Michel Juvet, membre de la direction de la banque Bordier & Cie, à Genève, estime que la crise financière internationale actuelle ne débouchera pas sur un Bretton Woods II. Dans entretien accordé à l'hebdomadaire de la finance africaine "Les Afriques” , celui-ci estime que le monde est confronté aujourd'hui à deux problèmes : le premier touche à la prise de risque bancaire qui peut aller jusqu'à mettre en péril l'ensemble d'un système économique. Le deuxième concerne la flexibilité des taux de change, qui semblait être une bonne solution, mais qui, dans chaque crise, engendre d'énormes problèmes, en particulier dans les pays émergents sensibles aux flux de capitaux. Pour M. Juvet, le premier problème devrait être réglé par la Banque des règlements internationaux car cette dernière a les moyens de mettre en place, en harmonie avec les banques centrales de tous les pays membres, de nouvelles règles sur les ratios de fonds propres plus raisonnables que les règles actuelles. D'ailleurs, toutes les banques centrales, qui ont énormément pris de risques dans cette crise, ont désormais, selon la formule "qui paye, décide", le pouvoir d'imposer leurs vues, sans posture politique. Il trouvera néanmoins qu'il est dommageable de ne pas recourir à cette institution ainsi qu'au Forum de stabilité financière lors du débat sur la réforme du système financier international. Il considérera aussi, que le FMI est bien positionné pour réfléchir à la pertinence des taux de change flottants, mais il ne s'agit pas ici de vraiment réguler. Il dira aussi craindre que l'aversion envers les banques et le système actuel ne débouche sur des règles trop contraignantes quant aux flux de capitaux, car ces mesures "protectionnistes" pourraient s'avérer le pendant financier des mesures commerciales protectionnistes américaines prises dans les années 30, qui avaient transformé la récession en dépression économique. Pour ce qui est de l'Afrique, M. Juvet estime que même si le continent noir peut paraître isolé, parce qu'il a moins profité des flux que l'Asie et qu'il est moins sensible aujourd'hui aux retraits de capitaux, cela signifie malgré tout qu'il va rencontrer de grosses difficultés pour attirer les capitaux dont il a besoin. Il estime également que la croissance africaine ne sera pas suffisante pour attirer les investisseurs. Il dira craindre que "dans ces conditions certains pays africains ne soient tentés, pour obtenir des devises, de vendre leurs réserves, en matières premières agricoles ou non, sous une forme moderne de colonisation qui s'appelle concession ".