L'étude Census of Marine Life, réalisée sur dix ans par des scientifiques, révèle la richesse de la biodiversité méditerranéenne, mais aussi sa fragilité face aux activités humaines. 17.000 espèces animales et végétales peuplent la Méditerranée, et non 8 à 12.000, comme estimé jusqu'à présent. Un nombre qui s'enrichit de nouveaux venus issus des zones tropicales, augmentant la diversité de ses formes de vie : c'est le côté positif du rapport émis par 360 chercheurs. Mais ceux-ci insistent surtout sur les dangers qui pèsent sur cette mer fermée, particulièrement sensible à tout changement et exploitée par l'homme depuis des millénaires. La dégradation des habitats par le bétonnage ou la pollution, mais aussi la surpêche qui risque d'augmenter encore d'ici 10 ans, sont les premières causes d'inquiétude. Mais l'impact de faunes et de flores invasives est également préoccupant : plus de 600 de ces formes exogènes, représentant 4% du nombre total d'espèces présentes, ont été recensées. Accidentellement charriés par les navires gagnant la Méditerranée par le détroit de Gibraltar ou le canal de Suez, amenés clandestinement parmi les huîtres ou les palourdes japonaises implantées dans les élevages côtiers, ou attirés par le réchauffement des eaux de la grande bleue dû aux changements climatiques, ces intrus - algues, méduses, poissons… - colonisent de plus en plus les milieux, entraînant notamment une tropicalisation préjudiciable à l'écosystème original. Mais la particularité de la Méditerranée est la présence importante d'espèces invasives, "un facteur crucial qui va continuer à modifier la biodiversité". Venues d'autres mers, via le détroit de Gibraltar ou le canal de Suez, elles sont estimées à plus de 600, soit 4% du total des espèces recensées. Certaines d'entre elles, notamment les méduses sont problématiques: "La dispersion de la Mnemiopsis Leidyi (méduse américaine) en 2009 a provoqué de grandes inquiétudes en raison de son impact connu sur les écosystèmes et les zones de pêche", explique le rapport. D'autres, comme l'huître ou la palourde japonaises, ont été volontairement introduites avec le développement de l'aquaculture et ont entraîné avec elle de nouvelles espèces non adaptées à la vie en Méditerranée: "Les fermes à huîtres sont devenues de véritables portes d'entrée dans les eaux côtières pour toute une série d'algues", soulignent les experts. Le réchauffement climatique risque encore d'accentuer le phénomène. Une mer plus chaude va attirer de nouvelles espèces tropicales qui "pourraient entraîner la perte du caractère particulier des communautés méditerranéennes". Une "tropicalisation" qui apportera toutefois une nouvelle richesse dans certaines zones, selon les experts. Pour les chercheurs, il est "nécessaire de développer une vaste analyse des initiatives à prendre en matière de conservation pour préserver la biodiversité méditerranéenne", ajoutant que cette mer peut devenir, à ce sujet, "un modèle pour les océans du monde".