L'ancien grenier à blé de l'Union soviétique, est bien décidé à revaloriser ses 2 millions d'hectares de terres agricoles, réputées les plus fertiles au monde. L'Ukraine pourrait bien retrouver d'ici quelques années un statut de "grenier à grains" au niveau mondial. Consciente de son énorme potentiel agricole, cette ex-République soviétique réputée pour ses fameuses terres noires (chernozems), parmi les plus fertiles au monde, en nourrit l'ambition. Comme pour la Russie et le Kazakhstan avec lesquels elle dessine une nouvelle "écharpe céréalière" - la Corn Belt de l'Est par analogie à la Corn Belt américaine -, l'agriculture est l'un de ses atouts. Voire son premier, car l'Ukraine n'a pas les ressources gazières et minérales qui assurent à ses deux voisins une rente confortable. Ces terres noires locales commencent à sérieusement attirer les capitaux étrangers, et tout risque même d'aller très vite : "Je pense que l'on a devant nous trois à cinq ans pendant lesquels les investissements vont se multiplier en Ukraine. Il faut sans doute être relativement hardi, mais je pense que c'est une grande destination de l'investissement agricole aujourd'hui", analyse Jean-Jacques Hervé, ancien conseiller agricole du gouvernement Ukrainien, aujourd'hui chez Index Bank. L'agriculture est aussi pour l'Ukraine un des seuls moyens de faire rentrer des devises fortes. Le pays facilite d'ailleurs le développement du secteur en exemptant d'impôts les sociétés agricoles. Déjà premier fournisseur mondial d'orge et deuxième en tournesol et en colza, l'Ukraine produit autour de 50 millions de tonnes de grains, dont 23 millions pour l'exportation. "Mais d'ici dix à quinze ans, le pays a vocation à tripler sa capacité exportatrice. Et à devenir un des grands fournisseurs, si ce n'est le principal fournisseur, des pays importateurs du grand bassin méditerranéen, note Jean-Jacques Hervé, ex-conseiller du ministre ukrainien de l'agriculture et aujourd'hui chez Index Bank, la filiale locale du Crédit agricole. Ce pays a un potentiel de production de 100 millions de tonnes." L'Ukraine est loin d'exploiter tout ce potentiel. Un tiers de ses 42 millions d'hectares de surfaces arables est en friche et un autre tiers est mal exploité. Lancée dès 1992, la privatisation des terres s'est faite en attribuant aux ex-kolkhoziens un titre de propriété de 2 à 5 hectares. Aussi pour éviter une dislocation du foncier, un moratoire sur la vente des terres agricoles a été décidé et prorogé depuis. Or nombre d'Ukrainiens préfèrent louer leurs droits fonciers plutôt que d'exploiter leur parcelle.