Le cours du baril de pétrole brut léger américain a franchi le seuil des 70 dollars hier, quelques instants après la publication des statistiques mensuelles de l'emploi aux Etats-Unis, marquées par des suppressions de postes nettement inférieures aux attentes. A 14h40 GMT, le contrat à terme d'échéance juillet sur le brut léger se traitait à 70,00 dollars, en hausse de 1,19 dollar, soit 1,71%, après être brièvement monté à 70,32 dollars. L'économie américaine a détruit en mai beaucoup moins d'emplois que les mois précédents et moins que prévu par les économistes, mais le taux de chômage a fait un bond inquiétant, selon les chiffres publiés vendredi par le département du Travail. Très attendu, cet indicateur a galvanisé le marché pétrolier, emmenant les cours du pétrole à 70,32 dollars à New York, un plus haut depuis le 4 novembre. A Londres, le prix du Brent de la mer du Nord s'est envolé à 69,91 dollars. Au cours des dernières séances, un nouvel état d'esprit s'est installé sur le marché : les investisseurs parient que la reprise économique va relancer la demande et éponger les surplus, le spectre de pénuries d'énergie pouvant ressurgir d'ici à deux ans. Les chiffres de l'emploi US ont conforté chez les investisseurs l'espoir que la reprise est en vue. "Avec le soutien d'un modeste affaiblissement du dollar et d'une timide progression des Bourses d'actions, le pétrole a réussi à effacer entièrement (jeudi) ses lourdes pertes de la veille (mercredi). C'est la preuve éclatante qu'un nouvel optimisme règne sur les marchés de l'énergie", s'est exclamé Marius Paun, analyste chez ODL Securities. Reflétant ce nouvel état d'esprit, la banque américaine Goldman Sachs a révisé jeudi ses pronostics de prix. Elle table sur un baril à 85 dollars d'ici à la fin de l'année et de 75 dollars en moyenne pour les trois mois à venir. Ses analystes font autorité pour avoir annoncé les premiers, dès 2005, un baril au dessus de 100 dollars, une prédiction réalisée moins de trois ans plus tard. Cette note de recherche semble avoir convaincu les investisseurs qui en doutaient encore que la page de l'hiver dernier --quand les cours s'étaient écroulés jusqu'à 32,60 dollars-- est tournée pour de bon et qu'avec la reprise économique, les cours du brut ne vont plus cesser de s'apprécier. Pour un horizon plus lointain (fin 2010), les analystes de Goldman Sachs ont même évoqué le spectre de pénuries d'énergie, une hantise qui avait fortement contribué à la flambée des cours du brut un an plus tôt, jusqu'à 147,50 dollars en juillet. "De nouveaux acheteurs sont entrés sur le marché jeudi, profitant de la baisse des prix de mercredi et confortés par le pronostic de prix émis par Goldman Sachs pour la fin de l'année", a ainsi observé Andrey Kryuchenkov, analyste chez VTB Capital. Les cours du brut, qui avaient plongé jusqu'à 32,60 dollars en décembre, ont plus que doublé en six mois. Le mois de mai a été particulièrement joli: le pétrole a gagné pas moins de 15 dollars sur cette période, soit un tiers de sa valeur. L'Opep a réaffirmé très clairement lors de sa dernière réunion à Vienne, le 28 mai, qu'elle souhaitait un baril à 75 dollars pour continuer à investir. Jeudi, son secrétaire général a répété qu'il avait bon espoir que cette cible de prix soit atteinte d'ici la fin de l'année. A la vitesse où le pétrole carbure depuis quatre semaines, ses voeux pourraient donc être exaucés beaucoup plus tôt. S.G