Airbus a largement dépassé ses prévisions 2014 mais, à une semaine de la fin de l'année, l'avionneur européen voit ses ambitions contrariées pour son très gros porteur A380. Il reste aussi derrière son rival Boeing en termes de commandes. Au 25 décembre, Airbus avait accumulé 1170 commandes nettes contre 1327 pour le groupe américain, selon des calculs sur la base des derniers communiqués diffusés par les deux constructeurs. Le moyen-courrier de l'Américain, le 737 et ses versions remotorisées (737 MAX 7, 8 et 9), représentent l'écrasante majorité des commandes passées en 2014. Le bilan commercial de l'Européen sera largement supérieur aux 626 commandes de l'année précédente. Mais, à moins d'une annonce de dernière minute, il n'atteindra pas ses objectifs pour l'A380. Alors que l'avionneur tablait sur la vente de 30 super Jumbos cette année, à ce jour, seuls 14 exemplaires sont enregistrés dans son carnet après l'annulation de l'achat de six appareils de la compagnie japonaise Skymark. En outre, aucun nouveau contrat n'a été signé cette année puisque la commande ferme de 20 A380 avec la société Amedeo (ex-Doric Lease Corp), annoncée en février, était une finalisation d'un accord signé en juin 2013. Pourtant, le P-DG d'Airbus, Fabrice Brégier, a farouchement défendu cette semaine la pertinence de cet avion en opération depuis fin 2007, réfutant l'hypothèse d'un arrêt prématuré du programme. "Imaginer que nous puissions avoir à l'esprit d'arrêter l'A380 est tout simplement dingue", a-t-il déclaré lundi en marge de la livraison du premier exemplaire du dernier-né du groupe européen, l'A350, à Qatar Airways. "Après tous les efforts que nous avons faits -- nous sommes sur le point d'atteindre l'équilibre financier l'année prochaine (...) -- nous allons évidemment continuer", a-t-il insisté. Pour développer l'A380, Airbus avait dû débourser 25 milliards de dollars (plus du double de l'A350), selon des sources du secteur, en raison d'importantes difficultés d'industrialisation. Des microfissures étaient en outre apparues en 2012 dans les structures des ailes, ralentissant la production. Le doublement du trafic aérien tous les 15 ans dans le monde est favorable au super Jumbo, a une nouvelle fois argué Fabrice Brégier. Plus gros avion de ligne du monde, il transporte en moyenne 525 passagers (en trois classes) et pourrait accueillir jusqu'à 800 passagers en tout économiques. Ses défenseurs soulignent que, sur des aéroports saturés comme Londres-Heathrow, opérer des A380 permet aux compagnies d'augmenter leurs capacités sans avoir à obtenir des droits de trafic supplémentaire. "Le défi est clairement d'avoir plus de clients", a reconnu le P-DG d'Airbus tout en jugeant suffisant le carnet de commandes: 318 appareils, dont 147 livrés (à fin novembre). Néanmoins, les experts du secteur pointent régulièrement la faiblesse de celui-ci avec une vingtaine de compagnies clientes dont une -- Emirates-- est ultra dominante (140 commandes dont 55 livrés à fin novembre). Malgré l'enthousiasme rencontré par les clients, son prix, 414,4 millions de dollars pièce au prix catalogue, reste également un frein, soulignent-ils.
L'avenir du A330 classique en question Richard Aboulafia, du cabinet d'études américain Teal Group, est particulièrement sévère à l'égard du super Jumbo, estimant qu'avec ses quatre moteurs (comme son concurrent le Boeing 747-8), l'avion ne répond pas aux exigences du marché qui attend une consommation de kérosène réduite et un large rayon d'action, ce que les biréacteurs B777, 787 ou A350 offrent désormais. Les très gros porteurs nécessitent par ailleurs des infrastructures aéroportuaires coûteuses que les gestionnaires ne veulent pas toujours consentir. Ils ne peuvent donc pas se poser dans tous les aéroports de la planète. L'avion est néanmoins très populaire auprès des passagers et Airbus devra donc accélérer sa prise de décision sur son éventuelle remotorisation, dont le coût est évalué à environ deux milliards d'euros. L'autre zone d'ombre pour Airbus est le devenir de l'A330 dans sa forme classique (ceo), la version remotorisée A330neo étant plus attractive comme l'atteste l'avalanche de commandes annoncées ces toutes dernières semaines. La cadence de production A330ceo, qui doit ralentir fin 2015 (10 à 9 par mois), pourrait donc être encore revue à la baisse.