Docteur Abderrahmane MEBTOUL (1) Et selon l'influent quotidien économique espagnol, l'Expansión, en date du 24 mai 2010, l'Espagne demanderait à l'Algérie une révision à la baisse du prix du gaz et paradoxe, c'est l'Algérie qui demandait dans un récent passé un relèvement des prix de cession du gaz à l'Espagne et à Gaz de France, remettant en cause le prix de cession du gazoduc Medgaz,, exploité par un consortium composé des groupes espagnols Endesa (12%), Iberdola (20%), Cepsa (20%), du français GDF Suez (12%) et de Sonatrach (36%). Cela peut par ricochet se répercuter également sur le prix du gazoduc Galsi( Europe via Italie), puisque le projet Nigal dans ces conditions ne sera plus rentable devant relier le Nigeria à l'Europe- via l'Algérie , d' une capacité de 20 à 30 milliards de m3/an destinés en majorité au marché européen, où selon l'étude de faisabilité confiée à la société britannique Penspen/IPA le projet pour se matérialiser coûtera plus de 13 milliards de dollars contre une prévision au départ de 7 milliards de dollars ramené par la suite à 10 milliards de dollars qui au départ, sans compter la résolution de certains conflits frontaliers , qui devait permettre à l'Algérie de concurrencer Gazprom et la Norvège pour passer horizon 2015 de 10% actuellement à 15% pour l'approvisionnement de l'Europe. Et les contrats de l'Algérie avec la Turquie sont encore plus problématiques car dans la pratique des affaires il n' ya pas de sentiments Le groupe Sonatrach a annoncé qu'il négociait actuellement des contrats de livraison à long terme de GNL avec quelques pays asiatiques. Or pour le cas Asie , il s 'agit de prendre en compte la concurrence des pays d'Afrique et surtout de l'Iran qui avec les tensions géo-politiques a besoin de financement (plus de 15% des réserves mondiales) et surtout pour le GNL du Qatar qui avec des complexes d'une capacité presque du double à ceux de l'Algérie avec des entités privées, d'où d'ailleurs sa réticence à la réunion à Oran du 19/21 avril 2010 avec la Russie de refuser de réduire l'offre, donc d'importantes économies d' échelle et surtout le coût du transport, l'Algérie devant contourner toute la corniche d'Afrique pour arriver à l'Asie. L'Algérie a programmé d'importants investissements tant à travers les canalisations (Medgaz et Galsi) que la construction de deux GNL ( Skikda et Arzew ), les exportations devant tourner autour de 60% de GN et 40% de GNL horizon 2014/2015, et pour ces investissements, au départ, il était prévu que Sonatrach approvisionne la côte Est des Etats-Unis d'Amérique et l'Europe. Par ailleurs , le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL ( les USA risquant à l'horizon 2020 de devenir exportateur net de gaz, le Department of Energy ayant revu à la baisse sa prévisions de demande de GNL de plus de 60 % à l'horizon 2020; d'où le gel voire l'abandon de plusieurs projets de regazéification.) va modifier la donne au plan mondial -La mise sur le marché de capacités additionnelles de liquéfaction (57 Gm3) et de regazéification (260 Gm3) entre 2009 et 2013, ces surcapacités ne conduiront-ils pas à des taux d'utilisation très faibles des terminaux d'importation GNL avec comme résultat dans les prochaines années l'offre de GNL surpassant fortement la demande gazière globale, avec pour conséquence une pression accrue sur les prix , qui, selon Cedigaz ,dans son rapport de décembre 2009 devrait reculer , la mise sur le marché d'une offre disponible supérieure de 100 Gm3 ces deux dernières années, combinée à une forte réduction de la demande, rallongeant jusqu'à 2015-2016 la période actuelle de bulle gazière. Face à cette situation, et en plus par la prise en compte de l'entrée croissante dans le marché du gaz de nombreux pays en Afrique et en Amérique latine concernant le gaz conventionnel, sans compter les nombreux projets de canalisation à travers le monde notamment vers l'Asie et les Balkan. Se pose alors la question de la place de Sonatrach dans cet échiquier stratégique mondial et de la rentabilité des installations tant par canalisation que du gaz naturel liquéfié alors que la rentabilité du GN doit être environ de 8/9 dollars et celle du GNL entre 11 et 14 dollars. Et se pose cette question : va-t-on donc vers des renégociations à la baisse du prix de cession du gaz algérien avec l'Europe et cette nouvelle donne du gaz n'affaiblit-elle pas le pouvoir de négociations Algérie/ Europe qui constituait en fait un de ses atouts majeurs. IV- Dépasser la situation de l'entropie par une nouvelle gouvernance Pourquoi ce blocage à l'investissement utile en Algérie ? Après analyse je pense fermement que pour bénéficier des effets positifs de l'Accord avec l'Europe que d'une éventuelle adhésion à l'OMC,( sinon les effets pervers l'emporteront) qu'il faille faire d'abord le ménage au sein de l'économie algérienne et que ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacements des segments de pouvoir (les gagnants de demain n'étant pas ceux d'aujourd'hui) qui explique le manque de cohérence dans la politique économique et par voie de conséquence le dépérissement du tissu productif car il faut s'attaquer à l'essentiel et non au secondaire.. Toute analyse opérationnelle devra relier l'avancée ou le frein aux réformes en analysant les stratégies des différentes forces sociales en présence, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulé par les tenants de l'import (13.000 mais en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80% du total) et de la sphère informelle malheureusement dominante et la logique entrepreneuriale minoritaire. Cela explique que l'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché, ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l'avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et du cours du dollar, les réformes depuis 1986 étant bloquées ou timidement faites avec incohérence lorsque le cours s'élève. Cela explique également que malgré des dévaluations successives, il a été impossible de dynamiser les exportations hors hydrocarbures (2% du total), certes 50% dans le produit intérieur brut 2007/2008 mais sur ces 50% plus de 80% étant eux même tirés par la dépense publique via les hydrocarbures ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées (souvent endettées vis à des banques publiques) une part négligeable, le blocage étant d'ordre systémique. La baisse de la salarisation depuis plus de deux décennies au profit des emplois rentes traduit la prédominance de l'économie rentière et la faiblesse de la dynamique de l'entreprise créatrice de valeur ajoutée. Les infrastructures ne sont qu'un moyen, ayant absorbé près de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, avec des restes à réaliser de 130 milliards de dollars, restant au nouveau programme 2010/2014 156 milliards de dollars toujours avec plus de 70% consacrés aux infrastructures. Outre que le bilan n'as été fait pour analyser les surcoûts et les impacts, cette masse monétaire colossale déversée faute de capacité d'absorption, ne risque-elle pas comme par le passé d'entrainer une amplification de la corruption sans mécanismes de contrôle appropriés passant par la mise en place des institutions ? Or, l'expérience récente malheureuse de l'Espagne du fait de la crise actuelle, avec l'effritement de son économie (taux de chômage prévue en 2010 plus de 20%) qui a misé sur ce segment doit être méditée attentivement par les autorités algériennes.. Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait donc mette en place des mécanismes de régulation afin d'attirer des investisseurs porteurs, évitant des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs sérieux qu'ils soient locaux ou étrangers. Car, le cadre macro-économique relativement stabilisé est éphémère sans de profondes réformes structurelles qui ont commencé timidement comme en témoigne la faiblesse des exportations hors hydrocarbures (moins de 2/3% des exportations totales en 2007/2009). Au cours de la table ronde organisée par le quotidien El Moudjahid le 31 mai 2010, le directeur général de l'Algex, note que les exportations algériennes ont baissé significativement en 2009, cette décroissance serait de l'ordre de 40% à 50% qui concerne les produits hors hydrocarbure, passant de 1,9 milliard de dollars en 2008 à 1,3 milliard en 2009. Et même, si l'Europe ouvre son marché à l'Algérie, qu'exporterons-nous en dehors des hydrocarbures ? Les réformes de structures impliquent la refonte du système financier - douanier, fiscal - administration et une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis. Il ya urgence d'objectifs politiques plus précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence et une accélération de ce processus complexe mais combien déterminant pour l'avenir du pays. L'expérience de bon nombre de pays en transition vers l'économie de marché peut fournir des enseignements pour Algérie. Je pense fermement que l'essence du blocage de l'investissement réside en Algérie au système bureaucratique que je qualifie de terrorisme bureaucratique, qui produit d'ailleurs la sphère informelle fonctionnant dans un Etat de non droit qui accapare 40% de la masse monétaire en circulation renvoyant à l'urgence de la refonte de l'Etat, car le but du bureaucrate est de donner l'illusion d'un gouvernement même si l'administration fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire. Aussi, après analyse je pense qu'il faille faire d'abord le ménage au sein de l'économie algérienne. L'entrave principale au développement d'une bonne gouvernance en Algérie, provient de l'entropie (désordre). Le défi majeur, est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable. Et tout cela renvoie à l'urgence d'une gouvernance rénovée impliquant la refonte de l'Etat. Car, au XXIème siècle, les batailles économiques se remportent grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir impliquant une participation plus citoyenne au sein d'un Etat de droit. Car avec ce retour au tout Etat, l'adhésion à l'organisation mondiale du commerce pour l'Algérie n'est pas pour demain. Le patriotisme économique ne saurait s'assimiler au tout Etat bureaucratique des années 1970, dans des pays où dominent la propriété privée, pour ne citer que quelques cas, comme les USA, la France, l'Espagne, l 'Italie, les citoyens sont fiers d'être américains, français, allemands, espagnols ou italiens. Le monde a fondamentalement changé impliquant une nouvelle culture de nos responsables,, lorsqu'on sait que l'assainissement des entreprises publiques en Algérie a coûté au trésor public plus de 40 milliards de dollars entre 1971/2009 sans résultats probants, plus de 70%des entreprises publiques étant revenues à la case de départ. Cependant pour éviter les effets pervers du marché comme le montre la crise mondiale actuelle, il y a urgence d'un rôle plus accru de l'Etat régulateur, différence de taille pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, d'une économie de plus en plus globalisée. Aussi, je déplore qu'aucun débat public sérieux n'ait eu lieu sur le futur rôle de l'Etat en Algérie, débat indispensable pour éclairer la future politique économique et sociale.