Alors que la décision russe de suspendre ses exportations de céréales semble devoir perdurer, la France tente d'enrayer la spéculation sur les prix agricoles. Le ministre français de l'Agriculture, Bruno Le Maire, s'est dit partisan vendredi d'une limitation des positions pour limiter la spéculation sur les marchés des matières premières. Bruno Le Maire, qui a accordé un entretien à Reuters, estime nécessaire une plus grande régulation des marchés européens de matières premières pour enrayer la hausse des prix alimentaires et éviter la famine dans les pays pauvres. Le ministre, qui a effectué une visite de deux jours aux Etats-Unis, où il a notamment rencontré son homologue américain Tom Vilsack, a estimé que l'imposition de limitations de positions sur les marchés européens des matières premières était "quelque chose de très intéressant". "Nous sommes prêts à aller dans cette direction. Des limitations de positions pourraient être une solution très intéressante mais pas la seule. (...) C'est une chose sur laquelle nous sommes prêts à travailler", a déclaré Bruno Le Maire. La France présidera le G20 en novembre. La France a soumis des propositions détaillées à la Commission européenne pour demander une action conjointe pour réguler les marchés des matières premières. Il y deux ans, la hausse des prix agricoles à des niveaux records avait déclenché des émeutes de la faim dans certains pays. Plus récemment, la sécheresse en Russie a fait quasiment doubler le prix du blé entre juin et août. Le gouvernement russe a suspendu les exportations de céréales au moins jusqu'en 2011. "Naturellement, il y a eu ce problème de sécheresse en Russie. Mais cela aurait dû faire monter les prix sur le marché de 100 euros la tonne à, disons, 140 ou 150 euros. Pas 200 ou 220", a fait valoir le ministre français. "C'est la marge de spéculation et c'est ce que nous voulons combattre, voulons réduire", a-t-il déclaré. La France veut "mieux organiser" le marché, a-t-il insisté. Il a précisé qu'il aurait des discussions avec le gouvernement britannique sur le sujet, alors que les grands marchés de matières premières européens sont à Londres. Des propos qui interviennent alors que La France a soumis à la Commission européenne des propositions détaillées en vue d'obtenir une action conjointe permettant de réguler les marchés des matières premières. Fin août, Paris a ainsi formellement demandé à Bruxelles de prendre une " initiative " pour " améliorer " la régulation des marchés financiers liés aux matières premières, une des priorités de la France en vue de sa présidence du G20. Dans une lettre conjointe, les ministres Christine Lagarde (Economie), Jean-Louis Borloo (Energie) et Bruno Le Maire (Agriculture) jugent la régulation en vigueur " insuffisante ". Ils estiment par ailleurs " souhaitable " qu"'une initiative européenne pose les principes communs de la régulation des dérivés de l'ensemble des matières premières et assimilés ". Le gouvernement français pointe tout particulièrement du doigt les produits financiers dérivés, lesquels - selon Paris - sont progressivement "devenus des actifs financiers comme les autres, utilisés par des acteurs non commerciaux, comme par exemple les fonds spéculatifs". Certains analystes ne redoutent quant à eux que n'émerge à nouveau le même type de phénomène que celui observé en 2008, date à laquelle la flambée des prix agricoles avait déclenché des émeutes de la faim dans certains pays.