Entamant la 9e journée du procès de la caisse principale de Khalifa Bank, la présidente, Mme Brahimi, a consacré l'audience d'hier matin à l'interrogatoire d'un nouvel accusé. Il s'agit de Abdelhafid Chachoua, qui a occupé le poste de directeur de l'unité de sécurité au sein du groupe Khalifa. Abdelhafidh Chachoua est poursuivi pour les chefs d'accusation de "constitution d'une association de malfaiteurs, vols répétés, fraude et escroquerie, abus de confiance et falsification de documents bancaires". Selon l'arrêt de renvoi, d'autres membres de sa famille sont impliqués dans l'affaire, notamment son père, qui est également accusé, et sa sœur appelée comme témoin. L'accusé indiquera qu'il était un agent de police, enquêteur et inspecteur par la suite au niveau de Staouéli, avant de déposer sa démission au mois d'octobre 2000 pour rejoindre le groupe Khalifa en tant que responsable de la direction de la sécurité, laquelle était chargée de convoyer des fonds. L'accusé dira qu'il percevait un salaire mensuel de l'ordre de 100 000 dinars. Il faut noter que cette direction employait pas moins de 900 agents sur le territoire national, dont 300 éléments pour la seule région d'Alger. Il en reste néanmoins que celle-ci activait sans agrément préalable du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Interrogée par la présidente à ce sujet, l'accusé répond : "J'ai rédigé une demande que j'ai déposée auprès du ministère de l'Intérieur, j'ai attendu trois mois après la date du dépôt et je n'ai pas eu de réponse donc j'ai décidé de monter cette direction" la présidente demande : "est-ce que pour vous ne pas avoir de réponse veut dire que la demande a été accepté ?", "oui" répond l'accusé sans hésitation. Et le comble dans l'affaire c'est que l'ensemble des employés ne détenait pas d'armes pour assurer la sécurité, mise à part le directeur ; autrement dit, cette direction censée assurer la sécurité de l'argent et des employés œuvrait avec seulement une seule arme, celle de Abdelhafid Chachoua qui l'a obtenu non pas dans le cadre de la création de la direction, chose qui est impossible faute d'agrément, mais il l'a obtenue des services de sécurité pour sa sécurité personnelle parce qu'il habitait une zone menacée par le terrorisme. De plus, la direction s'était dotée de véhicules blindés pour le transfert de l'argent. La direction a pu activer dès la fin 2000 jusqu'au moment de la liquidation de la banque et personne, pas même les autorités concernées, ne s'est douté que cet organisme œuvrait au mépris de la loi. La juge s'est interrogée : "Comment des milliards circulaient comme cela, sans protection armée ?" L'accusé a estimé, en réponse, qu'à la création d'El Khalifa Bank "la situation sécuritaire en Algérie s'était améliorée et que les agences bancaires étaient situées dans des endroits qui n'étaient pas dangereux". "Dans l'hypothèse où les convoyeurs de fonds étaient attaqués ils ne pouvaient même pas se défendre. Vous et le P-DG de la banque, Rafik Khalifa, assumiez la responsabilité de la sécurité de ces agents", a insisté la juge. Abdelhafid Chachoua a révélé que le P-DG l'appelait souvent dans son bureau pour le charger d'aller chercher des sommes d'agent chez Youcef Akli, responsable de la caisse principale. Il a également précisé qu'il n'allait jamais prendre l'argent lui-même, mais déléguait son subordonné, Abdelouahab Dellal, qui "allait à la caisse principale et prenait l'argent, mis dans des sacs cadenassés". Entendu comme accusé, mardi, ce dernier avait affirmé qu'il ne faisait qu'obéir aux ordres de son supérieur hiérarchique. "Akli me donnait des sacs d'argent cadenassés et une enveloppe scellée qui contenait les clés. Je les remettais à Abdelhafid Chachoua, c'était là où s'arrêtais mon travail", a dit Abdelouahab Dellal. Le directeur de la sécurité a, en outre, précisé que les sommes d'argent qu'"il faisait venir, sur ordre du P-DG", variaient de 1 à 10 millions de dinars, ajoutant qu'il avait transporté, fin 2001, 2,5 millions de dinars de l'agence de Khalifa Bank à El-Harrach. "J'ai conduit, par voiture, Rafik Khalifa à cette agence. Il m'a donné un bout de papier que j'ai remis à mon tour au directeur de l'agence après 10 minutes, ce dernier est revenu avec des agents qui portaient un sac qu'on a mis dans le coffre de la voiture. Nous sommes alors rentrés au siège de la direction de la banque", a-t-il dit. La juge, dans l'intention de préciser la nature de la relation entre lui et son P-DG, a demandé à Abdelhafid Chachoua des explications sur les raisons de ses voyages à l'étranger. Elle lui montre des photos en lui disant : "Vous êtes assis, côte à côte, avec Rafik Khalifa dans une soirée à l'étranger". L'accusé répond : "Khalifa avait un garde du corps personnel, Rédha Abdelouahab, mais il voulait renforcer sa sécurité. Nous avons aussi un lien de parenté : sa mère était une parente de mon père qui connaissait aussi le sien du temps de la guerre de libération". "Est-ce que vous vous êtes déplacé à l'étranger en compagnie de Abdelmoumen Khalifa et en quelle qualité ?" interrogea la présidente "oui je me suis rendu avec lui à Bamako, deux fois aux USA, en Arabie Saoudite, à Dubaï et trois fois en France plus précisément à Cannes, parce que c'est lui qui me le demandait" répond l'accusé et la présidente ajoute "probablement pas pour sa sécurité, puisque vous n'étiez pas en possession de votre arme, lors des déplacements à l'étranger, en plus Abdelwaheb Réda, qui lui aussi chargé de sa sécurité, l'accompagnait lors de ses déplacements". "Oui" répond-il "je ne pouvais pas emporter mon arme parce que c'est interdit et je pense que Abdelmoumen voulait renforcer sa sécurité, c'est pour cette raison, que je l'accompagnait". La présidente a ensuite demandé à l'accusé de fournir des précisions sur les sponsorings dont a bénéficié l'équipe de football l'USM Blida. L'accusé précise "à cette époque, cette équipe devait se rendre à Tlemcen pour jouer, et le Président du club que je connaissais m'a demandé de lui régler les détails de ce déplacement. Abdelmoumen a accepté de résoudre le problème du transfert de l'équipe". Sur ce point, l'accusé a précisé que "j'ai dû rencontrer une seule fois Belloumi" alors que la présidente lui a rappelé que Belloumi avait déjà affirmé, qu'il rencontrait quotidiennement Abdelhafid Chachoua, chose que ce dernier a tenu à nier pour des raisons qui n'ont pas été divulguées par l'accusé. Dans l'après-midi, l'audience a été marquée par la poursuite de l'interrogatoire de l'accusé ainsi que de l'audition du président de l'USM Blida comme témoin. La juge entamera donc l'audience en interrogeant l'accusé sur les 11 EES (écritures entre sièges). Celui-ci indiquera que lorsque la Banque d'Algérie a décidé d'arrêter les opérations de commerce extérieur, plusieurs clients, qui ont été informés de cette décision par les médias, se sont rués sur les agences de Khalifa Bank pour retirer leurs avoirs. C'est ainsi que lui-même a été contacté par le SG de la banque "pour renforcer la sécurité des agences". Aussi, il a lui-même appelé le caissier principal, M. Akli Youcef, lequel a été reçu par Krim Smaïl et lui poser le problème. Sur ce, Krim Smaïl a ordonné à Akli Youcef de régulariser la situation de la caisse principale grâce aux EES et en débitant sur le compte N°08, c'est-à-dire sur la comptabilité générale de la banque. La juge a ensuite interrogé l'accusé sur les villas qu'il a acquises à Chéraga et à Zéralda. Celui-ci affirmera avoir eu un prêt de la part de son père, lequel possédait des terrains, fait, que la juge réfutera en l'absence de documents soutenant ces allégations. C'était ensuite au tour du procureur général d'interroger l'accusé sur le financement de son mariage à l'hôtel Aurassi. Celui-ci répondra que c'est Khalifa qui l'a payé et a coûté 1 million de dinars que Moumène a retiré de la caisse principale. Et au procureur de poursuivre son interrogatoire, à propos d'un document, qui évoquait le financement d'un film qui devait coûter 385 000 USD. L'accusé dira à ce propos que le document en question appartenait à Moumène Khalifa et qu'il l'avait oublié dans sa voiture et qu'il ignorait tout, à propos de ce film. C'était ensuite au tour du président de l'USMB, M. Mohamed Zaïm de venir témoigner. Celui-ci indiquera que son club a signé une convention de sponsoring en 2000 avec le groupe Khalifa, laquelle a duré 3 ans, et a coûté au groupe 3 à 4 milliards. Il dira que le transport, les voyages et les tenues étaient payés par le groupe ainsi que 50% des billets d'avion utilisés par le club étaient assurés par le groupe Khalifa. Il dira que les joueurs recevaient des salaires allant de 200 000 à 500 000 DA avec des primes de signature allant de 300 000 à 500 000 DA. Il a également indiqué que le club possédait un compte dans l'agence Khalifa de Blida par lequel transitaient les financements au club et qu'il retirait à chaque début de saison. La défense a interrogé le témoin sur la possibilité que celui-ci a eu pour bénéficier d'un crédit de la part de Khalifa Bank en sa qualité d'entrepreneur. Question que la juge a rejeté en affirmant que M. Zaïm s'est présenté en tant que témoin et il en sera ainsi. Néanmoins, M. Zaïm a tenu à répondre en disant qu'il n'a bénéficié d'aucun crédit, ni en tant que président de club, ni en tant qu'entrepreneur.