Les monarchies du golfe persique sont, à l'heure actuelle, la cible préférée d'attaques diverses dans le débat autour de la chute du baril de pétrole. C'est parce que ces monarchies brassent une masse énorme de pétrole, près de la moitié des réserves mondiales. De plus, dans les pays producteurs, membres de l'Opep, on estime que la soudaine chute des cours pétroliers est exorbitante. Certaines déclarations ont même carrément mis à l'index l'Arabie saoudite d'exécuter un agenda politique et économique qui lui a été établi par les Etats-Unis contre la Russie, l'Iran, l'Algérie et le Venezuela. Le maintien de la production actuelle de pétrole imposée à l'Opep par l'Arabie saoudite est-elle un acte infâme. Y avait-il des raisons de l'appliquer pour que les prix du baril dégringole à un tel niveau, plus de 40 % depuis le mois de juin dernier ? Ces questions et bien d'autres appellent des réponses. La raison de la baisse la plus déterminante des prix du brut est exactement la même que celle qui a poussé les Etats-Unis et l'Europe à prendre des sanctions économiques contre l'Iran et la Russie. C'est aussi l'optique qui laisse à penser que Américains et Européens n'ont pu développer leur niveau de vie qu'en utilisant des matières premières tirées d'autres parties du monde qui ne jouissaient pas du même niveau de vie et à des prix minables, le cas actuellement du pétrole. Sur un autre registre, la question la plus urgente est de savoir si les pays du golfe persique ont réellement besoin de tout l'argent que leur procurent leurs ventes de pétrole. Pas plus que ces monarchies ne peuvent manger leur or, et surtout le papier-monnaie qu'ils reçoivent des pays occidentaux en paiement de leurs exportations de pétrole. En outre, la somme de dollars susceptible d'être utilisée judicieusement n'est pas illimitée, rencontre moins la possibilité de garantir un niveau de vie raisonnable avec cet argent dans un quart de siècle. Ce qui est certain c'est que les mêmes pétrodollars n'ont rien fait pour juguler la descente aux enfers du prix du baril de pétrole, et ne semblent pas avoir l'intention de le faire, comme l'a prouvé leur solidarité lors de la récente réunion de l'Opep, le 27 novembre dernier et que vient encore d'affirmer le ministre saoudien du Pétrole en déclarant : "Ce n'est pas dans l'intérêt des producteurs de l'Opep de réduire leur production, quel que soit le prix, qu'il soit de 20 dollars (...), cela n'a pas de sens. Lorsque le ministre saoudien du Pétrole tonne qu'il "n'est pas dans l'intérêt des producteurs de l'Opep de réduire leur production", on devrait comprendre que Ryadh fait impunément le jeu des compagnies pétrolières et des capitales occidentales tout en tournant le dos à l'intérêt des pays exportateurs de pétrole. Telles sont les conclusions que chacun peut tirer à la vue des positions défendues avec zèle par l'Arabie saoudite. Que cela concerne la politique de production, de prix ou la définition de la stratégie à long terme du cartel, en rupture avec l'intérêt bien compris des pays producteurs, Ryadh a régulièrement choisi son camp. La chute du prix du baril sur le marché pétrolier a été créée par l'Arabie saoudite afin de déstabiliser certaines économies. Chacun aura reconnu la triste rengaine du pétrole "responsable" de la crise et de l'inflation. Mais, sous couvert de stabilisation, d'unification, de répit, le royaume wahabite couvre une orientation politique inavouable: peser de tout son poids pour ralentir la marche en avant d'un nombre croissant de pays producteurs. Et pour preuve, tout indique que l'Arabie saoudite est liée par un accord secret passé avec les Etats-Unis pour maintenir les cours du brut sur une tendance baissière pour mettre la pression sur certains pays exportateurs. Cette baisse des prix est présentée comme une catastrophe pour les pays membres de l'Opep. Nombre d'experts en la matière ont immédiatement annoncé que les "cartes changeaient de mains", que la domination éhontée des pays producteurs sur les pays consommateurs était bel et bien terminée, bref, que l'heure de la revanche avait sonné. Cette position apocalyptique et dérisoire est l'oeuvre de Ryadh plus que jamais décidé à brouiller les données réelles du problème. Cette situation éclaire sous son vrai jour l'attitude des Saoudiens, qui ont délibérément choisi de jouer à la baisse des prix du pétrole. Un tel comportement est, de fait, un encouragement au développement de la politique de stockage et de spéculation pour les compagnies pétrolières qui retardent les achats pour pousser à davantage de baisse et réaliser des profits grandioses. C'est une prime à la politique de production à tout crin cautionnée par l'Arabie saoudite, au mépris de la nécessité du niveau de la production et du niveau de la demande pétrolière et de la nécessité de préserver, sur le long terme, cette richesse rare et non renouvelable. Au nom de la stabilité du monde occidental, Ryadh s'est engagé dans une voie qui tourne le dos aux intérêts des peuples du tiers-monde. D'autre part, la politique saoudienne entraîne une dépendance de plus en plus grande des pays occidentaux par rapport à Ryadh. Les compagnies pétrolières, profitant de sa politique de bas prix du baril, se précipitent afin d'approvisionner les raffineries de leurs clients respectifs avec du brut saoudien, facture à "plein tarif", alors qu'il est acquis dans des conditions on ne peut plus avantageuse...