Banques, foncier et impôts sont parmi les principaux ingrédients d'un investissement efficient. L'Algérie est un gigantesque chantier. Il reste beaucoup à faire pour relancer l'économie nationale. C'est sur cet impératif que s'est penchée la dernière tripartite (Gouvernement, Patronat, UGTA) tenue jeudi passé à la résidence de Djenane El Mithak, à Alger. La réunion a vu l'intervention de plusieurs responsables, dont le Premier ministre. En effet, dans son allocution d'ouverture, le chef de l'exécutif a amadoué les bienfaits de la politique de réconciliation nationale qui a rétabli la paix et la sécurité. Par ailleurs, le chef de l'exécutif a souligné la nécessité de "réindustrialiser" l'Algérie pour en faire le moteur d'une croissance "forte et saine" préalable à la création de la richesse et de l'emploi. "La réindustrialisation de l'Algérie doit être obligatoirement le moteur d'une croissance forte et saine qui nous permettra de créer de la richesse et notamment de l'emploi durable et participer ainsi au PIB, au moins, à hauteur de 10%", a-t-il dit. Il a reconnu que l'Algérie "ne crée pas suffisamment de richesses et d'emplois" et que ceux existants "sont créés surtout par la dépense publique". Réitérant la volonté de l'Etat à soutenir les entreprises créatrices de richesses et d'emplois (publiques ou privées), M. Sellal a affirmé que le gouvernement est prêt à "multiplier par deux le taux des crédits à l'économie accordés aux entreprises privées". Le Premier ministre a fait observer, en outre, que le gouvernement est "conscient" des "entraves qui freinent les projets d'investissements", assurant que les efforts seront "intensifiés" pour "combattre la bureaucratie, les passe-droits et simplifier les procédures". Dans un autre contexte, le chef de l'exécutif a exclu toute remise en cause du Crédit documentaire (CREDOC), assurant, toutefois, un allégement de ce mode de paiement des importations. "On ne remettra jamais on cause le CREDOC, mais on l'allègera" en y apportant "plus de souplesse et on veillera à mieux contrôler nos importations", a-t-il affirmé. Pour le Premier ministre, "il n'est pas question d'importer n'importe quoi en Algérie ou que certains (opérateurs) trichent dans leurs opérations d'importation de biens". Le CREDOC sera donc maintenu pour un meilleur contrôle des importations de l'Algérie. "Nous n'interdirons rien aux Algériens, mais nous contrôlerons sévèrement nos importations", a-t-il insisté sur ce point. S'agissant de la règle 51/49% relative aux investissements étrangers, M. Sellal a indiqué que cette règle, bien que contestée par certains opérateurs, "a protégé l'économie nationale et continuera à le faire". Il a cité, à cet effet, la reprise par l'Etat des 51% du capital du complexe sidérurgique d'El Hadjar "sans payer un dinar". Le Premier ministre a, par ailleurs, affirmé que toute l'aide sera apportée aux entreprises économiques dont celles créées dans le cadre de l'Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes (ANSEJ). "Ces PME, notamment celles opérant dans le secteur du bâtiments ont un rôle important à jouer. Il faut les aider à prendre la relève et même à se prendre en charge", a-t-il indiqué ajoutant que les entreprises algériennes ont besoin d'être compétitives à l'échelle internationale. Il a ainsi appelé les entreprises nationales à exploiter le potentiel dont recèle l'Algérie pour développer leurs exportations de produits à valeur ajoutée, notamment dans l'agroalimentaire. Dans un autre sillage, il a affirmé que la conception de l'Algérie de l'économie de marché est complètement différente de l'ultralibéralisme. Pour le Premier ministre, l'économie algérienne ''se doit de veiller à l'équilibre entre les nécessités de la performance et de la rentabilité et celles d'une politique sociale visant à consolider les droits des travailleurs et atténuer les inégalités''. M. Sellal a toutefois indiqué qu'il était ''illusoire'' pour un pays comme l'Algérie de fonder sa compétitivité sur le coût bas de la main-d'œuvre ou de l'énergie à travers l'exportation "masquée" des hydrocarbures dans des produits à faible teneur technologique et à faible valeur ajoutée. Devant les participants à la tripartite, M. Sellal a indiqué que le président de la République l'avait chargé de leur transmettre un message selon lequel l'Etat, à travers la dépense publique, a doté le pays d'infrastructures "dignes des pays développés". "Des bases solides pour des industries de grande dimension sont là, qu'il s'agisse de routes et autoroutes, chemins de fer, ponts et aéroports, électricité, ressources naturelles, ressources humaines", a affirmé M. Sellal pour qui l'Algérie "dispose d'un potentiel d'investissement parmi les plus importants du pourtour euro-méditerranéen". ''Si ces réalisations ont été le fait de l'Etat, les entreprises publiques et privées doivent exploiter les opportunités qu'offre ce potentiel pour s'investir dans une perspective à moyen et long termes", a-t-il poursuivi, assurant que les pouvoirs publics allaient intensifier leurs efforts pour combattre tous les entraves et obstacles qui continuent de décourager ou de freiner les projets d'investissement. Dans la même optique, le Premier ministre a évoqué le rôle des entreprises publiques dans cet effort de développement à travers des investissements lourds qui ont permis d'enregistrer une croissance de 10,8% de leur valeur ajoutée durant les huit premiers mois de 2013 par rapport à l'exercice 2012. A cet effet, il a appelé ces entreprises publiques à "envisager des partenariats avec les entreprises leaders dans leur domaine", assurant la disponibilité de l'Etat de les aider à concrétiser cet objectif et à élargir leur marge de manœuvre et autonomie avec une forte sécurisation des cadres. ''Nous veillerons fortement à la sécurisation des cadres mais j'attends d'eux, dans un acte de confiance mutuelle, une plus grande implication et mobilisation" pour contribuer à la relance du secteur industriel national. L'entreprise privée devrait retrouver sa place et contribuer activement au développement économique et industriel du pays, a-t-il préconisé. ''Il serait absurde de limiter le rôle de l'entreprise privée, de l'assigner à des activités prédéterminées ou de limiter le capital dont elle voudrait se doter", a-t-il déploré. ''L'entreprise privée est l'un des acteurs de notre économie, son apport à la transition que nous amorçons est souhaitable et indispensable'', ajoute le Premier ministre pour qui l'entreprise privée ou à capitaux privés ''n'est pas un mal nécessaire, mais un bien indispensable''. ''Le rôle de l'Etat est d'être le garant de l'économie nationale et c'est dans ce sens que nous agirons désormais. Nous ne gérons plus l'économie par des injonctions administratives mais ce seront les règles économiques qui prévaleront au niveau du marché", a-t-il ajouté. Le Premier ministre a souligné, également, la volonté du gouvernement à améliorer l'accompagnement de l'investisseur à travers la révision du statut de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI). Cette agence, un établissement public administratif (EPA), devrait avoir, dans le cadre de sa modernisation, le statut d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) a expliqué le Premier ministre qui répondait à des propositions formulées par les organisations patronales. "Il est impératif de faire en sorte que l'ANDI soit un outil réel de développement" de l'investissement en Algérie, a encore indiqué M. Sellal, qui a ajouté qu'elle "ne doit pas se comporter comme un guichet bureaucratique". Evoquant, justement, le problème de bureaucratie dans l'administration, il a tenu à affirmer que cette pratique ouvre souvent la porte à la corruption. "Il faut qu'on se le dise, derrière tout acte bureaucratique, c'est une recherche de corruption. C'est un fonds de commerce de corruption qu'on veut créer", a dit le Premier ministre devant les participants à cette 15ème tripartite. Cette tripartite tant attendue s'est achevée sans aucune grande décision, mais avec beaucoup de promesses. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé à la clôture de cette rencontre, la mise en place de cinq groupes de travail chargés d'identifier les dispositions susceptibles d'encourager le développement de l'entreprise nationale. Le premier groupe est, ainsi, chargé d'"élaborer le pacte économique et social de croissance dans un délai qui ne saurait excéder les trois mois", a-t-il souligné dans son intervention prononcée à la clôture des travaux de cette rencontre de concertation qui a regroupé le gouvernement avec le patronat et le syndicat. Le deuxième groupe est chargé, selon le Chef de l'exécutif, de proposer les modalités de la contribution du Fonds national d'investissement (FNI) au financement de l'investissement national public et privé. Un autre groupe est chargé de "l'encouragement de la production nationale dont le crédit à la consommation pour les produits locaux", alors que le quatrième groupe prendra en charge la question de "l'encadrement des actes de gestion". Le cinquième et dernier groupe, a-t-il poursuivi, est chargé de "proposer les modalités facilitant l'intervention des entreprises nationales du BTPH dans la réalisation du programme national d'équipement". Le grand absent de la tripartite fut l'article 87 bis, dont les différents responsables avaient affirmé que celui-ci sera au menu. Dans un autre sillage, le Forum des chefs d'entreprise (FCE) a durcit le ton à l'égard du gouvernement. Dans un document d'une vingtaine de pages, diffusé à la même occasion, la plus importante organisation patronale du pays se positionne contre la re-nationalisation des entreprises publiques, comme ArcelorMittal Annaba dont l'Etat vient de reprendre le contrôle. Le FCE, qui rompt ainsi la trêve avec le gouvernement Sellal, ne se contente pas de critiquer. Il fait des propositions. Le FCE plaide pour un dispositif de développement de l'investissement " unifié ", " simplifié ", " stabilisé " et exempt de toute contradiction. " Ce dispositif est aujourd'hui éparpillé dans une multitude de textes du fait des aménagements successifs qu'il a subis à travers les lois de finances, les lois réorganisant le foncier industriel et diverses lois sectorielles ", écrit le FCE. Ainsi, le président du FCE a exprimé sa satisfaction quant aux décisions ressorties de la tripartite. Par ailleurs, il faut noter qu'en coulisses M. Hamiani a exprimé son désarroi quant à la tripartite. Malgré l'absence de décisions importantes, le président du FCE Réda Hamiani constate, à la fin de la tripartite, la bonne volonté du gouvernement. " Il y a aujourd'hui plus de volonté d'ouverture vers le secteur économique privé ", affirme-t-il.