La baisse du prix des céréales pourrait laisser croire que la situation alimentaire s'améliore dans le monde mais le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation ne cesse de croître, déclare l'Onu. "Le niveau des prix est toujours de 19% supérieur à celui de la moyenne de 2006 (...), donc nous devons toujours parler de prix élevés", a dit Jacques Diouf, directeur général de la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation, lors d'une conférence à Bangkok. En outre, les récentes études de la FAO montrent que si les prix des céréales ont baissé sur les marchés, ces baisses n'ont pas été répercutées à la vente dans la plupart des pays en voie de développement. Non seulement la crise est là mais elle est encore aggravée par la crise économique et financière", a dit Diouf. Les réserves de céréales sont à un plus bas depuis trente ans et la situation est "très fragile", a-t-il souligné. "Nous craignons qu'en cas de sérieux problèmes climatiques qui affecteraient la production, nous ne revenions à la situation de 2007. On a déjà de graves inondations en Amérique du Nord et dans le sud de l'Afrique." La FAO, dont le siège est à Rome, estime que plus d'un milliard de personnes vont souffrir de sous-alimentation cette année. Fin 2008, elles étaient 963 millions. Jacques Diouf a souligné la nécessité d'investir dans la production agricole pour combattre la faim, ce qui exige, selon lui, 30 milliards de dollars par an afin de venir en aide à 500 millions de petits producteurs à travers le monde. Cela risque de s'aggraver avec l'OMC. Ainsi nombreux sont ceux qui considèrent que l'aboutissement du cycle de Doha et une libéralisation non régulée de l'agriculture aboutiraient lors des quinze prochaines années à une chute brutale du chiffre d'affaires des agriculteurs des pays les plus pauvres (-60%), à une baisse durable dans les pays émergents importateurs (Chine et Inde -30% à 40% et à une érosion tendancielle pour les pays développés (avec des creux sur plusieurs années à-30%). Seuls les pays émergents exportateurs comme le Brésil tireraient leur épingle du jeu. Le résultat ? Un bouleversement de l'équilibre mondial avec pour signe majeur l'appauvrissement, voire la disparition des économies agricoles dans les pays à plus forte croissance démographique. L'Europe et les Etats-Unis, connaîtraient également des pertes d'emplois massives dans l'agriculture et l'agroalimentaire. La sécurité alimentaire de l'Europe serait alors remise en cause. Ils considèrent ainsi que sans mise en oeuvre d'une régulation mondiale pour éviter les effets déstabilisateurs voire dévastateurs de la volatilité des prix, un accord à l'OMC dans le domaine agricole serait à l'origine d'une crise alimentaire autrement plus dangereuse que la crise financière actuelle. Dès lors, les gouvernements seraient obligés de recourir à des mesures protectionnistes pour assurer leur mission première : la sécurité alimentaire de leurs peuples. D.T.