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Conflits-ingérence étrangère : L'Afrique aux Africains et Mandela avait dit vrai
Publié dans Le Maghreb le 22 - 12 - 2013

Pour sortir l'Afrique de son mal récurrent, une seule et unique solution: la paix est indispensable. Mais qui saura l'imposer et la faire accepter? On est là à cette situation où le continent est devenu le terrain de tous les marchés illicites en passant par le terrorisme, la contrebande, la drogue et le trafic à ciel ouvert des armes. Les marchands de canons, sans aucun humanisme, ni répit, envers les peuples sont les véritables approvisionneurs d'armes des acteurs africains versés dans les conflits et les tensions qu'ils soient rebelles ou officiels, les marchands d'armes n'excluent aucun client.
L'essentiel, c'est qu'il a de quoi payer en monnaie trébuchante. Le commerce illicite des armes est devenu un phénomène incontrôlable, c'est un problème mondial qui a des effets terrifiants au niveau local. "Du fait que ce sont les pauvres qui en souffrent le plus, l'adoption d'un traité visant à mettre un terme au trafic des armes et aux activités des violeurs de la loi s'impose plus que jamais afin de rendre les sociétés plus sécurisées". Avec l'aggravation des crises et la multiplication des problèmes, le continent noir connaît une multitude de phénomènes qui menacent directement sa sécurité et sa stabilité. Parmi les menaces les plus graves, il y a les conflits armés internes, le trafic et le crime transfrontalier, qui, le plus souvent, trouvent dans le commerce illicite des armes le meilleur moyen de les attiser et de les nourrir.

Multiplication des conflits
Ainsi, selon les estimations, le commerce illicite des armes légères représente plus du tiers des échanges commerciaux officiels sur le marché de l'armement. Face à l'élargissement de la sphère d'action du marché noir, la maîtrise de ce phénomène est devenue plus difficile au point que l'on assiste à une multiplication des conflits et des crises, faisant ainsi du continent africain un marché lucratif, en dépit du fait qu'il semble relativement faible et marginal comparativement au marché global des armements. Dans le continent africain, les armes circulent quasi librement, ce qui n'est pas sans susciter l'intérêt des pays producteurs, particulièrement d'Europe et d'Asie, qui cherchent à se débarrasser des surplus d'armes, reliquats de la guerre froide ou des armes rendues obsolètes par le progrès technique. Des études font ressortir que la plupart des armes sont de fabrication étrangère. Ainsi, et à titre d'exemple, 95 % des fusils d'assaut en circulation sont des kalachnikov qui est l'arme la plus utilisée dans les conflits en Afrique, acquise le plus souvent par des voies détournées, ce qui traduit l'absence de mécanismes de contrôle internationaux et régionaux en matière de ventes d'armes.

Un marché juteux
Face à aucune alternative de paix et de sécurité à travers le continent, les évidences vont dans le sens du renforcement de ce marché juteux. Personne de ces commerçants d'armes ne veut modifier les données d'un marché porteur à commencer par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, qui préfèrent situer leurs champs dans cette région où les gains sont assurés et faciles à obtenir. Dans ces conditions, ce qui prime pour eux c'est la persistance des conflits de tout genre en Afrique. Il n'en est pas moins que le commerce des armes n'est pas rentable et florissant sans l'existence de ces guerres civiles entre citoyens et Etats africains. Comme relevé par nombre d'analystes, les marchands de canons ont oublié l'Amérique du Sud, le Proche-Orient et l'Asie du sud-est: les sociétés d'armement s'attaquent désormais au continent africain. "Les marchands de la mort, toujours plus dépendants des exportations en raison des coupes claires dans les budgets de la Défense des pays occidentaux, se sont créés un nouvel horizon là où les guerres sont légion et où de nouvelles ressources sont régulièrement découvertes.

Des dépenses budgétaires qui ne sont pas minces : prétexte et alibis depuis des décennies
Les prétextes, les alibis, les justifications des Européens et des Américains, procèdent tous de la même logique, d'un même esprit, celui de la "coloniale". Depuis des décennies, cette logique n'a pas changé d'un iota. Certes, s'introduisant de subtiles variantes de formes, de nouvelles tactiques plus ou moins habiles, les dirigeants en Europe et aux Etats-Unis ont aujourd'hui changé, les scénarios aussi. Les objectifs, eux, demeurent. Ce qui touche à l'Afrique depuis le précèdent siècle est grave, très grave. Qui donc, demain, pourra empêcher Paris, Washington ou leur relais l'Otan, d'intervenir dans tel ou tel pays parce qu'ils auront décidé que leurs intérêts économiques ou politiques sont menacés.
Depuis soixante ans, les ex-puissances coloniales, cette fois-ci, ont aidé telle ou telle guérilla dans l'espoir d'un retour sur un investissement. La situation semble avoir connu un tournant après le 11 septembre: les efforts des Occidentaux sont alors portés sur le renforcement des armées nationales africaines pour lutter contre le terrorisme international qu'ils avaient, par ailleurs, contribué à faire naître en Asie. Cette politique fait l'effet d'une véritable étincelle en Afrique. Mais le chaos semé sur le continent le plus proche constitua paradoxalement un terrain fertile pour leurs actions. La Corne de l'Afrique et le Sahel, où s'est implanté Al-Qaïda, sont les zones de prédilection des Etats-Unis et de l'Europe dans leur "stratégie antiterroriste". Des études ont révélé que ce terrain sensible recelait d'importants gisements de gaz et de pétrole. Les nations africaines, explique, un analyste du marché des armes cités par "Defens News", disent avoir besoin de moyens modernes et d'une forte puissance de feu pour lutter contre les milices de toutes sortes qui constituent désormais un fléau de part et d'autre de l'Afrique.

Les économies africaines de plus en plus affectées
Au-delà des pertes humaines, le commerce de la mort affecte également l'économie de plusieurs pays d'Afrique. L'ex-directrice du Programme de lutte contre la prolifération des armements, de l'Institut des études de sécurité d'Afrique du Sud, Mme Virginia Gamba, estime que l'augmentation du nombre des armes légères en circulation en Afrique menace sérieusement le développement du continent. Outre les dépenses qu'elles impliquent, elles sont une source de conflits, de remise en cause des traités de paix, d'accroissement de la violence et de la criminalité. Des facteurs qui constituent un frein à la stabilité sociale, démocratique et à la bonne gouvernance et qui, par voie de conséquence, ont des effets néfastes sur le développement économique.". Il est estimé qu'environ plus de 20 milliards de dollars sont dépensés chaque année en Afrique pour les guerres et les conflits armés. Ce qui constitue un gaspillage des ressources que le continent gagnerait à affecter aux secteurs économique et social. Des sommes qui pourraient être consacrées au développement, à la gestion des grandes tâches de reconstruction post-conflits. Les décisions du Conseil de sécurité de l'ONU, relatives à l'embargo sur le commerce d'armes dans certaines régions du monde, sont souvent violées du fait que les commissions autonomes d'expertise ainsi que les mécanismes de contrôle mis en place, se sont révélés impuissantes à mettre un terme à ce phénomène. Voilà pourquoi certains experts ont évoqué la nécessité d'un organisme mondial chargé de l'application rigoureuse de ces résolutions.

Les efforts africains : une nécessité de multiplier les initiatives
Conscients que le succès de la lutte contre ce phénomène passe par l'adoption de lois et règlement, le respect des traités internationaux et l'implication de la communauté internationale, les pays africains ont pris nombre d'initiatives par le biais de l'Union africaine, qui a joué un rôle important dans les négociations en matière de réduction des armements hérités de la guerre froide ou toute autre guerre, tout en encourageant la coopération entre les pays afin de faciliter les opérations de contrôle des frontières et de contribuer à la résolution des conflits en Afrique. Sur le plan législatif, des mesures juridiques ont été mises en place à savoir l'adoption de trois instructions juridiquement contraignantes en vue de circonscrire ce fléau et en atténuer les conséquences humanitaires. Il s'agit du Protocole de Nairobi sur les armes à feu, qui couvre l'Afrique de l'Est et la région des Grands-Lacs, du Protocole de la communauté de développement de l'Afrique australe et de la Convention de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest relative à l'importation et à la fabrication des armes légères. Tout cela est peu pour parvenir à la réduction des effets néfastes de ce phénomène. Il faudra que l'Union africaine et les autres organismes régionaux s'impliquent profondément et prennent conscience quant à une meilleure complémentarité dans l'action.

L'Afrique aux Africains
Ce slogan exprimé par les Européens et les Américains n'est en fait qu'un leurre pour cacher d'autres visées géostratégiques. L'Afrique sent de plus en plus qu'elle est mal comprise par ses partenaires occidentaux qui ne font jamais dans la sauvegarde et le respect des choix africains, pourtant menés en action originale et efficace. Dans ce contexte, il convient de mettre en valeur le rôle de certains pays à l'exemple de la Chine et de la Russie, qui ont engagé une politique de coopération saine et transparente avec le continent. Une coopération forte et fort bien défendue et qui est l'inverse de la coopération venant du Nord, si longtemps et profondément décevante. Les pays du Nord dans leur écrasante majorité font semblant d'être les bienfaiteurs de l'Afrique, alors que ce n'est qu'un parapluie de plus pour mieux imposer des systèmes politiques le plus souvent acquis à leurs intérêts et inadaptés aux réalités profondes des Africains. Aujourd'hui, il est impératif pour les sociétés africaines de se réveiller, prendre conscience, rejeter toute ingérence dans les affaires des Etats et des peuples africains. La dépendance énergétique de l'Amérique est un élément stratégique. L'implication de plusieurs saoudiens dans les attentats du "World Trade Center" et du Pentagone, la seconde guerre du Golfe, les guerres civiles dans le monde arabe nées du soi-disant "printemps arabe" ont fait prendre conscience aux USA que leur dépendance au pétrole du Moyen-Orient constituait un risque pour leur économie. Il fallait donc trouver un moyen de sécurisation de son accès au pétrole dans le Golfe de Guinée. L'instabilité du Moyen-Orient pousse ainsi les Etats-Unis à diversifier de façon plus accrue leurs sources de fourniture de pétrole et amoindrir les risques liés à son acheminement. D'ailleurs d'ici 2015, 25 % de l'importation américaine de pétrole proviendra d'Afrique. La présence militaire sur le continent a ainsi un grand soubassement économique. Et ce n'est guère surprenant. L'Afrique longtemps sous-traitée aux anciennes puissances coloniales, et objet d'interventions " intermédiaires", redevient de fait un jeu ouvert à tous. Les formes de résistance des Africains contre les convoitises ne doivent être ce qu'elles étaient jusqu'ici, l'heure est extrêmement grave parce que la reconquête occidentale et américaine a commencé. Parce que chaque Africain aujourd'hui doit consigner devant l'histoire son attitude face à cette recolonisation, qui sous le prétexte d'aide au développement à l'Afrique, fait dans la persistance d'exploiter les ressources et les peuples du continent. Le grand reproche à faire au monde développé c'est qu'il présente la sauvegarde de "la paix mondiale" comme une mission qu'il est le seul à pouvoir assumer. Mais de quelle paix
s'agit-il ? La paix mondiale ne peut être sauvegardée que si l'on élimine les sources des conflits, lesquelles ne sont plus aujourd'hui dans l'affrontement idéologique entre marché capitaliste et marché socialiste comme ce fut du temps de la guerre froide, mais dans les rapports entre des pays riches et des pays pauvres. Cet aspect "œcuménique" ne devrait pas résister aux dures réalités: aliénation politique et économique, pillage des ressources naturelles.

Mandela avait dit vrai :
Pour les Africains dont les revenus de leurs immenses ressources sont repris d'une autre main par la commerce des armes et des produits de première nécessité au lieu de servir à leur épanouissement et à leur développement, il est relativement facile d'individualiser l'ennemi politique et économique, on doit se battre contre lui, on le voit, on sait d'où viennent les armes qu'il porte, on sait de quelles alliances, complices et silencieuses, il jouit dans le continent. Un principe fondamental doit désormais être acquis: les Africains doivent être les seuls faiseurs authentiques de leur destin. Aucune puissance étrangère n'a le droit de parler en leur nom. Il en découle que la lutte pour la conquête de la liberté politique et économique de l'Afrique est non seulement légitime, mais nécessaire. Comme le disait feu Nelson Mandela: "Il faut donc que tous les peuples d'Afrique prennent conscience de cette réalité. Les pays africains s'engagent à rendre la paix mondiale opérationnelle. Tous les peuples doivent réaliser qu'en Afrique, dans nos territoires, il y a une des clés les plus importantes de la paix mondiale". Ceux des Occidentaux et des Américains qui ont "pleuré" la perte de Mandela ne doivent-il pas au moins reprendre ses paroles de sage et concevoir à une Afrique débarrassée de leur emprise pérenne.


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