La courbe exponentielle du marché spot de l'uranium est impressionnante : la livre valait moins de 40 dollars au début de l'année dernière, elle est estimée aujourd'hui à 95 dollars. Pour mémoire, elle en valait 7 au début des années 2000. Est-ce un sommet pour le combustible de l'énergie nucléaire ? Pas encore, estiment la plupart des analystes; selon la dernière étude australienne publiée hier sur ce thème, les prix grimperont en 2007 jusqu'à 125 dollars, une progression qui se poursuivra en 2008. Le contexte général de cette hausse est connu : avec la flambée du brut et la chasse au CO2, l'énergie nucléaire a trouvé un second souffle que l'industrie minière ne couvre qu'à 60% - sans le recyclage des ogives soviétiques, la pénurie serait sévère. Cette source d'approvisionnement étant en cours d'épuisement, l'ouverture de nouvelles mines est urgente. Or, si la renaissance du nucléaire est un mouvement ample, il est aussi très lent, il faut des années pour construire une centrale, et peut-être encore plus pour ouvrir une mine. L'Australie, l'un des principaux producteurs avec le Canada, limite encore l'exploitation de l'uranium à trois mines. Cette loi devrait être très prochainement abrogée, les investisseurs n'attendent que ça, plus d'une vingtaine de sites potentiels sont répertoriés pour améliorer l'offre australienne. Par ailleurs, au Canada, les inondations intervenues à la fin de l'année dernière retardent la mise en route de la mine de Cigar Lake, ce qui a vraisemblablement pesé sur le marché spot. On dénombre plus de 250 compagnies juniors dans ce secteur, dans les deux pays cités mais aussi en Namibie, au Kazakhstan, des pays prometteurs en termes de réserves de minerai. Le résultat de cette intense activité devrait permettre au marché de retrouver l'équilibre en 2008, mais pas pour très longtemps : quand les 50 centrales en cours de construction entreront en activité, dans cinq ans, le marché sera à nouveau très tendu car il faut une fois et demie plus d'uranium pour une première charge de réacteur que pour le renouvellement du combustible. Tous ces indicateurs de surchauffe ont tendance à masquer les rares paramètres baissiers : d'une part les réacteurs de première génération qu'on trouve en Bulgarie ou dans l'ancienne zone d'influence soviétique pourraient fermer, cela réduirait d'autant la demande, d'autre part le recyclage du nucléaire militaire russe pourrait durer encore une bonne décennie. Si les Russes décident de prolonger leurs livraisons aux Américains au delà de 2013, comme le prévoit le contrat, cela réduirait sensiblement la pression sur l'offre.