Le bond spectaculaire du chômage, qui est passé à 5,5% en mai aux Etats-Unis, contre 5% en avril, vient rappeler la fragilité d'une économie frappée par la crise de l'immobilier et la flambée des cours du pétrole en pleine année électorale, soulignent les analystes. La première économie mondiale a supprimé 49.000 postes, après 28.000 le mois précédent, a annoncé vendredi le département du Travail. Ce n'est pas aussi mauvais que ne le craignaient les économistes qui tablaient sur 60.000 licenciements nets. Mais le bond du chômage -- le plus important en 22 ans -- a fortement déçu le marché, qui tablait sur un taux de 5,1% seulement. Face à ces chiffres inattendus, la première réaction des économistes a été la perplexité.C'est "assez déconcertant", a estimé Robert MacIntosh d'Eaton Vance, pour qui le taux de chômage en mai est "juste une aberration", étant donné que le niveau des licenciements ne plaide pas pour une économie en récession. Le ministère a souligné que les chiffres du chômage pouvaient être très volatils au printemps du fait de plusieurs facteurs, comme l'arrivée sur le marché d'un "nombre important de travailleurs", notamment des jeunes après la fin de l'école. Mais les marchés ont très mal pris ces chiffres. A la Bourse de New York, l'indice Dow Jones perdait 1,67% à 12.394,39 points vers 14h15 GMT. Pour certains analystes en effet, ces chiffres viennent rappeler une vérité un peu oubliée ces derniers temps sur la fragilité de l'économie. "Après ce rapport, ce serait une erreur d'exclure la possibilité d'une légère récession", note John Lonski de l'agence de notation Moody's. L'économiste souligne qu'une grande partie de la hausse du chômage s'explique sans doute par le retour sur le marché du travail de personnes qui avaient abandonné toute recherche -- comme des retraités par exemple. "Ils reviennent parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, parce qu'ils ont des problèmes à joindre les deux bouts avec la hausse des prix de l'énergie", estime-t-il.Comme pour étayer son propos, les cours du pétrole ont pris 12 dollars en 24 heures. La flambée vient aggraver les difficultés des ménages qui doivent déjà faire face à une crise de l'immobilier qui menace de contaminer le reste de l'économie. Cette menace transparaît clairement dans le détail du rapport: comme on pouvait s'y attendre, le secteur de la construction a licencié (-34.000) ainsi que l'industrie (-26.000). Mais cela a aussi été le cas dans la distribution (-27.000 emplois) et les services aux entreprises (-39.000). "La consommation risque d'être atone, même avec l'arrivée des chèques de remise d'impôt", envoyés aux ménages dans le cadre d'un plan gouvernemental de relance, estime M. Lonski.Et cela n'échappera ni aux politiques, ni à la banque centrale. "Les implications politiques sont importantes, surtout en année électorale", a fait valoir Stephen Gallagher de la Société Générale. Les deux candidats à la présidentielle de novembre ont aussitôt réagi en apportant leurs ébauches de solution. Pour le démocrate Barack Obama, ce rapport "profondément troublant" signe "l'échec des politiques Bush" et il appelle des baisses d'impôts pour les classes moyennes ainsi que la mise en place de systèmes d'assurance santé et d'éducation qui ne soient pas hors de prix. Pour le républicain John McCain, il faut des baisses d'impôts immédiates, une aide aux familles menacées d'éviction de leur logement et une hausse des investissements dans l'innovation. Dans ce contexte, la banque centrale va sans doute prudemment observer le statu quo sur son taux directeur, fixé à 2% actuellement. "L'économie est trop fragile pour relever les taux avant 2009", estime Nigel Gault du cabinet Global Insight.