Chacune des réunions de l'Organisation des pays exportateurs (Opep) était guettée avec impatience par les marchés. Selon la décision prise (maintien, augmentation ou baisse des quotas de production), la répercussion sur les places financières était quasi immédiate. Aussi, dans un contexte de flambée des cours, tous les regards seront braqués sur la prochaine conférence du cartel prévue à Abou Dhabi le 5 décembre prochain. Selon le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, qui doit prendre la présidence de l'Opep en janvier prochain, cette rencontre va “principalement” revoir les moyens susceptibles de stabiliser l'envolée actuelle des prix du brut. “Nous allons étudier (lors de cette conférence) principalement la situation du marché pour prendre les décisions à même de stabiliser les prix”, a déclaré lundi M. Khelil. Cependant, il est peu probable de voir l'Organisation décider, à l'occasion, d'une quelconque augmentation de sa production. Sans l'affirmer clairement le ministre a estimé qu'“une nouvelle augmentation de la production, si elle venait à être décidée lors de cette réunion, ne pourrait pas mettre fin à l'envolée des prix”. Rejetant l'insuffisance de l'offre mondiale comme facteur déterminant, M. Khelil a expliqué la flambée des prix par des facteurs géopolitiques, l'insuffisance des capacités de raffinage, la baisse du dollar et la crise du crédit hypothécaire aux Etats-Unis. “L'offre mondiale est suffisante et les besoins des consommateurs sont entièrement satisfaits”, a-t-il souligné. De son côté, le ministre vénézuélien du Pétrole, Rafael Ramirez, dont le pays est membre de l'Opep, a déclaré le même jour que la flambée des cours s'expliquait non pas par un déséquilibre entre l'offre et la demande, mais par des tensions géopolitiques et par la montée en puissance des spéculateurs, donnant ainsi un aperçu sur ce qui va se passer à Abou Dhabi le 5 décembre. Fidèle à sa ligne de conduite, le cartel souligne, d'abord et avant tout, que le marché reste physiquement bien approvisionné. En cela, l'Organisation a raison. Par rapport à la demande, sa production est même excédentaire de trois millions de barils par jour. C'est beaucoup mieux qu'en 2005, où ce surplus ne dépassait pas 500 000 barils par jour. Autrement dit, non seulement la planète ne manque pas de pétrole, mais elle ne risque pas d'en manquer à moyen terme. La dernière augmentation de 500 000 barils/jour, appliquée à partir du 1er novembre et qui n'avait pas donné l'effet escompté sur la flambée des cours du brut, prouve que les pays producteurs ne contrôlent plus les prix. Ils sont supplantés par des acteurs financiers non pétroliers. Les marchés pétroliers sont le jouet de spéculateurs face auxquels la capacité de réaction du cartel est limitée. Depuis longtemps, les fonds spéculatifs, prompts à bénéficier de l'inflation du baril, entretiennent la nervosité des marchés. En outre, comme le souligne Frédéric Lasserre, directeur de la recherche sur les matières premières à la Société Générale, “le marché pétrolier est plus que jamais la proie de facteurs imprévisibles, des poussées de fièvre d'ordre géopolitique, à l'image, ces derniers temps, des rumeurs d'intervention militaire turque dans le nord de l'Irak”. Les cours du pétrole qui sont repartis à la hausse hier, soutenus par le rebond des marchés asiatiques et l'anticipation d'une nouvelle baisse des stocks aux Etats-Unis, ont encore été l'occasion pour le secrétaire américain à l'Energie pour appeler les membres de l'Opep à relever leur production afin de faire baisser les prix. L'échéance décembre sur le brut léger américain gagnait, dans la matinée, 91 cents ou 0,97% à 94,89 dollars et le baril de Brent de la mer du Nord prenait 87 cents ou 0,96% à 91,36 dollars.