D'aucuns estiment que l'Algérie, de par l'importance de ses réserves en gaz, détient des atouts importants de nature à autoriser une influence dans le débat qui agite ces temps-ci le secteur. La création d'un cartel du gaz sur le modèle de l'Opep fait partie des contingences du moment. Cette entité verrait le jour afin de fixer des quotas de production et une grille de prix internationale. Le groupe inclurait la Russie, l'Iran, le Qatar, le Venezuela et l'Algérie, qui détiennent collectivement 70% des réserves mondiales prouvées. Le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khellil, a affirmé à la mi-mars, que l'éventuelle création d'un cartel du gaz figurerait à l'ordre du jour de la réunion des pays producteurs de gaz, le 9 avril à Doha. Une telle organisation pourrait être créée si le projet suscitait suffisamment d'intérêt, a-t-il dit. Le même ministre a confirmé récemment la possibilité d'un accord à Doha pour la création d'un comité d'étude du projet, tout en accusant les consommateurs d'avoir soulevé la polémique autour du consortium du gaz des producteurs. Il semble que cette perspective, si elle venait à se concrétiser, n'inquiète pas outre mesure l'Union européenne si l'on se fie aux déclarations de son ambassadeur faites, hier à Alger, selon lesquelles l'UE n'appréhende pas cette éventualité. Pourtant le 21 mars dernier, Ferran Tarradellas Espuny, porte-parole du commissaire européen à l'énergie Andris Piebalgs, a déclaré que la meilleure solution était d'échanger les produits comme le gaz dans le cadre d'un marché libre et ouvert. "Un cartel ne servirait à rien" a-t-il dit. "Il en découlerait des conséquences négatives pour l'offre du gaz dans le monde entier. Si un cartel devait être créé, il nous faudrait réagir". C'est dire que la position de l'Algérie peut peser dans le débat qui commence à enfler. Et pour cause ! Elle dispose de la 8e plus grande réserve de gaz naturel. Elle fournit au vieux continent 10% de ses besoins gaziers. Ce chiffre est amené à augmenter à hauteur de 15-20% au cours des prochaines années, pour répondre aux besoins de consommation des pays de l'UE suite au déploiement de gazoducs. Ce déploiement inclut notamment la construction d'un second gazoduc reliant l'Algérie à l'Italie, et débouchant sur l'île de Sardaigne. D'un coût de 2 milliards d'euros, il permettra d'acheminer 8 milliards de m3 de gaz algérien à l'Italie d'ici 2011. Par ailleurs, un gazoduc de 790 millions de dollars devrait ouvrir ses vannes en 2009 pour subvenir aux besoins espagnols. Un troisième projet est toujours en cours d'étude. L'Algérie entend par ailleurs jouer un plus grand rôle dans la vente et la distribution de gaz en Europe, au lieu d'être restreint au rôle de simple fournisseur aux sociétés locales. A la fin de l'année dernière, Sonatrach a signé une série d'accords avec cinq entreprises italiennes, aux termes desquels seront livrés un volume de 6 milliards de m3/an, acheminés via le nouveau gazoduc Algérie-Sardaigne (Galsi), tandis que les 2 milliards de m3 de quantité additionnelle seront livrés directement en Italie à travers une filiale du groupe algérien. Ces atouts confèrent, à l'Algérie, une stature qui lui permet de déterminer la trajectoire du débat. C'est dire, qu'à la réunion de Doha, la voix de l'Algérie sera parmi celles qui compteront et influera dans un sens ou un autre dans la tendance. La Russie, toujours à la recherche d'une gloriole perdue, ne sera pas moins enchantée par la création d'une Opep du gaz qu'elle utilisera comme un levier d'influence dans les grandes questions géostratégiques, un peu pour faire contrepoids avec l'ogre américain. L'Iran n'en aura pas moins besoin.