C'est un sacré pavé dans la mare qu'a lâché hier le Financial Times à propos de l'agence américaine de notation financière Moody's. Selon des documents internes évoqués par le journal, la société admet avoir connu des "bugs", des problèmes informatiques, dans l'évaluation de produits financiers complexes. Or, ce sont ces derniers qui ont provoqué la crise des subprime l'été dernier, liée aux crédits hypothécaires à risque aux Etats-Unis mais aussi aux nombreux produits financiers rattachés à ce type de créance. Dans ces documents, il est indiqué que la note de certains de ces produits, achetés par de nombreuses banques sur la planète, rassurées par le bon niveau d'évaluation donné à ces véhicules financiers par les agences de notation, aurait parfois été surévaluée de quatre crans. L'agence Moody's était au courant de ce problème début 2007 et a commencé à tenter de le résoudre sans ébruiter l'affaire. Aujourd'hui, les agences de notations (Moody's, mais aussi Standard & Poor's et Fitch) sont montrées du doigt - y compris par les gouvernements - pour avoir attribué des notes élogieuses, jusqu'à leur summum, le fameux Triple A (AAA), à des produits financiers qui se sont révélés finalement très risqués avec cette crise du subprime. Moody's souligne qu'elle mène actuellement une revue complète de ses process et des produits et clients qu'elle surveille, notamment dans le domaine des produits financiers complexes, afin de vérifier qu'il n'y a pas d'autres erreurs de ce type. Signe de son attention renforcée sur le secteur financier touché par cette crise, Moody's a sanctionné hier le rehausseur de crédit CIFG, filiale commune des banques françaises Caisses d'Epargne et Banques Populaires. L'agence de notation qui avait retiré début mars à CIFG son "AAA", la meilleure note de sa classification, pour ramener sa note à "A1", vient de faire savoir qu'elle l'abaissait cette fois-ci de sept crans supplémentaires, à "Ba2". Dans son communiqué, Moody's explique qu'en l'absence de tout nouveau développement, les fonds propres de CIFG risquent d'être insuffisants pour respecter les ratios prudentiels aux Etats-Unis et aux Bermudes. Pour l'agence de notation, CIFG va en effet probablement devoir augmenter le niveau de ses provisions sur les émissions de titres adossés à des crédits immobiliers à risque qu'elle a garanties. Le non-respect des normes prudentielles placerait alors CIFG dans une "position précaire", relève Moody's. Dans un communiqué publié séparément, le directeur général de CIFG John Pizzarelli s'est déclaré déçu par la décision de l'agence. "Nous sommes actuellement en négociations pour mettre au point une stratégie alternative pour nos crédits à problèmes, avec pour but que CIFG puisse émerger avec un bilan sain et un niveau de fonds propres significativement amélioré", assure John Pizzarelli, sans plus de précisions sur ses projets. Pour un rehausseur de crédit, perdre son "AAA" rend sa tâche très difficile. Etre relégué en valeur spéculative est une condamnation à mort certaine. CIFG a perdu sa note maximale auprès des autres grandes agences de notation, mais celles-ci continuent à classer le groupe parmi les emprunteurs fiables: CIFG est noté "A+" par Standard & Poor's et "A-" par Fitch. En mars dernier, la Caisse d'Epargne et les Banques Populaires avaient semblé exclure de remettre au pot - après avoir déjà apporté 1,5 milliard de dollars à la fin de 2007 - pour ramener les fonds propres de leur filiale à des niveaux satisfaisants pour les agences de notation. Les deux maisons-mères, qui avaient repris en direct la gestion de la société à leur filiale commune Natixis, "devraient jouer un rôle décroissant dans l'avenir" de CIFG, selon Moody's. L'agence de notation a ainsi estimé "peu probable qu'elles fournissent un soutien supplémentaire à leur filiale, au delà de leur récent apport de 1,5 milliard de dollars". Moody's n'exclut pas d'abaisser encore la note de la société basée aux Bermudes. Dans certaines hypothèses, jugées improbables, sa note pourrait tomber jusqu'à "Ca"/"C".