Marseille, la ville française qui dans les mémoires est perçue comme la contrée la plus proche et la plus intime d'Alger, est l'hôte depuis jeudi dernier de " Cinéma (s) d'Algérie ", un rendez-vous exceptionnel puisque rendant visible toute la production cinématographique algérienne depuis 62 à nos jours. La fête qui est initiée par l'association Aflam dure un mois. Elle mettra en scène un panorama du 7e art sur la production filmique nationale, à travers une vingtaine de longs métrages et autant de documentaires reflétant les œuvres-cultes qui ont fait l'âge d'or du cinéma algérien. Signés ici et ailleurs par des réalisateurs de chez nous, les films qui seront vus évoquent des époques, des positions politiques toujours en phase avec les directives du pouvoir, ou alors de simples paysages pas très engageants. Celui qui a ouvert le bal de cette fête du cinéma avec son documentaire " Vivre et écrire en Algérie " s'appelle Dominique Rabourdin. L'œuvre a été suivie de deux courts métrages de deux jeunes réalisateurs "Houria" de Mohamed Yaroui et "Les baies d'Alger" de Hassan Ferhani. Créée en 2000, avec le souci de donner une visibilité et un espace à des cinématographies du monde arabe et de la diaspora, peu connues à Marseille et en région, Aflam organise régulièrement des événements, des projections spéciales et des cycles par pays. Après la Tunisie (2005), la Syrie (2006) le Maroc (2007) et la Palestine (2008), c'est au tour de l'Algérie de bénéficier d'un coup de projecteur. De la décennie 60, " L'Aube des damnés " et " L'Opium et le bâton " d'Ahmed Rachedi (en présence de René Vautier), " Hassan Terro " de Mohamed Lakhdar Hamina et " Les Hors la loi " de Tewfik Farès, témoignent de la résistance à la colonisation et de la guerre d'indépendance. Des années 70 marquées par la campagne pour la réforme agraire, où nombre de cinéastes se pencheront sur le monde rural, il sera possible de voir ou revoir, " Noua " de Abdelaziz Tolbi. Au début des années 70 ensuite, l'inclassable " Tahia ya Didou " de Mohamed Zinet ouvre la voie à " Omar Gatlato " de Merzak Allouache qui plante sa caméra dans son quartier de Bab el-Oued. Tourné dans le tumulte de la guerre civile libanaise, " Nahla " de Farouk Beloufa clôt une décennie de grands espoirs pour le cinéma algérien. Mais le cinéma reste totalement tributaire de la manne de l'Etat, lui-même lourdement endetté. Réalisés au tournant des années 80 et plus rarement montrés, " Combien je vous aime " de Azzeddine Meddour interroge les archives de la colonisation, pendant que " Les enfants du vent " de Brahim Tsaki observe avec tendresse les jeux de l'enfance dans un village algérien. A leur suite, les programmateurs ont retenu " Les Sacrifiés " d'Okacha Touita, " La Rose des sables " et Touchia de Rachid Benhadj, " La Citadelle " et " L'Arche du désert " de Mohamed Chouikh, " Bab el-Oued City " de Merzak Allouache, " La Colline oubliée " de Abderrahmane Bouguermouh et La Montagne de Baya de Azzeddine Meddour. A la fin de la décennie 90, de réorganisations en restructurations, les trois entreprises de l'audiovisuel public, à l'exception de la télévision, ont tout simplement été dissoutes. Plus près de nous, " Le Harem de Mme Osmane " de Nadir Moknèche, " Beur, blanc, rouge " de Mahmoud Zemmouri, " Bled Number One " et " Dernier maquis " de Rabah Ameur Zaimeche, " Mascarades " de Lyes Salem, " Inland " de Tariq Teguia et " Harragas " de Merzak Allouache, tous d'initiatives française ou européenne, viennent compléter un programme de projections et de rencontres, en particulier lors des séances du soir généralement suivies de débats en présence de réalisateurs, d'acteurs et de producteurs. "Cinéma(s) d'Algérie" propose enfin des documentaires, " Franz Fanon, mémoire d'asile " de Abdenour Zahzah, " Mémoire du 8 mai 1945 " de Mariem Hamidat et " La Chine est encore loin " de Malek Bensmail. Outre des séances scolaires et jeune public, la manifestation "Cinéma(s) d'Algérie" accueille également une exposition de photographies, des concerts, ainsi que des rencontres littéraires (Maïssa Bey, le 18/11) et des tables rondes, organisés en partenariat avec d'autres acteurs culturels de la ville de Marseille. Un vrai moment de partage ! Rachida Couri