Le président syrien Bachar al-Assad a assuré, hier, devant des dizaines de milliers de partisans rassemblés au cœur de Damas, qu'il triompherait du "complot" visant selon lui son régime, contesté depuis dix mois par une révolte réprimée dans le sang. Ce discours intervient alors qu'un des membres démissionnaire de la mission de la Ligue arabe, sur le terrain pour rendre compte de la situation, a accusé le régime de "mises en scène" et de commettre des "crimes en série". M. Assad, détendu, le col de la chemise ouvert, s'est adressé pendant quelques minutes à la foule de manifestants pro-régime agitant des drapeaux syriens sur la place des Omeyyades à Damas et venus, selon la télévision officielle, soutenir les réformes annoncées la veille. "Je suis venu pour puiser la force auprès de vous. Grâce à vous, je n'ai jamais ressenti la faiblesse", a lancé M. Assad du haut d'une tribune. "Nous allons triompher sans aucun doute du complot. Leur complot approche de sa fin, qui sera la leur aussi", a-t-il ajouté. Ce gigantesque rassemblement entrait dans le cadre de manifestations d'appui au régime organisées "dans plusieurs localités et villes syriennes", selon le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. "Il a été demandé aux fonctionnaires gouvernementaux de participer à ces défilés. A Deraa (sud), les soldats défilent en civil", a-t-il affirmé. Hier, quatre civils ont été tués par les forces du régime à Hama (centre) où des affrontements opposaient l'armée régulière à des déserteurs, a rapporté l'OSDH. Un autre a été tué à Homs (centre). La veille, 22 civils avaient péri dans la répression. Parmi les victimes, figurait un nourrisson qui avait disparu deux jours auparavant avec ses parents, et dont le corps a été retrouvé dans un quartier de Homs, selon l'OSDH et les Comités locaux de coordination (LCC). Ces violences interviennent malgré la présence depuis le 26 décembre d'observateurs de la Ligue arabe chargés de rendre compte de la situation. Leur mission est de plus en plus critiquée par l'opposition pour son inefficacité à faire cesser les violences, avec 400 morts recensés par l'ONU depuis leur arrivée. Lundi, deux observateurs koweïtiens avaient été légèrement blessés près de Lattaquié, sur la côte, selon le Koweït, et le chef de l'organisation panarabe Nabil al-Arabi a dénoncé "les actes de violence" contre ses observateurs. M. Assad, qui avait succédé en 2000 à son père Hafez al-Assad, avait promis, avant-hier, des réformes et annoncé notamment un référendum début mars pour une nouvelle Constitution. A Istanbul, le Conseil national syrien (CNS), regroupant la majorité de l'opposition, a affirmé avoir vu dans ce discours "de l'incitation à la violence, à la guerre civile, des propos sur la division confessionnelle que le régime a lui-même fomentée et encouragée", selon Bassma Qodmani, membre du CNS. Ils ont estimé en outre que les réformes évoquées par M. Assad étaient dépassées, alors que les violences n'ont pas cessé et les prisonniers n'ont pas été libérés. Mais la presse syrienne a appelé, hier, l'opposition à se joindre aux réformes et au gouvernement d'union nationale promis par le président Assad estimant que son discours "constitue un plan de travail pour sortir de la crise". Un observateur démissionne, accuse le régime de crimes en série Un membre de la mission d'observateurs de la Ligue arabe en Syrie a présenté sa démission, accusant dans une interview à la chaîne al-Jazira le régime de mises en scène et de commettre des crimes en série. La démission de l'observateur algérien Anouar Malek est la première depuis le début le 26 décembre de cette mission de la Ligue arabe chargée de prévenir la poursuite de la répression. Les observateurs ont été trompés, le régime a mis en scène et fabriqué la plupart des choses que nous avons vues pour empêcher la Ligue arabe d'agir contre Damas, a affirmé l'observateur à la chaîne satellitaire du Qatar. J'ai vu un véritable désastre humanitaire. Le régime ne commet pas un seul crime de guerre, mais une série de crimes contre son peuple, a-t-il ajouté, soulignant que la situation était surtout catastrophique à Homs, épicentre du soulèvement. Il a affirmé que le régime ne s'était conformé à aucun point du plan arabe. Ils n'ont pas retiré leurs chars des rues, les ont juste cachés et redéployés après notre départ, a-t-il dit. Les prisonniers sont torturés, personne n'a été libéré, a encore dit M. Malek, accusant le régime de mascarade en arrêtant des personnes dans la rue et les présentant aux observateurs comme des prisonniers libérés. Il a en outre affirmé que le régime du président Bachar al-Assad avait envoyé des espions et des membres des services de renseignement, agissant comme chauffeurs et accompagnateurs de la mission. Dès que nous quittions un secteur, les gens étaient attaqués, a-t-il assuré. Le chef de la Ligue arabe Nabil al-Arabi avait dénoncé, avant-hier, des attaques contre les observateurs en Syrie, ajoutant qu'il tenait le régime de Damas pour responsable de leur sécurité.