Le G8 doit renforcer ses règles afin d'empêcher les entreprises des secteurs des mines et de l'énergie d'encourager corruption et évasion fiscale qui empêchent l'Afrique de profiter pleinement de son essor économique, selon l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan. Les pertes subies par l'Afrique sous la forme de sorties de capitaux illicites représentent deux fois plus que ce qu'elle reçoit en aide internationale, se désole le prix Nobel de la paix 2001 dans l'introduction d'un rapport présenté devant l'édition africaine du Forum économique mondial au Cap. Les sociétés enregistrées dans les pays du G8 devraient être obligées de publier la liste complète de leurs filiales et les informations concernant leurs revenus à l'échelle internationale, leurs profits et les impôts payés dans les différentes juridictions, demande le rapport. Il est invraisemblable que certaines entreprises, souvent soutenues par des fonctionnaires malhonnêtes, pratiquent une évasion fiscale contraire à l'éthique et se servent des prix de transfert et de sociétés anonymes pour maximiser leurs profits, alors que des millions d'Africains sont privés de l'accès à une nutrition adéquate, à la santé et à l'éducation, souligne-t-il. Défiant les prédictions de ceux qui pensent que l'Afrique est frappée par la " malédiction des ressources naturelles ", de nombreux pays riches en ressources naturelles présentent des taux de croissance durablement élevés et améliorent la vie quotidienne de leurs habitants, se réjouit-il. Les pays africains eux-mêmes doivent mettre l'accent sur la transparence, juge l'Africa Progress Panel, un groupe de dix personnalités qu'il dirige, et qui comprend aussi l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Michel Camdessus ou le chanteur Bob Geldof. Les dix sages demandent à la communauté internationale d'être vigilante, afin d'éviter que les investisseurs utilisent société offshores et paradis fiscaux qui (sapent) les efforts des réformateurs africains et facilitent l'évasion fiscale et, dans certains pays, la corruption, privant l'Afrique de revenus qui devraient être déployés pour lutter contre la pauvreté et la vulnérabilité. La Suisse (qui n'est pas membre du G8), la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et le Japon sont particulièrement montrés du doigt pour leur règles trop laxistes en matière de financement et d'enregistrement des sociétés. Selon un rapport conjoint de la Banque africaine de développement (BAD) et l'ONG Global Financial Integrity qui doit être publié d'ici la fin du mois, les sorties illicites d'argent ont coûté à l'Afrique entre 1.200 et 1.400 milliards de dollars entre 1980 et 2009. Quelque chose comme 1 300 milliards de dollars ont quitté l'Afrique au cours des trente dernières années environ, et nous pensons même qu'il s'agit d'une sous-estimation, a précisé l'économiste en chef de la BAD Mthuli Ncube. C'est un espace de fuites. L'Afrique pourrait facilement combler son manque de ressources rien qu'en colmatant ces fuites, a estimé M. Ncube. Pour la seule année 2009, les flux financiers illicites sortant d'Afrique étaient plus de trois supérieure à l'aide au développement qu'a reçue l'Afrique, selon le rapport, qui est encore plus pessimiste que Kofi Annan. Cela entrave très certainement la capacité de l'Afrique à développer, a souligné Mthuli Ncube. Dans de nombreux pays, les revenus issus des ressources naturelles creusent le fossé entre les riches et les pauvres, a regretté Kofi Annan. Bien des progrès ont été accomplis, mais une décennie de croissance à un taux très impressionnant n'a pas amené d'améliorations comparables dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la nutrition, a-t-il ajouté. Mais il y a de bonnes raisons de se montrer optimiste, veut-il croire, notant notamment que la démocratie s'enracine plus profondément et la responsabilisation qui l'accompagne consolide la gestion des ressources naturelles.