran avait abrité en 2007, un colloqué international consacré à l'imam "soufi Sidi El-Hasni", avant d'accueillir en février dernier, une rencontre dédiée à la vie et l'oeuvre de l'imam "Sidi El-Houari".Ces séminaires constituent une bonne occasion pour des études anthropologiques qui permettront de mieux connaître les saints patrons de la ville d'Oran, glorifiés aussi bien par des chantres de la poésie populaire que par des chercheurs à l'instar de cheikh "Latrache" et "Cheikh Bouabdelli".