Le Congrès mondial du pétrole de Madrid s'est ouvert formellement dimanche soir à l'occasion d'un dîner inaugural, cependant les travaux n'ont réellement commencé qu'hier matin. Au menu des 3 000 délégués à ce rendez-vous figurent les thèmes brûlants de la sécurisation des approvisionnements mondiaux, l'équilibre entre l'offre et la demande, la délicate évaluation des réserves, le rôle du raffinage dans l'envolée des prix. La place de la spéculation, qui n'était pas inscrite à l'ordre du jour, s'est néanmoins invitée dans les débats. Pour rappel, ce thème avait été au cœur des discussions de la réunion de Djeddah dimanche dernier, une tentative de l'Arabie saoudite de rapprocher producteurs et consommateurs mais qui n'a accouché que d'un chapelet de mesures techniques sans effet sur les prix. Les prix du baril ont plus que doublé en un an et volent de records en records depuis le début de l'année. Après avoir franchi pour la première fois jeudi soir le cap symbolique des 140 dollars, ils ont atteint 143,91 dollars à Londres et 143,67 dollars à New York hier. Les pays producteurs de pétrole affirment que la spéculation, ainsi que la faiblesse du dollar, sont les causes de cette envolée. Pour les pays consommateurs, les prix reflètent le fait que l'offre peine à suivre l'essor de la demande. Le fait nouveau à Madrid est que les présidents de plusieurs majors pétrolières se sont alignés sur les thèses des pays consommateurs qui soutiennent que la spéculation n'était pas en cause dans l'envolée des prix du baril. "Je ne pense pas que nous puissions accuser les spéculateurs", a déclaré le président de l'anglo-néerlandais Royal Dutch Shell, Jeroen van der Veer, lors de la première journée du 19e Congrès mondial du pétrole. Le président du britannique BP, Tony Hayward, a qualifié de "mythe" la responsabilité des spéculateurs, estimant que "c'est un problème d'offre et de demande, ce n'est pas la spéculation". Le président du groupe hispano-argentin Repsol YPF, Antoni Brufau a abondé dans ce sens, affirmant que "les marchés financiers recherchent avant tout des opportunités". Les majors pétrolières rejoignent donc le camp des pays consommateurs dans le débat qui les oppose aux producteurs. Pour les présidents de ces compagnies pétrolières, toutes domiciliées chez des pays consommateurs, l'envolée s'explique avant tout par l'essor sans précédent de la demande, notamment chez les géants émergents, la Chine et l'Inde, qui a réduit comme une peau de chagrin l'écart entre l'offre et la demande. Jeroen van der Veer a estimé que la flambée des prix avait des racines "psychologiques" liées à "des anticipations de tensions entre l'offre et la demande dans le futur". Les patrons de ces majors ont, toutefois, démenti l'idée que la hausse des prix aurait des causes géologiques liées à l'épuisement de la ressource. "Les problèmes se situent au-dessus du sol, pas en-dessous", a soutenu M. Hayward. "Le monde a 40 ans de réserves prouvées de pétrole, 60 de gaz naturel et 130 de charbon", a-t-il déclaré.