La chancelière allemande Angela Merkel s'est rendue, hier, au Portugal pour soutenir les efforts de ce pays, sous assistance financière internationale, qui accueille une nouvelle mission d'évaluation de ses créanciers sur fond de grogne sociale grandissante. Des manifestations étaient prévues dans l'après-midi pour protester contre la visite de Mme Merkel, érigée en symbole de la sévère cure de rigueur mise en œuvre par le gouvernement portugais sous la tutelle de ses bailleurs de fonds. "Bien sûr qu'un programme de cet ordre suscite un grand débat, mais le gouvernement fait preuve de beaucoup de courage en prenant ces mesures", a déclaré Mme Merkel, dans un entretien à la télévision portugaise RTP, diffusé, avant-hier soir. "C'est un processus long et dur, et je sais qu'il exige beaucoup de sacrifices", a-t-elle encore reconnu, tout en affirmant qu'il n'y avait à ce stade "pas de raison pour une renégociation" du programme de redressement portugais, comme certains le défendent dans le pays, ni d'un deuxième plan d'aide, comme s'y attendent nombre d'analystes. La chancelière, qui s'est récemment rendue en Espagne puis en Grèce, deux autres pays durement frappés par la crise de la dette, sera reçue en milieu de journée par le président de la République Anibal Cavaco Silva avant de rencontrer le Premier ministre Pedro Passos Coelho. Après un "déjeuner de travail" dans un ancien fort situé à l'embouchure du fleuve Tage, dans la banlieue ouest de Lisbonne, les deux chefs de gouvernement ont tenu une conférence de presse conjointe à 15H00 (locales et GMT) et intervenu ensuite dans une rencontre d'entrepreneurs de leurs pays. Pendant ce temps-là, les représentants de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international entamaient leur sixième examen trimestriel du programme de rigueur et de réformes négocié avec le Portugal en mai 2011, en échange d'un prêt de 78 milliards d'euros. La mission, qui prendra environ une semaine et déterminera le versement d'une nouvelle tranche d'aide de 2,5 milliards d'euros, devrait "bien se passer", a pronostiqué un membre du gouvernement de centre-droit. Après sa dernière visite, la troïka UE-BCE-FMI a assoupli les objectifs budgétaires du Portugal, qui peine à redresser des finances publiques plombées par une récession économique accentuée et un taux de chômage record. La coalition de M. Passos Coelho, n'a donc plus droit à l'erreur et vient d'adopter un projet de budget pour 2013 marqué par une nouvelle hausse généralisée des impôts. Dans la foulée, le chef du gouvernement a annoncé son intention de couper 4 milliards d'euros supplémentaires dans les dépenses publiques d'ici la fin 2014. L'opposition socialiste, cosignataire des engagements pris par le Portugal auprès de ses créanciers, a profité du moment pour se démarquer d'une politique de rigueur jugée "excessive", menée par un gouvernement qu'elle accuse de s'aligner aveuglément sur les positions allemandes. "La stratégie de l'austérité à tout prix détruit l'économie sans même atteindre ses objectifs budgétaires", a souligné le chef du Parti socialiste, Antonio José Seguro, dans une tribune publiée, hier,. "Le Premier ministre doit dire à la chancelière Merkel, que nous ne supportons pas davantage d'austérité", a-t-il écrit. Dans la rue aussi, la contestation contre les coupes budgétaires ne cesse de croître avec d'importantes manifestations de policiers puis de militaires ces derniers jours, même si le pays n'a jusqu'ici pas connu d'affrontements violents. Demain, la journée européenne contre l'austérité sera marquée au Portugal par une grève générale convoquée par la CGTP, la première confédération syndicale du pays. A l'occasion de la visite de Mme Merkel, qui n'a duré que quelques heures, la centrale a organisé un défilé "en défense de la souveraineté nationale" alors que des groupes liés à la mouvance des Indignés ont appelé à un rassemblement sous le slogan "Merkel dehors !" Outre l'imposant dispositif de sécurité déployé dans la capitale portugaise, le chef du gouvernement portugais a pris le soin de condamner toute "diabolisation" de son hôte. "La raison pour laquelle le Portugal a aujourd'hui besoin d'augmenter les impôts et de couper dans les dépenses publiques ne découle d'aucune exigence de Mme Merkel, mais de politiques erronées qui ont accumulé trop de déficits et trop de dette", a déclaré M. Passos Coelho.