Le Parti pour la justice et le développement (AKP) du Premier ministre Tayyip Erdogan a remporté les élections locales dimanche en Turquie, mais sans victoire éclatante. Le scrutin, qui vise à renouveler les conseils municipaux et régionaux, était considéré comme un test de popularité pour le parti au pouvoir depuis 2002, dans un contexte de chômage record et de crise économique. C'est la première fois que le Parti de la justice et du développement enregistre un recul depuis 2002.Après dépouillement de 80% des bulletins de vote, l'AKP remporte 39% des voix dans les assemblées provinciales. Mais il a fait moins bien qu'aux élections municipales de 2004 (41,7%) et surtout qu'aux législatives de 2007 (46,6%). Dans le même temps, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force d'opposition au parlement, a remporté 23,2% des votes et reconquis un de ses bastions, Antalya (sud), tandis que le Parti de l'action nationaliste (MHP, nationaliste) s'arrogeait 16,1% des suffrages. L'AKP n'a pu remporter la ville de Diyarbakir, la plus importante du Sud-Est, à majorité kurde, ainsi que plusieurs autres villes importantes, dont Izmir. L'opposition laïque du CHP a gagné du terrain avec 23% des suffrages. Elle a pu faire une percée à Istanbul et dans la capitale Ankara. "C'est un message du peuple et nous en tirerons les leçons nécessaires. Un remaniement ministériel est possible bien que pas nécessairement lié aux résultats des élections", a déclaré un Tayyip Erdogan visiblement abattu lors d'une conférence de presse au siège du parti. Pour le journal à grand tirage Sabah, le résultat des élections est un "effet de la crise" économique mondiale, qui s'est traduite en Turquie par une augmentation massive du chômage -- 3,27 millions de chômeurs fin 2008 (13,6% de la population active), soit 838.000 de plus qu'un an plus tôt. Dans le quotidien libéral Milliyet, l'éditorialiste Fikret Bila a attiré l'attention sur l'échec de l'AKP dans le sud-est anatolien, peuplé en majorité de Kurdes, où malgré tous ses efforts, le parti gouvernemental n'a pris aucune ville au parti pro-kurde DTP et lui en a même cédé deux (Van et Siirt). "Dans la région, le soutien aux politiques du DTP axées sur l'identité kurde s'est accru au lieu de se réduire" en dépit des avancées du gouvernement en matière de droits culturels accordés aux Kurdes, constate-t-il.Au final, les élections de dimanche ont traduit "la fin d'une époque", estimait dans le journal populaire Vatan, l'analyste politique Rusen Cakir. Dans un entretien publié vendredi, le Premier ministre avait indiqué qu'il considérerait avoir essuyé un échec si son parti remportait lors des scrutins régionaux moins que les 47% remportés aux législatives de 2007.La consultation de dimanche a été émaillée par des violences qui ont fait cinq morts et près d'une centaine de blessés, principalement dans le Sud-Est à dominante kurde. Le taux de chômage atteint 13,6% en Turquie et le pays, après plusieurs années de croissance, devrait entrer en récession cette année. L'AKP a été critiqué par les responsables d'entreprises pour avoir été trop lent à réagir quand l'économie mondiale a commencé à ralentir.Toutefois, les résultats turcs offrent un contraste saisissant avec ce qui se passe en Europe de l'Est où plusieurs gouvernements ont été balayés avec la crise économique. R.I.